10 millions d’euros pour un ruban
(en ligne le 03 juillet 2008) Courrier de François Lévy en écho au développement du Pôle hippique de Cluny.
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« Au cours d’une conférence, devant une large assistance de responsables bourguignons, le responsable du futur Pôle hippique de Cluny déclare qu’il aura fallu quinze années d’efforts pour concrétiser ce projet. L’Etat a accordé 10 000 000 € pour permettre la mise en œuvre de ce projet nécessaire mais mal ‘‘emmanché’’...
Au plus haut niveau de la hiérarchie, le responsable affirme, d’un ton docte et serein, que cet investissement de 10 millions d’euros sera à la disposition des organismes publics, parapublics et privés pour faire vivre l’activité hippique !
Financièrement, les maîtres d’ouvrage ne sont responsables que de la réalisation du pôle; il n’est pas prévu de centre de profits pour ensuite faire vivre ce projet ! Le pôle hippique sera la plaque tournante du sport hippique. Cette plaque tournante donne le tournis !
D’un projet à un centre de profits
Dans tous projets industriels, commerciaux ou de services, les responsables commencent par définir le besoin, puis ils établissent un budget pour prévoir quels seront les flux financiers. Ce budget permet de réaliser un plan de financement et alors seulement, ils décident de la faisabilité, de la réalisation et du financement du projet.
La seconde étape est d’imaginer la structure de direction et, bien sûr, la structure de contrôle.
Alors seulement, sont constituées les structures juridiques et financières appropriées. C’est le responsable de ce projet, devenu centre de profits, qui devrait diriger la manœuvre dans le cadre du budget préalablement accepté par les éleveurs, les cavaliers et les pouvoirs publics.
Pour résumer :
- En 1, constituer un centre de profit pour mettre en œuvre des objectifs précis,
- En 2, nommer les responsables de la structure, administrateurs et dirigeants,
- En 3, mettre en œuvre le projet au sein du centre de profits ainsi constitué.
Pour le Pôle hippique de Cluny, on a mis la charrue avant les bœufs : en 1, la mise en œuvre des installations; en 2, on sous-traite aux organismes l’usage et l’exploitation des locaux; en 3, on fera les comptes après ou plutôt on ne les fera pas car cela n’intéressera plus personne ....
Cet investissement - sérieux par son montant - est donc au service de tous, mais sans centre de profits, sans vrai responsable, sans organe de contrôle. On utilise l’argent de l’Etat pour couper le ruban de l’inauguration et éventuellement pour accrocher un petit ruban à sa boutonnière ?
Permettre à la filière de vivre
Le sport hippique et l’élevage des chevaux de sport ont des caractéristiques bien spécifiques :
- Les aides publiques à l’élevage sont dérisoires, contrairement aux autres éleveurs de veaux, vaches, cochons... Les pouvoirs publics considèrent le cheval comme loisir et non comme une activité agricole.
- Le sportif cavalier, amateur ou professionnel, ne reçoit des pouvoirs publics, qu’une aide dérisoire. Les gains des épreuves sont symboliques et le coût pour le cavalier de la pratique du sport est considérable : cheval, camion, inscription, location de boxes, etc.
Le sport hippique ne serait-il qu’un loisir et pas un sport ? Faut-il construire un monument à la gloire des mourants ou faire en sorte de permettre à la filière de vivre ?
J’aurais préféré que les pouvoirs publics augmentent la prime à l’élevage, les gains en concours d’élevage, les gains en concours hippiques pour, enfin, oxygéner le tissu professionnel. C’est le tissu professionnel, ainsi rendu à la vie, qui pourrait prendre en charge son destin au sein d’un Pôle hippique de Cluny devenu centre de profits.
Les installations de Cluny sont bien comme elles sont, mais pour être objectif, elles pourraient effectivement être améliorées, mais dans le cadre d’un centre de profits, tourné vers le service aux utilisateurs et non, comme cela est prévu, dédié aux moineaux et aux alouettes.
Que l’argent public alimente les filières en finançant les utilisateurs pour que les adeptes du sport hippique puissent pratiquer leur passion sans se ruiner, c’est un objectif vital.
Pour que les éleveurs et cavaliers de chevaux puissent vivre de leur métier, il serait judicieux d’affecter une partie de ces 10 millions d’euros à la filière, ce qui aurait pour conséquence immédiate et tangible de :
- changer les vieux camions,
- ccheter de nouvelles poulinières,
- rémunérer les employés avec de meilleurs salaires,
- acheter de meilleurs chevaux,
- construire des équipements, manèges, etc.…
- construire des boxes.
Bref, vivre…
L’argent public pour les éleveurs et les cavaliers, pas pour les rubans
Si on veut qu’un pôle hippique fonctionne, il faut que la responsabilité dépende des utilisateurs via une structure ad hoc !
Comment ?
En créant une société pour la promotion, la valorisation et la commercialisation du cheval de sport. Cette société pourrait louer les locaux de Cluny et s’engager résolument dans une activité financièrement rentable. L’objectif de cette société qui pourrait s’appeler ‘‘Haras régional de Cluny’’ (!) serait de :
- acheter, tout ou partie, des chevaux de sport de 3 ans nés en Bourgogne
- les débourrer, les dresser et les vendre
- rémunérer les éleveurs en les réglant en fonction du prix de vente obtenu
- organiser des CSO, CCE, etc.
- organiser des ventes aux enchères,
- avoir une activité commerciale soutenue en ‘‘trois langues’’ pour que les éleveurs soient dégagés des soucis commerciaux,
- avoir une mentalité de services, comme les coopératives qui ont fait le succès et la fortune des exploitants agricoles dans d’autres filières,
- créer une centrale d’achat pour les semences, les balais, les copeaux, etc.
Les éleveurs et les cavaliers seraient les actionnaires de cette société fonctionnant comme une coopérative ou un GIE. L’Etat financerait cette société organisée en centre de profits. L’Etat jouerait son rôle, mais au travers de cette structure tournée vers le service et le commerce.
Cette organisation permettrait de réduire le prix de revient de nos chevaux, de s’organiser pour faire du marketing régional et pour vendre aux marchands, clubs hippiques et cavaliers.
Elle permettrait surtout d’inscrire le monde du cheval de sport dans un contexte économique qui a fait ses preuves depuis longtemps - le centre de profits - avec regroupement pour des économies d’échelle et fixation des objectifs par les utilisateurs mêmes !
Décider de la taille du manège du pôle hippique sans savoir ce qu’on va y faire et comment on rentabilise l’investissement est pour le moins préoccupant.
Faut-il dépenser 10 millions d’euros pour un ruban ou faut-il d’abord se soucier de la santé financière de ceux qui sont la substance même de la filière cheval ?
Pour ma part, mon choix est clair… L’argent de l’Etat : oui mais pour les éleveurs et les cavaliers et pas pour les rubans.
Pour permettre ce virage moderne et efficace, il faut dissoudre les Haras nationaux et créer les Haras régionaux ! Chaque région aurait ainsi son centre de valorisation contrôlé par des utilisateurs soucieux d’efficacité et de saine gestion.
Les budgets affectés aux Haras nationaux ont fait vivre la filière, puis l’ont fait survivre et maintenant ils la font mourir. Il serait peut-être temps que le Ministère de l’Agriculture fasse un peu le ménage. Nous sommes des professionnels de la filière du cheval de sport et les Haras nationaux sont des monuments historiques. Il faut savoir se réformer et cesser de considérer la filière du cheval de sport comme une activité de loisir.
Halte à l’hypocrisie et au contresens ! »
François Lévy
Au plus haut niveau de la hiérarchie, le responsable affirme, d’un ton docte et serein, que cet investissement de 10 millions d’euros sera à la disposition des organismes publics, parapublics et privés pour faire vivre l’activité hippique !
Financièrement, les maîtres d’ouvrage ne sont responsables que de la réalisation du pôle; il n’est pas prévu de centre de profits pour ensuite faire vivre ce projet ! Le pôle hippique sera la plaque tournante du sport hippique. Cette plaque tournante donne le tournis !
D’un projet à un centre de profits
Dans tous projets industriels, commerciaux ou de services, les responsables commencent par définir le besoin, puis ils établissent un budget pour prévoir quels seront les flux financiers. Ce budget permet de réaliser un plan de financement et alors seulement, ils décident de la faisabilité, de la réalisation et du financement du projet.
La seconde étape est d’imaginer la structure de direction et, bien sûr, la structure de contrôle.
Alors seulement, sont constituées les structures juridiques et financières appropriées. C’est le responsable de ce projet, devenu centre de profits, qui devrait diriger la manœuvre dans le cadre du budget préalablement accepté par les éleveurs, les cavaliers et les pouvoirs publics.
Pour résumer :
- En 1, constituer un centre de profit pour mettre en œuvre des objectifs précis,
- En 2, nommer les responsables de la structure, administrateurs et dirigeants,
- En 3, mettre en œuvre le projet au sein du centre de profits ainsi constitué.
Pour le Pôle hippique de Cluny, on a mis la charrue avant les bœufs : en 1, la mise en œuvre des installations; en 2, on sous-traite aux organismes l’usage et l’exploitation des locaux; en 3, on fera les comptes après ou plutôt on ne les fera pas car cela n’intéressera plus personne ....
Cet investissement - sérieux par son montant - est donc au service de tous, mais sans centre de profits, sans vrai responsable, sans organe de contrôle. On utilise l’argent de l’Etat pour couper le ruban de l’inauguration et éventuellement pour accrocher un petit ruban à sa boutonnière ?
Permettre à la filière de vivre
Le sport hippique et l’élevage des chevaux de sport ont des caractéristiques bien spécifiques :
- Les aides publiques à l’élevage sont dérisoires, contrairement aux autres éleveurs de veaux, vaches, cochons... Les pouvoirs publics considèrent le cheval comme loisir et non comme une activité agricole.
- Le sportif cavalier, amateur ou professionnel, ne reçoit des pouvoirs publics, qu’une aide dérisoire. Les gains des épreuves sont symboliques et le coût pour le cavalier de la pratique du sport est considérable : cheval, camion, inscription, location de boxes, etc.
Le sport hippique ne serait-il qu’un loisir et pas un sport ? Faut-il construire un monument à la gloire des mourants ou faire en sorte de permettre à la filière de vivre ?
J’aurais préféré que les pouvoirs publics augmentent la prime à l’élevage, les gains en concours d’élevage, les gains en concours hippiques pour, enfin, oxygéner le tissu professionnel. C’est le tissu professionnel, ainsi rendu à la vie, qui pourrait prendre en charge son destin au sein d’un Pôle hippique de Cluny devenu centre de profits.
Les installations de Cluny sont bien comme elles sont, mais pour être objectif, elles pourraient effectivement être améliorées, mais dans le cadre d’un centre de profits, tourné vers le service aux utilisateurs et non, comme cela est prévu, dédié aux moineaux et aux alouettes.
Que l’argent public alimente les filières en finançant les utilisateurs pour que les adeptes du sport hippique puissent pratiquer leur passion sans se ruiner, c’est un objectif vital.
Pour que les éleveurs et cavaliers de chevaux puissent vivre de leur métier, il serait judicieux d’affecter une partie de ces 10 millions d’euros à la filière, ce qui aurait pour conséquence immédiate et tangible de :
- changer les vieux camions,
- ccheter de nouvelles poulinières,
- rémunérer les employés avec de meilleurs salaires,
- acheter de meilleurs chevaux,
- construire des équipements, manèges, etc.…
- construire des boxes.
Bref, vivre…
L’argent public pour les éleveurs et les cavaliers, pas pour les rubans
Si on veut qu’un pôle hippique fonctionne, il faut que la responsabilité dépende des utilisateurs via une structure ad hoc !
Comment ?
En créant une société pour la promotion, la valorisation et la commercialisation du cheval de sport. Cette société pourrait louer les locaux de Cluny et s’engager résolument dans une activité financièrement rentable. L’objectif de cette société qui pourrait s’appeler ‘‘Haras régional de Cluny’’ (!) serait de :
- acheter, tout ou partie, des chevaux de sport de 3 ans nés en Bourgogne
- les débourrer, les dresser et les vendre
- rémunérer les éleveurs en les réglant en fonction du prix de vente obtenu
- organiser des CSO, CCE, etc.
- organiser des ventes aux enchères,
- avoir une activité commerciale soutenue en ‘‘trois langues’’ pour que les éleveurs soient dégagés des soucis commerciaux,
- avoir une mentalité de services, comme les coopératives qui ont fait le succès et la fortune des exploitants agricoles dans d’autres filières,
- créer une centrale d’achat pour les semences, les balais, les copeaux, etc.
Les éleveurs et les cavaliers seraient les actionnaires de cette société fonctionnant comme une coopérative ou un GIE. L’Etat financerait cette société organisée en centre de profits. L’Etat jouerait son rôle, mais au travers de cette structure tournée vers le service et le commerce.
Cette organisation permettrait de réduire le prix de revient de nos chevaux, de s’organiser pour faire du marketing régional et pour vendre aux marchands, clubs hippiques et cavaliers.
Elle permettrait surtout d’inscrire le monde du cheval de sport dans un contexte économique qui a fait ses preuves depuis longtemps - le centre de profits - avec regroupement pour des économies d’échelle et fixation des objectifs par les utilisateurs mêmes !
Décider de la taille du manège du pôle hippique sans savoir ce qu’on va y faire et comment on rentabilise l’investissement est pour le moins préoccupant.
Faut-il dépenser 10 millions d’euros pour un ruban ou faut-il d’abord se soucier de la santé financière de ceux qui sont la substance même de la filière cheval ?
Pour ma part, mon choix est clair… L’argent de l’Etat : oui mais pour les éleveurs et les cavaliers et pas pour les rubans.
Pour permettre ce virage moderne et efficace, il faut dissoudre les Haras nationaux et créer les Haras régionaux ! Chaque région aurait ainsi son centre de valorisation contrôlé par des utilisateurs soucieux d’efficacité et de saine gestion.
Les budgets affectés aux Haras nationaux ont fait vivre la filière, puis l’ont fait survivre et maintenant ils la font mourir. Il serait peut-être temps que le Ministère de l’Agriculture fasse un peu le ménage. Nous sommes des professionnels de la filière du cheval de sport et les Haras nationaux sont des monuments historiques. Il faut savoir se réformer et cesser de considérer la filière du cheval de sport comme une activité de loisir.
Halte à l’hypocrisie et au contresens ! »
François Lévy
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