Inouchka des Joanins et Stéphane Monier : belle résilience
Au départ Stéphane Monier, banquier de métier à Genève, depuis 13 ans s’est pris de passion pour l’élevage de chevaux (chevaux qu’il avait côtoyés dans son enfance en club) et a fondé à Roman sur Ain l’élevage des Joanins. Élevage désormais réputé, fondé sur une sélection des plus grandes souches maternelles mondiales, croisées avec les meilleurs étalons. À ce jour plus de 120 chevaux sont sur le site, partagés entre poulinières, poulains et jeunes chevaux qui débutent le sport.   Â
En juillet 2017 Stéphane réalise un transfert d'embryon avec la jument de 4 ans, Déesse de Riverland avec l'étalon L'Arc de Triomphe sur la porteuse Balia. Déesse est une jument SF, fille d'Untouchable M et de Valley de Riverland par Diamant de Semilly sur la souche de Buguette Platière.Â
De ce transfert, le 20 avril 2018, naît Inouchka des Joanins, prématurée de 7 semaines qui ne pesait que 17 kg. La pouliche et sa mère sont immédiatement emmenées à la clinique de Neyron, qui est la seule à accepter de la prendre en ce début de week-end. La responsable d’élevage d’alors, Sandrine Chaput conduit le camion, la porteuse est dans l'espace chevaux et Stéphane (appelé en urgence) est dans la sellerie et porte le poids plume dans ses bras pour que sa mère porteuse puisse la voir et ainsi, ne pas paniquer.Â
Stéphane nous dit que durant le voyage il croise souvent son regard et qu’il lit dans ses yeux une forte volonté de vivre. Cela le conforte dans son idée de tout faire pour la sauver, ayant précédemment lu un article qui expliquait qu’un chercheur avait mis au point une couveuse pour poulain prématuré à l'école vétérinaire de Marcy l'Étoile.Â
Une fois prise en charge, Inouchka a demandé de nombreux soins ; elle buvait 23 biberons par jour. Cinq élèves vétérinaires se sont relayés jours et nuits pour les lui administrer.Â
Sa mère porteuse était inquiète qu'elle ne se lève pas et lui donnait des coups de pieds pour la stimuler. Ils ont donc dû construire un petit « nid » avec des sacs de copeaux dans le box de la clinique pour que Balia puisse voir sa fille sans la blesserÂ
Des gouttières ont été faites en PVC pour maintenir les membres d'Inouchka. En effet, ceux des grands prématurés ne peuvent pas porter le poids du corps du poulain car ça leur écrase les cartilages. D'où la nécessité de porter ces gouttières qui rigidifient les membres et à terme permettent à la pouliche de se lever (elle a aujourd'hui des aplombs tout à fait corrects).Â
Après quasiment trois mois de soins intensifs, Inouchka a pu rentrer au Haras des Joanins. Elle vit au box avec sa gentille mère porteuse Balia et arrive à téter en autonomie. Le personnel du haras se relaye pour remplacer quotidiennement les gouttières. Exercice périlleux s’il en est. Ils couchent d'abord la pouliche sur un matelas en lui prenant un pied, puis ils changent les quatre gouttières, une à une en se prenant souvent des petits coups de pieds...Â
À l'âge de six mois, Inouchka peut aller au pré et elle vit comme les autres chevaux en petit troupeau. La miraculée est restée toute petite mais avec un très fort caractère, sans doute nécessaire pour survivre à tout cela. Elle est toujours la cheffe du troupeau quand on la met avec des juments qui font le double de son poids. Â
En juin 2021, comme elle va bien et compte tenu de son potentiel génétique, elle est mise à la reproduction avec l’étalon Iowa (étalon de petite taille mais de lignée prestigieuse). Malheureusement le sort s’acharne sur notre héroïne : le poulain est mort-né en 2022. Inouchka est à nouveau inséminée de Vivaldi du Seigneur en 2023 et enfin, en mars 2024 elle pouline d’un magnifique poulain mâle, qui s'appelle Opium des Joanins.                                     C’est là que la notion de résilience prend tout son sens car ce dernier, après avoir remporté la section Mâle âgé, est sacré Foal Suprême au concours régional de Bourg en Bresse de juillet 2024.Â
Quelle émotion pour Stéphane Monier, qui à ce moment a vu défiler tous les combats qu’il a dû mener, les découragements surmontés, pour finalement avoir une belle récompense avec sa pouliche de cÅ“ur.Â
Et même si ce n’est qu’un concours de poulains, l’histoire n’en est pas moins belle et réconfortante. Elle met en lumière la signification du mot RÉSILIENCE, autant pour la pouliche qui s’est battue comme une lionne pour vivre malgré toute l’adversité, que pour son propriétaire qui a mis tout en place pour qu’elle s’en sorte. Ce qui était loin d’être gagné d’avance.Â
Car vous imaginez bien que ce séjour de 3 mois en clinique auquel on rajoute les soins intensifs, ont coûté une belle somme. Stéphane s’est toujours juré depuis le début d’offrir toutes les chances à ses chevaux quoi qu’il en coûte (phrase en vogue actuellement).Â
Dans cette discipline, tout poulain fragile ou non doué ne dispose pas de cette bienveillance malgré les moyens financiers disponibles. Rien ne l’obligeait à le faire et personne n’aurait trouvé à redire si la pouliche avait été euthanasiée. Aujourd’hui, les deux sont récompensés de leur résilience et la belle histoire n’est peut-être pas terminée, qui sait. C’est décidé, Inouchka restera toute sa vie au Haras des Joanins comme poulinière.Â
En guise de conclusion Stéphane croit très fort en sa génétique, surtout au niveau du tempérament, et elle saura la transmettre à sa descendance. Elle a eu la chance de croiser sur son chemin un homme au grand cœur qui dit d’elle : « Elle m’a donné une leçon de vie » !                                                        Et à nous ?
Pierre Cogne
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