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Alain Hinard, le héraut de la Manche

  • Une chambrière dans chaque main pour accompagner le saut  (©ER)
    Une chambrière dans chaque main pour accompagner le saut (©ER)
« La Manche, toute la Manche, rien que la Manche » tel pourrait être le credo d’Alain Hinard cet agitateur d’idées qui vient d’annoncer que sa 25e prestation « aux fouets » dans le rond de Nash serait la dernière. Ce n’est pas un adieu à Nash, seulement un changement de position : « faire sauter les chevaux sur trois obstacles, je ne sais pas faire, explique-t-il. Alors je laisse la place mais je reste aux côtés de mes amis de l’agence ». Zoom sur ce passionné-passionnant qui porte haut les couleurs de sa Normandie.

Sans lui, la Manche ne serait pas tout à fait la Manche, ni aussi connue du monde de l’élevage et des sports équestres. Rarement plus de cinq minutes à la même place, Alain Hinard est un homme d’action. Une idée, d’où qu’elle vienne, s’il la juge bonne, il la met d’emblée en musique. NASH en est un exemple. Il raconte. « Jacques Grandchamp des Raux vient me trouver un jour et me dit « Je veux faire une vente dans mon manège pendant le Normandie Horse Show », je lui réponds « ça ne marchera jamais. Si on fait une vente, il faut la faire dans le Hall au moment du Normandie Horse Show ». C’est ainsi qu’on a fait une vente avec 25 chevaux et on a lancé Nash avec tous les fils des éleveurs de la région : Denis Brohier, Eric Levallois, Xavier Leredde, Bertrand Pignolet, Cédric Angot, Laurent Vincent entre autres. C’est comme ça que c’est parti.

 

Tous les ans, il y eut des ventes, sans concours, c’était LE week-end des Ventes Nash. Plus tard nous avons fait le Trophée des étalons, des épreuves de 4 ans, 5 ans et 6 ans étalons et les ventes des chevaux qui faisaient le concours étalons. Le grand tournant de Nash, ce fut à l’occasion des achats d’étalons par les Haras nationaux. M. Lippens avait décidé d’acheter tous les étalons dans les ventes aux enchères. On avait donc une soirée spéciale étalons et les Haras achetaient les chevaux aux enchères en toute transparence. Nash s’est trouvé propulsé au premier plan du marché ».

Flipper avait 3 ans

Au moment où nous évoquions cette période, quelques heures avant la troisième vacation du 25 octobre, Flipper d’Elle*HN vivait ses derniers moments. C’est en effet le lendemain que Laurent Goffinet annonçait la mort de son vieux compagnon de route. Alain resitue le contexte de ces achats d’étalons par les HN.

 

« C’était en 1996, les F avaient 3 ans. Flipper d’Elle fut acheté ici 200 000 francs. C’était le dernier à passer et il restait une enveloppe de 200 000 aux Haras nationaux. Je leur ai dit « achetez le cheval, c’est un super sauteur ». Ils l’ont fait. Un peu plus tard dans la soirée je vais aux écuries pour voir les étalons achetés et je rencontre Jean-Paul Lepetit devant le grand box de Flipper. Il me dit « tu as vu, ils ont acheté un poney… » (rire)

 

Il y a beaucoup de chevaux de 3 ans passés par Nash qui sont devenus de grands compétiteurs. Hooligan de Rosyl par exemple. Bruno Broucqsault a gagné la finale de la Coupe du monde à Oslo en 2003 avec lui. Le cheval avait été vendu 8 000 euros. C’est quand même exceptionnel. Et il y a plein d’autres histoires comme ça ».

 

25 ans de fouet donc ?

« C’est simple, je faisais sauter les chevaux de 3 ans à Fences. Quand nous avons créé Nash, j’ai dit à Arnaud « Je ne peux pas faire sauter à Fences et à Nash ». J’ai fait ça jusqu’à aujourd’hui.  Je lâche parce maintenant on demande que les chevaux sautent avec 3 obstacles, comme pour les concours d’étalons. Moi je ne sais pas faire. Je sais comment faire avec 2 foulées, je sais mettre la hauteur qu’il faut si le cheval a des moyens. J’ai ma méthode, je suis sûr de moi et quand je dis « taisez-vous » c’est que le cheval va bien sauter. C’est mon truc. J’accompagne le cheval.

 

L’année prochaine je serai autour des tables pour encourager les acheteurs, pour dire « Il vous manque 1 000 € pour acheter ce super cheval, franchement allez-y, vous ne regretterez pas » (rires).

 

Une passion née à l’armée

« J’ai eu la chance extraordinaire de faire mon service militaire à Fontainebleau. J’ai commencé à monter à cheval assez tard. Mon père était boucher et avait acheté quelques chevaux, beaucoup de jeunes. J’ai donc arrêté les études en 3e et je me suis occupé des chevaux. J’ai réussi à aller à Fontainebleau faire mon service militaire avec Tarot, un grand cheval que mon père avait acheté poulain. Il avait 6 ans, toisait 1m80, faisait 700 kg, énorme, mais il sautait bien.

 

Le capitaine Durand - qui deviendra général - m’a confié alors un autre 6 ans « pas facile ». Hinard, dit-il, vous allez le dresser pour que je puisse le monter. J’avais donc deux 6 ans à sortir en plus des chevaux qu’on travaillait. Je fais une épreuve à Bois-le-Roi, mon 6 ans est sans-faute dans le Grand Prix. Marcel Rozier est 1er, 3e Jean-Marc Nicolas, et moi 4e avec Tokyo, le fameux cheval que le capitaine Durand m’avait confié. En fin de saison, je gagne le Grand Prix de Chantilly. Pendant mon armée, j’ai eu de bons résultats qui m’ont servi à avoir de bons chevaux à mon retour. Je remercie  les éleveurs normands et les grands élevages qui m’ont confié des chevaux : Alfred et Georges Brohier, Fernand Leredde entre autres. La première année après l’armée, à Fontainebleau, je gagne le critérium des 5 ans où j’ai battu Pessoa, je suis 3e du Critérium des 6 ans.  Grâce à ces performances, j’ai eu plein de chevaux en concours. Mon père avait pas mal de bons chevaux aussi. L’année des « C » j’avais cinq 6 ans. En 1977, j’ai fait un très bon championnat de France, l’équivalent du Pro 1 Elite d’aujourd’hui. J’avais Déesse, la jument de M.Brohier. J’ai gagné la tournante devant Gilles Bertrand de Balanda et Jean-Marc Nicolas. Ce fut la dernière, le système des tournantes a été abandonné par la suite, les cavaliers ne voulaient plus prêter leurs chevaux pour, disaient-ils,  faire gagner « le gars de la Manche »…

 

Après j’ai gagné le GP de Dinard, le GP de Lille. Un peu plus tard, en 87, J’ai créé le centre équestre  à Auvers et  je me suis occupé de l’entraînement des jeunes. Sylvain Montigny a travaillé avec moi ainsi que Franck Schillwaert pendant 2 ans. J’ai arrêté de monter peu de temps après, trop occupé par l’entraînement des jeunes. J’ai formé pleins de cavaliers, Laurent Goffinet, Aymeric De Ponnat etc. ».

 

A l’origine des échanges cavaliers-étalons HN

« J’ai été à l’initiative d’une chose qui a été une révolution. Un jour je suis allé voir M. Bidault, directeur du Haras de St Lô et je lui ai dit « Il y a des cavaliers dans la Manche qui n’ont pas de chevaux et il y a de bons chevaux dans les écuries des Haras ». C’est à partir de là que certains cavaliers ont pu monter les étalons des Haras.  Julien Epaillard a eu des chevaux qui lui ont été confiés par les Haras et c’est ça qui l’a lancé.  Flipper a été confié à Laurent Goffinet, Florian et Raynald Angot ont eu des chevaux. Ils ont été champions d’Europe avec ces chevaux-là. L’initiative de St Lô a fait boule de neige dans toute le France.  M. Bidault était un aventurier. Il a été beaucoup critiqué mais en fin de compte les étalons ont été bien valorisés et ça leur a bien servi. Je me suis beaucoup occupé des jeunes de Normandie. Tout le monde connaît la casquette jaune d’Alain Hinard dans les Championnats de France ».

 

Des championnats d’Europe à Auvers en 2004

J’ai créé Auvers de toutes pièces : école d’équitation puis manège en 1987. En 1990, j’organisais le premier Championnat de France des Clubs en Normandie. J’avais gagné le Championnat de France des Clubs l’année d’avant à Grenoble et c’est au vainqueur que revenait la charge d’organiser le suivant. J’ai organisé beaucoup de championnats et beaucoup de concours. Comme les cavaliers étaient demandeurs et satisfaits, j’ai créé deux carrières et construit des boxes en dur. En 2004, ce sont des championnats d’Europe qui ont eu lieu à Auvers. 

 

Je me suis occupé de beaucoup de choses à l’extérieur parce que j’ai toujours voulu mettre en avant l’élevage de la Manche, les éleveurs de la Manche et les cavaliers de chez nous. Dans les Ventes Nash c’est encore les éleveurs de la Manche qui dominent et qu’on sélectionne. C’est la signification de notre affiche. J’ai dit aux politiques « faites voir ce qu’est la Manche ». J’ai toujours été là pour défendre notre département, notre région et les éleveurs du coin parce qu’en fin de compte ils en bavent et quand on nous dit que les éleveurs de la Manche sont les plus chers de France je réponds que c’est faux parce que quand on va faire les sélections à l’extérieur, on constate que les prix demandés sont plus élevés que ceux des Normands.

 

Cela dit, à Nash nous avons toujours un excellent rapport qualité-prix. La vente de vendredi (ndlr vendredi 23 octobre) a été exceptionnelle en qualité de chevaux et en prix. Exceptionnelle aussi pour les éleveurs car c’est 400 000 euros qui sont injectés dans l’économie de la filière ».

Etienne Robert

13/11/2020

Actualités régionales