AG de l’ANAA : « On nous a volé notre élection »
Pour certains, l’affaire Carghèse des Landes qui a fait monter en pression les gens de l’anglo course, n’est qu’un prétexte derrière lequel se jouait un bras de fer entre Alain James, le président et Aurélien Lafargue. Prétexte pour se débarrasser de la présence de l’entreprenant patron de Génétiqu’Anglo, administrateur de l’ANAA et conforter Alain James à la présidence. L’arrivée massive des gens des courses à cette AG dont les travaux concernent essentiellement les anglo sport en a surpris plus d’un. Ils ont compris, après les élections, le but de la manœuvre. Avec les voix des courses qui se sont massivement portées sur d’autres candidats, les administrateurs sortants Aurélien Lafargue, Hélène Hermann, Isabelle Bay ont été effectivement sortis. Le résultat de ce « coup de Jarnac » a entrainé la démission immédiate de Fabienne Minetti pourtant réélue, de Pascale Caillouet, chargée de communication, réélue elle aussi mais démissionnaire le lendemain et celle du cavalier Julien Baux « pour montrer mon désaccord avec la façon dont Aurélien a été évincé ». « On nous a volé notre élection » estiment-ils tous.
Alain James : « un contentieux »
« Ce qui s'est passé, explique Alain James, c'est qu’il y a eu un contentieux entre Aurélien et Anglo Course, les membres d’Anglo Course sont membres de l’ANAA, et il y a eu un souci avec des étalons course achetés à l’IFCE, dont Carghese des Landes très demandé par les éleveurs. L'annonce d’appel d’offres n’est pas passée ou est mal passée, enfin ça n’a pas été su, donc les gens d’Anglo Course ont découvert que Carghese avait été vendu et affecté en Italie et là ça a été un tollé général. Je pense qu'il a fait une petite erreur mais Anglo Course était furieux. Comme il y avait l'assemblée générale élective, ils sont venus et n’ont pas voté pour lui. En même temps il y avait 2 ou 3 personnes qui étaient remontées, on ne sait toujours pas très bien pourquoi d'ailleurs, parce que l’ANAA marche bien.
Aurélien n'a pas été réélu, Hélène Hermann et Isabelle Bay non plus. Cela a créé une mauvaise ambiance, derrière ça Pascale Caillouet a démissionné me disant qu’elle n'aimait pas ma manière de gérer. Donc voilà ça a fait un tollé. Je leur avais dit que c'était mon dernier mandat. Ma mission était de remonter l’ANAA, de mettre en place de finances saines.
Mon dernier boulot maintenant c'est d'organiser la succession dans la continuité ».Â
Avez-vous été mis au courant de la vente de ces étalons ?
« Non. l’IFCE dit que j’étais au courant ce qui est totalement faux. Ils disent m’avoir envoyé un mail que je n’ai jamais reçu. Si je l’avais reçu, bien évidemment j’en aurais informé Anglo Course et les éleveurs immédiatement. Après ils m'ont dit que Guillaume Blanc devait m’en parler au Haras du Pin. Je ne m'en souviens pas du tout honnêtement et Guillaume Blanc ne se souvient pas de ça. Tout ça a créé un imbroglio invraisemblable ».
Cela signifie-t-il un changement de cap à l’ANAA ?
« Non, pas du tout, on continue à bosser. On parle de ceux qui sont sortis, ce qui est normal. Personnellement je trouve ça dommage parce que je suis convaincu qu'il fallait qu'Aurélien reste parce que d'abord on a bien bossé avec lui, il est du métier, après il roule un peu pour lui, je veux dire c'est presque normal mais c’est sa boutique, mais moi je considère que ça aurait été bien qu'il reste, ça aurait été mieux.
Le Conseil d’Administration a très peu changé, Camille Baume est rentrée (NDLR sans être présente à l’assemblée générale) ainsi que Dominique Théau, Yoann Senut est là depuis 2 ans, et notre boulot aujourd'hui c'est de se retrousser les manches. On a des projets ambitieux pour 2022, dont une table ronde sur l’Anglo qui aura lieu au mois de mai à la foire de Bordeaux. Un questionnaire sera envoyé à tous les éleveurs, à tout le monde, pour faire le point de la situation, voir les pyramides d’âges des éleveurs, où sont les juments, les tendances des dernières années, etc., et à partir de cette analyse faire un plan d'action pour que la race continue à progresser. Nous préparons aussi une vente qui se tiendra pendant la grande semaine de Pompadour ».
Aurélien Lafargue « Je respecte le vote démocratique »
Ni amer, ni blessé, mais lucide, Aurélien, droit dans ses bottes, se pose tout de même quelques questions « indiscrètes ». « Comment imaginer que le DG de l’IFCE n’ait pas informé le président de l’ANAA de cet appel d’offre ?
Comment expliquer que ce cheval qui ne travaille plus beaucoup depuis plusieurs années intéresse subitement les gens des courses ?
Ils voulaient ma peau, ils l’ont eu démocratiquement. J’ai été battu, j’accepte. L’affaire Carghèse n’était qu’un prétexte. Nathan de la Tour est aussi en Italie. Personne ne me l’a jamais reproché. Nous avons fait un bon travail pour dynamiser l’anglo sport en revalorisant le prix du point pace passé à 147 €. Je me retire. J’aurai plus de temps à consacrer à mes affaires personnelles. Je garde ma liberté de penser et de parler. Je trouve cela dommage pour la race qui est dans une situation complexe. On nous demande des chevaux, or il n’y en a pas. En gros, l’Anglo c’est 1/3 sport, 1/3 course et 1/3 endurance. Où sont les gens de l’endurance ? J’attends de voir comment tout cela va évoluer ».
Hélène Hermann : « C’est grave »
« C'est grave. On s'est fait écraser par des éleveurs Anglo course qui ne viennent jamais aux assemblées générales et qui ont été appelés à la rescousse par Alain James. Le matin au CA tout le monde était à peu près d'accord, les comptes ont été approuvés et nous avions fait un maximum de nouveaux adhérents, normands notamment.
On a vu arriver une vague, un tsunami d’éleveurs de course qui étaient invités par l’ANAA pour le déjeuner. Tout l’après-midi ils étaient là à prendre la parole dans n'importe quel sens. Alain James a laissé monter à la tribune le président des courses pour refaire la morale à Aurélien Lafargue pour avoir laissé partir Carghese des Landes en Italie. Mais bon sang ce cheval ne les intéressait plus depuis 4 ans, il était passé à 30 juments, et on reproche d'un coup à Aurélien de l'envoyer en Italie où il va saillir 60 juments et va revenir l'année prochaine. J'ai entendu M. Maillot, le vice-président des courses dire que pour courir vite maintenant, les Anglos course devaient être saillis par des Pur-Sang, on devrait faire des 12 et demi et même moins. Ils ont complètement banni les Anglos à 50, et subitement cette année il leur faut des 50, et le pire on apprend que l'Italie leur a prêté pour cette année un Anglo à 50 donc contre Carghese. Où est le problème ? Il n’y en a pas de problème, il fallait juste virer Génétiqu’Anglo et Aurélien de l’ANAA, c’est tout.
En fait le noyau dur qui travaillait a été sorti, on les gênait. Quand Fabienne Minetti, secrétaire générale quand même, a regardé le tableau des résultats, elle a dit « ah non, je ne travaille pas qu’avec une équipe des courses pour défendre les chevaux de sport, je démissionne illico ». Je me demande ce que ce changement va apporter à la race, c'est surtout ça l’important. Je n’ai aucune tristesse, je ne suis pas en déprime, je n’ai rien à digérer, ça fait 20 ans que j'y étais, je crois que j'ai bien travaillé. IIs ne veulent plus de moi, tant pis, j'ai de quoi faire ailleurs, j’ai de quoi m'occuper chez moi ».
Michel Guyot : « Se mettre autour d’une table »
Pas d’ingérence dans les affaires de l’ANAA pour Michel Guyot, président de la SHF, qui souhaite « que tout le monde se mette autour d’une table pour discuter. Inutile de s’affaiblir par des divisions alors que la race est déjà en difficulté. Il faudrait que l’ANAA se mette en conformité avec le règlement zootechnique de l’Union Européenne et fasse évoluer ses statuts. Nous sommes tous attachés à cette race qui fait partie de notre patrimoine génétique ».
Une tentative d’apaisement va être entreprise par un nouvel élu dont le score et la connaissance du milieu donnent une légitimité certaine, d’ici la réunion du conseil d’administration fixée au 25 mars.
Yoann Senut : « Pour une ANAA rassembleuse »
Yann Senut, membre du Conseil d’administration, donne ici des perspectives qui pourraient sortir l’association du brouillard dans lequel l’enferme ses statuts.
« Les élections au Conseil d'Administration de l'ANAA qui se sont déroulées ce jeudi 3 mars sont venues, comme je le craignais, accentuer les clivages et tensions de l'Anglo-arabie. Les échanges parfois tendus lors de l'Assemblée Générale, les appels reçus de plusieurs éleveurs depuis et les démissions consécutives de deux administrateurs confortent ce ressenti.
J'identifie plusieurs raisons à cela :
- Des modalités d'adhésions à l'ANAA différentes : aujourd'hui il existe deux types d'adhésions:Â
Un système d'adhésion par choix pour le sport via la SHF ou directement auprès de l'association pour laquelle chaque adhérent effectue la démarche individuellementÂ
Une forme d'adhésion plus contrainte propre aux courses qui fait que chaque adhérent à Anglo-Course est automatiquement adhérent à l'ANAA (Anglo-Course reversant ensuite une somme globale correspondant au nombre de ses adhérents à l'ANAA).Â
Il faut préciser que cette dernière forme d'adhésion n'est ni indiquée sur le bulletin d'adhésion Anglo Course ni même dans les statuts de l'ANAA et génère des interrogations de la part des adhérents sports.Â
Ces différentes modalités d'adhésion, aujourd'hui obsolètes, créent un déséquilibre dans la représentation des sports et des courses lors de l'Assemblée Générale.Â
Enfin la représentation des éleveurs d'anglos-arabes à orientation Endurance existe peu ou pas alors même qu'ils représentent 30% des naissances et 10% des chevaux présents lors de la Grande Finale d'Uzès en 2021.
- Des modalités d'élections réduites et peu adaptées : Les modalités de vote uniquement en présentielles ou en donnant Pouvoir à un autre adhérent sont trop limitées. Avec l'évolution des nouvelles technologies, de nouvelles modalités de vote devraient être envisagées, notamment le vote électronique individuel en distanciel tel que pratiqué par le Selle Français, par exemple.
Aujourd'hui la voix des éleveurs et/ou cavaliers orientés sport (CSO, CCE ou Endurance) ne me semble plus entendue. De nombreux éleveurs n'adhèrent d'ailleurs plus à l'ANAA pour cette raison. Alors même qu'une très grande majorité des sujets et projets travaillés au sein de l'ANAA concerne le sport, une méfiance, voire même une défiance perdure vis-à vis de l'association. Ne sommes-nous pas trop loin d'eux ? Notre fonctionnement est-il assez participatif ?
Même si plusieurs évolutions positives ont été soulignées (amélioration de la communication, revalorisation de la PACE grâce à la SHF et au financements spécifiques pour la surprime... etc), j'ai parfois l'impression que ce n'est qu'au "coup par coup" sans réel objectif global et partagé.
Je suis inquiet pour la continuité de l'activité de l'ANAA suite aux dernières élections. Plusieurs administrateurs très impliqués n'ont pas été réélus (je pense notamment à Aurélien Lafargue qui via Génétiqu'Anglo représente plus de 80% de l'étalonnage d'Anglo-arabe à orientation sport et Hélène Hermann responsable de la commission Sport/Elevage) et les démissions consécutives de Fabienne Minetti, secrétaire de l'Association et Pascale Caillouet responsable de la commission communication doivent nous interroger. Le fonctionnement de l'ANAA ne peut pas reposer que sur 3 ou 4 administrateurs actifs dans les commissions ou sur les événements et le travail important de Marilyn.Â
Enfin, les propos tenus envers l'IFCE lors des derniers CA et lors de l'AG, et surtout leur virulence n'avaient selon moi pas leur place. L'ANAA n'a pas à remettre en question le fonctionnement et la gestion de l'IFCE, tant de ses étalons que de sa jumenterie, il en est de même vis-à -vis de Génétiqu'Anglo et de l'affectation de ses étalons. Ces structures sont avant tout des partenaires importants du Stud Book Anglo-arabe, il convient d'entretenir avec elles des rapports respectueux et constructifs.
Pour l'ensemble de ces raisons et dans un souci de cohésion et d'unité indispensables, je souhaiterais que l'on réfléchisse tous à la tenue d'une Assemblée Générale Extraordinaire accessible au plus grand nombre, en présentielle et visio, avec plusieurs objectifs :
- Une analyse et une remise à plat du fonctionnement de l'associationÂ
- Un questionnement sur les modes d'adhésion à l'association et les élections
- La représentation au sein du Conseil d'Administration
- La participation, l'implication et l'ouverture du Conseil d'AdministrationÂ
- Poser une analyseÂ
- Définir un projet global et partagé dans l'intérêt des éleveursÂ
- Définir des perspectives d'actions à moyen et long terme.
Un appui de nos partenaires institutionnels me semble indispensable afin d'apporter expertise et professionnalisme à cette démarche.
Je reste pleinement impliqué et motivé dans les échanges et réflexions dans l'intérêt de la race et des éleveurs. Depuis mon élection au Conseil d'Administration j'ai toujours essayé d'apporter de l'analyse et des idées constructives, j'ai dégagé du temps pour m'investir et participer aux différents événements et salons.Â
Aujourd'hui, je m'interroge, m'inquiète et doute...Je n'ai pas encore pris de décision concernant la poursuite de mon engagement dans l'association, je tenais avant tout à exprimer auprès de vous ces réflexions et propositions. Je crois et espère du changement. Je ne pourrai continuer ma participation sans cela.
Je souhaite une ANAA rassembleuse, avec une vision d'avenir, inscrite dans les réflexions de nos partenaires et de la filière cheval dans son ensemble ».
ER
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