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Affaire Quidam de Revel : le procès en détournement de paillettes renvoyé en janvier 2011

Attendue autant par le propriétaire du cheval, le Danois Fleming Velin, que par les professionnels et les éleveurs, la décision de la Cour d'appel de Rennes n'est plus à l'ordre du jour. Le procès en appel de la décision rendue par le TGI de Quimper le 20 octobre 2009 est renvoyé au 18 janvier 2011.    
De quoi s'agit-il ? D'une affaire qui empoisonne M. Velin et la société Scanvet depuis 1993, année de l'achat par l'investisseur danois de Quidam de Revel à l'association des propriétaires de Quidam. La transaction a fait l'objet d'un premier contrat proposé par M. Mazé le 16 mai 1993 au terme duquel, contre 12 000 000 F plus 100 doses et 25 cartes de saillies, M. Velin, qui a accepté, devenait propriétaire du cheval. Le 29 mai, quand M. Velin vint chercher l'étalon, Mme Mazé conditionnait la prise de possession à la signature d'un autre contrat dit de « mise à disposition » de ses 23 parts du cheval et de la remise annuelle de 125 doses. Interloqué et dubitatif dans un premier temps, M.Velin finit par signer ce contrat « bis » en prenant soin d'ajouter qu'il était le seul propriétaire du cheval. C'est en fait de ce contrat que part toute l'affaire qui a touché les ex- copropriétaires de l'étalonaussi les quatorze porteurs de cartes de saillies à vie. Un « pourrissement » de situation qui a provoqué, jusqu'à ce jour, une avalanche de procédures, vingt-neuf très exactement, depuis le 29 janvier 1994.

Trafic et détournement de paillettes ?

Ce second contrat de « mise à disposition » rédigé par Mme Mazé visait à la protéger elle et son ex-époux d'attaques judiciaires de la part des quatorze porteurs de cartes à vie vendues par M. Mazé de 1989 à 1993 et de leur attribuer à eux, les naisseurs, des cartes de saillies durant la vie de reproducteur de l'étalon. Selon les éléments du dossier, les ex-copropriétaires mais surtout les porteurs de cartes à vie, dont le contrat indiquait que l'étalon devait rester en France, n'ont pas été informés des conditions exactes de la vente du cheval. Par ce contrat « bis », Mme Mazé avait anticipé les problèmes. L'affaire se complique avec une clause qui, selon toute évidence, n'a pas été respectée et qui dit que « en fin de saison de monte, le stock de paillettes inutilisées sera soit retourné à la société Scanvet soit conservé par Mme Mazé, constituant une avance de stock sur l'année suivante ».
Or l'état du stock n'a jamais été réalisé. Pourtant, dans le cadre de la procédure, il a été régulièrement rappelé que « Mme Mazé se devait de répondre aux demandes réitérées de la Sté Scanvet sur l'état des stocks de semence de l'étalon. La Sté Scanvet n'a jamais obtenu de réponse en retour. Il a souvent été reproché à cette société de ne pas avoir demandé « les fiches de stocks ». Comment un Danois, est-il écrit dans le dossier, pouvait-il savoir quels termes exacts employer ? Il demandait des comptes et ses nombreux courriers adressés à Mme Mazé en attestent ».

C'est donc ce stock et sa circulation dans le circuit de l'insémination, au préjudice de M.Velin, qui alimentent ce litige. L'affaire a été portée devant la justice française en janvier 2005 par la société Scanvet, lassée d'avoir à faire face à des attaques judiciaires incessantes et injustifiées selon elle. Persuadée d'avoir été spoliée, elle a donc décidé de réagir pour se faire connaître dans ses droits. Une longue bataille d'experts s'est engagée dont les conclusions ont toujours été contestées par les ex-époux Mazé. Un rapport définitif d'expert déposé auprès du tribunal de Quimper le 10 septembre 2007 atteste d'un détournement de plus de 20 % des paillettes fournies au titre de l'exécution du contrat du 29 mai 1993, constituant un préjudice très important pour la société Scanvet. Le énième épisode s'est joué devant le TGI de Quimper dont le jugement, rendu le 20 octobre, déboutait la société Scanvet qui a immédiatement interjeté appel. Prochain épisode judiciaire en janvier prochain.


Un sport national... et un déficit d'image

Cette situation n'est pas propre au seul Quidam de Revel. Faute d'une réglementation appropriée, excepté pour ce qui concerne les conditions sanitaires, la circulation et la vente de paillettes s'apparente à un grand bazar où tous les coups sont permis et où le détournement de paillettes, dans le microcosme de l'élevage de chevaux de sport, devient un sport national. L'affaire est d'autant plus opaque pour la justice que la preuve est difficile à apporter. Comment savoir en effet avec certitude et compte tenu de l'évolution des techniques, si une ou plusieurs paillettes ont été utilisées lors de l'insémination. Certes l'inséminateur a l'obligation légale (arrêté du 14 mars 2001) de remplir le carnet de saillies. Mais le contrôle est complexe, surtout à l'extérieur des frontières et la porte, ouverte à tous les abus de la part de gens peu scrupuleux. D'où la valse des paillettes avec au bout du compte, un trafic lucratif et une sulfureuse réputation de magouillage. Vaste entreprise que celle de l'assainissement du marché.
C'est principalement pour cette raison que Philippe Bodinier a gardé secrète le mort de Dollar du Murier.
Une des conséquences économiques de ce genre de pratiques, c'est la fuite des capitaux étrangers dans l'achat de chevaux de sport à fort potentiel et à forte valeur. Echaudés par ces procédés peu transparents, c'est un euphémisme, les investisseurs vont fuir ce marché pour aller vers les courses par exemple. C'est déjà le cas pour M.Velin et pour son représentant en France, le Reverdy dont tous les chevaux de sport viennent d'être vendus à Fences.

Etienne Robert

 

Arnaud Evain: « ne jamais vendre de paillettes »

Interrogé à ce sujet sur la circulation de la semence et les partiques des étalonniers, le patron du GFE explique: « On n'est trompé que par ceux à qui l'on fait confiance mais celle-ci, comme la vertu des jeunes filles, ne peut pas être accordée à moitié... Il faut donc faire confiance car c'est la base de l'économie de marché, et en même temps faire attention et contrôler, autant que faire se peut, si cette confiance a été bien placée.
En France, nous disposons d'un des plus chers mais vraisemblablement du meilleur système d'identification et de traçabilité des semences, même s'il n'est pas totalement incontournable.
Le risque, pour un étalonnier français viendrait plutôt de la fuite de paillettes vendues à l'étranger et déclarées comme utilisées en France par des individus peu scrupuleux (et à ma connaissance si peu nombreux qu'ils se compteraient facilement sur les doigts d'une main...)
La meilleure manière de se prémunir de ce risque et d'éviter d'alimenter des paranoïas individuelles le plus souvent exagérées, c'est de ne jamais vendre, nulle part, de paillettes mais uniquement des contrats de saillie.
Cela suppose de faire confiance aux centres chez lesquels le sperme est en dépôt mais cela permet de faire des contrôles à posteriori en vérifiant les naissances dans les stud-books Européens. Tout produit né de l'étalon en question doit avoir une mère enregistrée dans un contrat de saillie passé avec l'étalonnier; sinon, il est facile de remonter la piste en interrogeant le naisseur.
C'est ainsi que nous procédons avec le GFE et je dois dire que les « incidents » sont exceptionnels.
Mais cette manière de faire est impossible si des paillettes ont été vendues et sont devenues la propriété d'un autre étalonnier car, de revente en revente, il devient impossible de remonter à la source.
La situation particulière de Quidam de Revel est complexe du fait de l'existence d'un accord de mise à disposition de semences auprès des anciens co-propriétaires non assorti d'un contrôle assez strict de la gestion des stocks, qui a donné lieu à trouver des suspicions lorsque la politique de vente de saillies a conféré une valeur non plus à la saillie mais aux paillettes (24 paillettes par contrat avec une redevance pour les gestations complémentaires).
Pour éviter que de tels cas ne se reproduisent, il suffirait d'établir que la semence, même congelée et stockée, est liée à l'étalon et n'a de valeur que dans le cadre de l'exécution d'un contrat de saillie. Si la semence ne peut avoir d'autre propriétaire que celui de l'étalon, la mise en commun des déclarations de naissance par tous les stud-books permettrait de mettre un terme à ces pratiques indélicates qui restent exceptionnelles.
Une telle manière de faire mettrait un terme à la pratique hasardeuse de la spéculation sur la qualité de la semence et sur le nombre de paillettes par insémination qui continue de se réaliser trop couramment, en faisant beaucoup plus de victimes que de clients satisfaits et en discréditant une technique qui mérite mieux que ces calculs malsains !
Une saillie doit avoir un prix; la semence doit être un moyen d'honorer un contrat (comme la saillie d'un étalon en IA Frais) et toutes les spéculations pour gagner de l'argent en réduisant les quantités de semence utilisées pour en tirer profit doivent être découragées.
Un pastis avec 10 volumes d'eau n'est plus du pastis et il ne viendrait à l'idée d'aucun pharmacien de proposer à ses clients de diviser par deux les quantités de médicaments prescrites par le médecin pour un traitement...
La seule dérogation possible serait envisageable pour optimiser la gestion des dernières paillettes d'un étalon mort depuis plusieurs années.
Une telle option est possible et souhaitable si elle correspond à la volonté de tous les étalonniers, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, mais en attendant, ceux qui le souhaitent peuvent montrer l'exemple, à condition de faire confiance au réseau des centres auxquels ils confient la semence de leurs étalons et d'accepter la mise à disposition de paillettes en nombre suffisant pour honorer tous les contrats de saillie signés.
C'est la politique que nous suivons au GFE et, jusqu'à preuve du contraire, elle nous donne satisfaction ainsi qu'aux éleveurs et aux centres d'inséminations. »

(Recueilli par ER)

 

 


17/09/2010

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