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Alain Debilly : « La sélection passe par les classifications »

Alain Debilly, président de l’Association Française du Poney Connemara, élève lui aussi sous l’affixe « du Butin ». Il nous livre ses impressions sur la sélection des poneys Connemara, le National de race, les orientations de l’association mais également ses difficultés de financement. Photo 1 sur 3

En terme d’effectif, l’Association Française du Poney Connemara recense environ 500 naissances par an, soit ?10 % du total des naissances de poneys en France. Parmi les 800 poulinières en activité, 85% d’entre elles produisent en race pure.
L’Irlande, le berceau de race, compterait trois fois plus de naissances annuelles de poneys Connemara dans la région même du Connemara, située sur la côte Ouest du pays.

Quelle est l’évolution de la race depuis ses débuts ?
La qualité des poneys évolue correctement, on y veille particulièrement. C’est pourquoi nous faisons des classifications au niveau des femelles et des étalons. C’est une véritable sélection. Les agréments étalons ont été supprimés en 2006 : tout mâle est donc devenu un géniteur potentiel. Pour essayer de maintenir la qualité, l’Irlande (le berceau de race) a demandé de mettre en place des classifications. Un Connemara peut tout à fait produire en pure race ; cependant les classifications indiquent aux éleveurs et utilisateurs qu’il existe des poneys ?« classe 1 » et d’autres de « classe 2 » et « classe 3 » ainsi que des non classés. De fait, ils ont plus de chance d’avoir un bon reproducteur en « classe 1 ».

On peut vivre de son élevage ?
Je ne crois pas qu’un éleveur puisse vivre uniquement de ses Connemara. Certains ont des élevages de chevaux, ce sont des marchands, ils en vivent à peu près. Mais la plupart ont au moins un centre équestre ou une activité parallèle à coté.

Combien avez-vous d’adhérents ?
Nous avions environ 300 adhérents en 2008 et cette année nous devrions en avoir autant. Nous étions plus nombreux dans les années 2000, puis nous avons constaté une baisse dans les années 2003/2004 mais, depuis l’année dernière, nous remontons un peu. Parmi ces chiffres, nous différencions les éleveurs des membres dits « utilisateurs ». Nous avons environ 40 % d’utilisateurs. Ce sont des passionnés, qui utilisent les Connemara, mais ils ne sont pas éleveurs. D’ailleurs à ce sujet, le ministère tend à faire des tas de réglementations pour que seules les personnes ayant un numéro SIRET puissent bénéficier des primes et subventions. Je sens venir la professionnalisation à grand pas, dans les 4 ou 5 ans qui viennent et par un tas de biais : devenir un éleveur professionnel va s’imposer pour pouvoir toucher les primes !

Quelles sont les grandes orientations de l’association ?
Nous essayons de communiquer au maximum, à travers un large public, sur les classifications. Il faudrait arriver à ce que tout Connemara soit obligé d’y passer par un biais quelconque. Ces classifications me paraissent logiques, et il n’y a plus ce caractère discriminatoire reproché aux règles européennes. Nous disons seulement : « il nous semble que d’un tel point de vue, tel animal est plus performant ».
J’essaie également de mettre en place un système de financement pour l’association, car dans très peu de temps, nous risquons de ne plus avoir de budget. Nous dépendons très fortement des subventions accordées par le ministère de l’Agriculture, via les Haras nationaux, et malheureusement les budgets ont fortement tendance à se réduire. Il faut impérativement que nous arrivions à trouver un autre système de financement. J’imagine bien une autre source de rentrée d’argent mais ce n’est pas facile, car nous obligerions encore les éleveurs à mettre la main à la poche...Mon idée est qu’il puisse y avoir une sorte de taxe para-fiscale à la revente des animaux, mais cela est particulièrement difficile à mettre en place. Même de l’avis des Haras nationaux, plus de 40 % des gens ne remplissent pas leur certificat de vente. C’est peut-être une des seules solutions que de rajouter une taxe sur le livret. Je vais essayer de mettre cela en place, comme le fait l’ANSF, si mon conseil d’administration dont la réunion aura lieu fin janvier, est d’accord. L’ennui réel est de rajouter une nouvelle taxe sur les éleveurs qui eux, en ont marre d’être sans arrêt taxés...Alors peut être que le fait de retranscrire cette taxe à la revente est une solution plus indolore, car pour le nouvel acquéreur qui paye son poney 3000 € ou 3150 €, cela ne change pas grand chose. C’est ce que je veux essayer de faire mais pour l’instant, il faut que les Haras nationaux trouvent un système pour arriver à rendre le certificat de vente obligatoire. Je ne comprends d’ailleurs pas qu’ils n’aient pas réussi à le faire. C’est en quelque sorte le même principe que la carte grise d’une voiture. : lorsqu’on revend une voiture, il y a obligation de changer la carte grise. Et puis j’aimerais améliorer notre National Connemara, qu’il se tienne à Poitiers ou ailleurs.

Combien de poneys ont obtenu cette classification ?
Pour l’instant, nous n’en avons pas plus d’une centaine par an, alors que nous avons bien 400 à 500 naissances annuelles. Seulement 1/5 des poneys passe donc en classification. Il y a encore beaucoup de poneys qui nous échappent. Mon but est donc d’augmenter le nombre de poneys classifiés. Ce n’est pas évident car dans le milieu des Connemara, comme dans tous les autres milieux d’ailleurs, il y a les « pour » et les « contre »...

Avez-vous un Programme d’Elevage ?
Oui, nous avons un Programme d’Elevage. Cela passe aussi par les classifications. Nous essayons aussi de relancer et re-dynamiser les concours régionaux, et si justement l’association avait un meilleur financement, j’aurais voulu à cet effet donner de bonnes primes, chose que les Haras Nationaux distribuent de plus en plus parcimonieusement.

Pourquoi dites-vous « Poitiers ou ailleurs » ?
Poitiers n’est pas très central. Il y a un certain nombre d’éleveurs de poneys Connemara qui sont dans le Midi, dans les Pyrénées, ou en Alsace. Pour eux, venir à Poitiers, c’est un petit peu la croix et la bannière ! En plus de cet éloignement géographique, le National Connemara rencontre des difficultés au niveau des dates qui sont extrêmement difficiles à définir. Il y a toujours des indisponibilités et d’autres concours organisés à la même période, comme par exemple Fontainebleau. Et puis à Poitiers, je regrette le manque de public. Ce n’est en effet que les éleveurs de Connemara, qui ont fait le déplacement, qui sont spectateurs. La date du prochain est à peu près calée à fin août et j’espère que nous resterons sur ce créneau. Ce sera à coup sûr Poitiers, bien que les installations soient de plus en plus mauvaises et relativement chères.

Pourquoi ne pas vous réunir au Sologn’Pony ?
Je n’y tiens pas vraiment, parce qu’au Sologn’Pony, il y a justement plusieurs races. Les relations « historiques » entre présidents d’associations ont souvent été tendues. Ce n’est pas facile. De plus, le National Connemara dure deux jours. J’ai peur également que nous n’ayons pas plus de public au Sologn’Pony. Il y a toujours les « accros » mais le reste ?
Le Sologn’Pony serait pourtant partant pour accueillir les Connemara, du moins essayer par exemple de commencer avec les épreuves des 3 montés. De plus, cette manifestation génère apparemment du commerce?
Sur ce dernier point, je ne pense pas que ce soit extraordinaire.... En plus de cela, les Poneys Français de Selle, les New-Forest et les Welsh ne veulent pas rejoindre l’Association Française des Poneys et Petits Chevaux (AFPPC) et cela est fort dommage car à mon avis les subventions ne pourront se faire que par le biais de l’AFPPC qui regroupe un certain nombres d’associations.

Vous faut-il absolument un terrain en herbe ?
Je pense que c’est mieux, oui.

Qu’avez-vous pensé du National de l’an passé ?
C’était pas mal, j’ai laissé les jeunes de l’association organiser un certain nombre de choses. Nous avions un nombre à peu près correct de participants. Le temps a été très clément le premier jour et nettement moins le lendemain ! Il y avait des choses intéressantes. Je pense que la plupart des gens était satisfait. Il faudrait que l’on ait plus de public, que l’on ait des classes plus fournies, à au moins 15 produits, que l’on ait des délégations d’étrangers...
Donc au final, c’est un peu le chien qui se mord la queue, car il vous faut plus de public et plus de poneys. Or, vous avez de moins en moins de ressources financières, état de fait qui se répercute inévitablement sur votre communication du National. Vous ne « travaillez », de plus, qu’avec des bénévoles...
C’est bien cela le nœud du problème. C’est la raison pour laquelle il faut récupérer de l’argent. Si nous avons plus d’argent, nous pourrons faire d’avantage de communication, plus de publicité, nous pourrons être plus exigeants sur la qualité du produit donc son prix de vente etc... Si nous avons de moins en moins de subventions de l’Etat – et avec de plus en plus de difficultés à les obtenir car il y a des critères à remplir et que c’est un vrai parcours du combattant - il faudra bien trouver un autre mode de financement pour notre association. Dans l’hypothèse ou la cotisation serait augmentée, nous perdrions vraisemblablement 30 à 50 % de nos adhérents ! Le mieux, sans doute, sera la taxe à la revente.

Quel est le positionnement du Connemara français à travers l’Europe ?
Le modèle du Connemara est bien typé, bien défini, bien décrit. Pour nous, le sport est lié avec ce modèle recherché. Je pars du principe que si un Connemara est bien dans la race, avec un bon moteur, de bons membres, cela ne peut que l’aider à faire du sport ! La meilleure preuve, c’est que le Connemara est une des races de poneys les plus performantes en terme de concours nationaux et internationaux ! De plus à l’intérieur même de l’Association Française du Poney Connemara, nous livrons une dure bataille : beaucoup de gens voudraient que le Connemara soit plus grand, plus fin. En ce qui me concerne je pense que non. Comme beaucoup au sein de notre Conseil d’administration, je reste persuadé qu’il faut que nous restions dans le standard de la race. Le berceau de race impose la taille d’1,48 m pour le Connemara. Par exemple, un poney qui dépasse cette taille ne peut être « classe 1 ».

Et du point de vue modèle, est-ce que les champions de Poitiers pourraient rivaliser avec ceux de Clifden, et dans le meilleur des cas, décrocher des places d’honneur ?
C’est difficile à dire. Le juge du dernier National Connemara était bien irlandais, je lui ai posé personnellement la question, et il m’a répondu de manière très diplomate... Je pense que peut être un ou deux auraient pu se classer correctement à Clifden. La meilleure preuve est que la championne surprême Kyrielle Melody (Fidji River Melody x Abbeyleix Owen) est tout à fait typée dans le modèle irlandais. A part cette ponette, les autres seraient sans doute un peu trop justes. Je pense qu’il y a un problème morphologique mais également un problème de nourriture. Je reste persuadé qu’à Clifden un grand nombre de poneys présentés - j’y suis allé encore cette année - sont « dopés » à la nourriture, ils sont trop forcés. Lorsque je dis cela, on me regarde en fronçant les sourcils, mais à chaque fois je me fais la réflexion lorsque je vois des 1 an qui ressemblent à des 2 ans. Je me dis « mince j’ai dû sauter une catégorie ».

Qu’en est-il de votre politique de communication ?
Nous nous réorganisons et nous essayons de faire un peu mieux. Il est arrivé beaucoup de « sang neuf », de jeunes adhérents motivés. J’ai effectivement au Conseil d’Administration, 4 ou 5 personnes qui ont moins de 30 ans, voire même autour de 25 ans. Ainsi, nous travaillons beaucoup plus avec les moyens d’aujourd’hui comme le site internet... Cependant, mettre en place une vraie organisation n’est pas simple car il faudrait beaucoup travailler à l’association et lorsqu’on a 25 ans, on est en « démarrage de boulot » ou étudiant. C’est le temps qui manque...

Y a t’il des moyens mis en place pour attirer ou inviter les étrangers au National ?
On l’a eu fait un bon nombre d’années. Nous avons pratiquement toujours des juges étrangers. Concernant les autres délégations d’étrangers, nous essayons. De temps à autre, nous avons une délégation danoise ou autre, mais ce n’est pas systématique. Le problème est encore le coût financier que cela génère. Pour Clifden, nous sommes avertis, mais l’Association Française n’est pas a proprement dite « invitée ». Mais nous y allons parce que c’est Clifden !
Justement, c’était l’un de mes souhaits que l’AFPC puisse assister à d’autres manifestations, malheureusement la réalité économique est telle que nous ne pouvons pas. D’ailleurs, en parlant de réalité économique, nous n’avons plus de secrétariat salarié car nous n’avons plus les moyens. C’est uniquement du bénévolat.

Est-ce que les éleveurs de Connemara se déplacent à l’étranger ?
Oui il y a un petit groupe d’éleveurs et certaines personnes du Conseil d’administration qui vont assez souvent en Irlande et en Allemagne ou qui sont en relation avec les Belges et les Danois. Il y a un peu de commerce qui se fait aussi entre la France et l’Europe. Ce sont souvent les mêmes éleveurs qui échangent avec l’étranger parce qu’ils sont connus.

Et concernant le marché national ?
Il y a un marché qui n’allait d’ailleurs pas trop mal ces derniers temps. Il y a deux ans même, le Connemara avait le vent en poupe ! Aujourd’hui, la crise étant, cela est nettement moins facile.

Pensez-vous qu’il y a eu une amélioration de l’élevage en France ?
Je pense que oui : la sélection est sans doute un peu meilleure et je reste persuadé que cela passe aussi par l’alimentation et l’entretien des poneys. Il est évident que le facteur nourriture rentre en ligne de compte obligatoirement. A Poitiers ou même dans les petits concours régionaux, il est très rare de voir des gens qui présentent des poneys mal nourris ou mal préparés. Il y a plus de connaissances aujourd’hui (vaccins, vermifuges...). C’est peut être dans l’air du temps, mais je ressens un peu plus de professionnalisation.

Propos recueillis par Pauline Bernuchon
30/01/2009

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