Alice Gaillard, une vie au service des chevaux
Alice a commencé dans les années 60 à l'Etrier de Bourgogne à Dijon. D'abord cavalière elle finit par accompagner en concours la plus dynamique des écuries de complet, menée de main de maître par Gilbert Lecrivain. Elle se dévoue avec passion, ne comptant pas son temps parallèlement à son métier à l'usine de moutarde Amora. Les journées sont longues mais elle acquiert une expérience sans pareil. Passionnée de soins aux chevaux elle apprend sur le tas le métier d'assistant vétérinaire. Son savoir-faire s'exprime avec bonheur en compétition à tous les échelons. Pour elle, il n'y a pas de petits concours, pas de petits chevaux. C'est avec Marie-Christine Duroy qu'elle goûtera en premier au plus haut niveau aux JO de Séoul, Barcelone et Atlanta. Elle a aussi beaucoup travaillé avec Bruno Bouvier et Jean Teulère. Lorsque ce dernier est sacré champion du Monde en 2002, c'est elle qui œuvre en coulisse auprès d'Espoir de la Mare. Mais Alice n'a pas la grosse tête, au contraire. Elle groome avec au moins autant de bonheur les juniors et jeunes cavaliers. Alice s'intéresse aussi aux gens avec une attention particulière pour les petits, les sans-grade. Si le complet est une grande famille, Alice en est la grand-mère bienveillante. Aux petits soins pour le cheval elle sera également attentive à ce que le cavalier se nourrisse correctement ou ne prenne pas froid. Elle sait écouter. Elle est par exemple détentrice de nombreux secrets d'amoureux en herbe. Elle sait transmettre. Les jeunes grooms peuvent profiter de son expérience. Bienveillante mais exigeante, elle sera sévère si un cheval doit pâtir de négligence. Mais Alice c'est avant tout une bonne humeur et une énergie hors normes. Elle se permet des excentricités capillaires qui pourraient choquer les vieux. Car Alice est jeune et personne ne croit à ses 76 ans, surtout pas elle ! Elle conserve néanmoins la rigueur de l'ancienne école, on peut rigoler mais pas avec les chevaux. Comme monsieur Jourdain pour la prose, Alice fait de l'éthologie sans le savoir. Pour Jean Teulère, « Elle est pour les chevaux une présence rassurante ». De fait, les chevaux et elle arrivent à trouver un langage commun. Elle parle d'ailleurs probablement plus aux chevaux qu'aux humains. Peut-être la peur de dire des bêtises. Sûrement parce que les mots manquent pour exprimer cette richesse de sentiments envers ces animaux qu'elle aime tant. Les gens, elle les aime droits et avec des valeurs de respect. Elle ne supporte pas qu'on maltraite un cheval ou une de ses collègues. Heureusement dans le concours complet, la fraternité domine, y compris avec ceux dont on ne partage pas la langue, et ça lui convient bien. Le secret de sa longévité ? Un bon sommeil dont son gros réveil la tire difficilement. Il faut dire qu'Alice est matinale. Toujours la première aux écuries, elle a eu le temps de faire sa gymnastique quotidienne qui contribue à la maintenir alerte. Première arrivée et aussi dernière partie. Impossible de rentrer chez elle sans faire un dernier petit tour pour voir si ses protégés vont bien. Alice, c'était aussi l'inflexible commissaire à l'obstacle du gué sur le regretté complet de Dijon. Blouse blanche, sifflet à la bouche, râteau à la main. C'était l'occasion pour elle de voir évoluer les siens, elle qui d'habitude reste dans l'ombre aux écuries sans se préoccuper des enjeux de la compétition. Alors entrer dans la lumière est assez singulier pour elle. En apprenant qu'elle allait recevoir le prix de la fédération internationale, elle plaisantait : « Je ne savais pas que les gens pouvaient gagner des prix pour faire ce qu'ils aiment. » Pour autant, elle ne boudait pas son plaisir : « Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça a compté pour moi, à mon âge, de me rendre à Rio de Janeiro pour recevoir ce prix et me faire dorloter. Tout le monde était très gentil avec moi, c'était une expérience merveilleuse. »
Guillaume Grégoire
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