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Associations Nationales de Races et Associations Régionales d’Eleveurs : même combat ? par Arnaud Evain

L’organisation des Journées du Selle Français à St-Lo et de l’Anglo-Arabe à Pompadour sont assurément les temps forts de l’année pour l’ANSF et l’ANAA. La qualité de l’organisation, les importants moyens mis en œuvre, le savoir-faire et le dévouement des salariés et des bénévoles en font des événements de premier plan en France et bien au-delà de nos frontières.

En tant que membres de leurs associations nationales de races, tous les éleveurs peuvent se réjouir de ces succès ; en tant que membres de leurs associations régionales, ces mêmes éleveurs doivent s’occuper d’orienter les retombées de ces succès au niveau de leur région. Associés en amont, les éleveurs sont concurrents en aval car le client final, s’il va acheter en Lorraine ne le fait pas en Normandie ou en Vendée.
La confusion entre races et régions d’élevage est entretenue par l’implantation de nos principaux concurrents : Flandre, Wallonie, Holstein, Hanovre et même Pays-Bas hébergent un stud-book dominant dans un bassin de production qui a la taille d’une région française.
A l’inverse, le Selle Français est produit à l’échelle de tout un pays.
Il ne faut pas pour autant regretter les années 50 et la multiplicité des « races régionales Â» ; leur fusion a offert au Selle Français une large base de sélections et explique en partie le succès sportif du stud-book.
Chez nos concurrents, l’identification entre le stud-book et la région est immédiate et, même si certains de ces stud-books s’implantent dans le monde entier (KWPN, Hannovre…), ses « aficionados Â» savent où venir chercher l’essentiel de ses sujets

Au contraire, la France est un grand pays et pour le Parisien ou le Brésilien moyen, il est malaisé de savoir où trouver un « Selle Français typique Â» et de décider s’il vaut mieux aller le chercher à Lyon, Metz, Caen ou Poitiers !
Et ce n’est pas l’Association de Race qui peut les aider à répondre à cette interrogation.
Nous sommes donc condamnés à faire cohabiter des associations régionales qui sont objectivement concurrentes avec des associations nationales de races qui souhaitent naturellement s’implanter dans toutes les régions.
Qui plus est, ce sont souvent les mêmes bénévoles que l’on retrouve en charge de ces deux types d’associations, c’est-à-dire responsables de favoriser le succès et la notoriété d’un stud-book et en charge de défendre les intérêts des éleveurs de leur région, quelle que soient les « races Â» de chevaux qu’ils élèvent.
La tentation est grande pour les stud-books dominants de s’implanter fortement dans les régions, en créant des antennes régionales et en « confisquant Â» certains territoires pour obtenir une forme de monopole de présence.
Cette tentation est plus forte en France qu’ailleurs (voir encadré 1). C’est une erreur, car une concurrence raisonnable entre les races ne peut que profiter aux associations régionales d’éleveurs.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir à l’essentiel du « métier Â» de chaque type d’association.
L’Association Nationale de Race a pour « actionnaires Â» les éleveurs qui attendent que leur association leur fournisse de bons outils de travail pour avancer dans les axes de production définis en commun.

Des outils techniques
- De caractérisation
•Identification
• Immatriculation
• Description morphologique
• Mesure des aptitudes

- De sélection
• Description des reproducteurs
• Description de leur production
• Héritabilité des caractéristiques souhaitables

Ces outils techniques servent au stud-book à faire évoluer la population d’animaux dans le sens souhaité par les « Ã©leveurs actionnaires Â» et servent à chaque éleveur à faire des choix de sélection et d’accouplement cohérents par rapport à ses objectifs personnels

Des outils marketing

• Développement d’une image internationale de la race
• Mise à disposition d’arguments, de statistiques
• Mise à disposition d’outils de reconnaissance (vêtements, visuels…)
• Organisation d’événements phares (JSF…)

Très vite, l’outil marketing de la race doit céder la place aux outils marketing que doivent mettre en place les régions pour attirer les acheteurs chez eux plutôt que chez leurs voisins.

Les Associations Régionales d’Eleveurs ont également les éleveurs pour « actionnaires Â», elles fournissent aux Associations Nationales de Races les informations techniques que celles-ci additionnent pour mettre la synthèse à la disposition des éleveurs.

Les Associations Régionales d’Eleveurs reçoivent également des Associations Nationales de Race les outils marketing (et éventuellement des aides à leur utilisation) qui leur permettent de mener à bien leur mission. Cette mission consiste à créer des conditions favorables à la production, sa valorisation et sa mise en marché :
• Structurer et décrire l’offre régionale (dans tous les stud-books)
• Organiser des rassemblements régionaux en essayant d’attirer des acheteurs
• Faire connaître les spécificités et savoir-faire de leur zone de chalandise (Cavaliers, Organisateurs, Prestations de services…)
• Organiser des solidarités régionales (entre éleveurs et marchands et avec les organisateurs, les Centres Equestres…)
• Entreprendre en commun à l’échelle de la région des actions de mise en valeur de la production régionale, toutes races confondues…

A ce titre, les Associations Régionales d’Eleveurs doivent avoir à faire à des Associations Nationales de Race puissantes mais elles ne peuvent que se réjouir de leur nombre et de leur coexistence.

En effet, cette coexistence concurrentielle entre les races les conduit à plus d’efforts pour séduire les éleveurs et donc mettre à leur disposition de meilleurs outils techniques et de marketing au meilleur prix possible. Et il reste du travail en la matière (cf. encadré 2).

En simplifiant à l’extrême, on pourrait dire que les Associations Nationales de Races ont les éleveurs de la  race comme « actionnaires Â» et l’ensemble des éleveurs et de leurs associations régionales comme « clients Â».
Elles vendent un savoir-faire et de l’information.

Les Associations Régionales d’Eleveurs ont les éleveurs de leur région comme « actionnaires Â» mais les produits qu’elles vendent sont les chevaux élevés dans la région et leurs clients sont les acheteurs de la région, mais aussi du reste de la France et de l’étranger !

La concurrence raisonnable est salutaire !

Une Association Nationale de Race a besoin d’Associations Régionales d’Eleveurs vigoureuses et prospères ; elle doit les aider à se développer et pas les mettre sous tutelle.
Les Associations Régionales d’Eleveurs ne doivent pas craindre la concurrence régionale entre les races, elle est une chance d’obtenir plus d’aides pour mettre en valeur la production de chevaux de sport au sens large au niveau de la région !
Aux Associations Nationales de Race, le travail d’organiser la sélection et la promotion générale de la race.
Aux Associations Régionales d’Eleveurs, le travail de promouvoir les chevaux de toutes les races élevées dans la région.

La Société Hippique Française, maison mère du cheval de sport, a parfaitement intégré cette nécessaire coexistence en consacrant 1 collège aux Associations Nationales de Race et 1 collège aux Associations Régionales d’Eleveurs, manière de reconnaître et de souligner leurs vocations différentes et leur complémentarité.

Ne perdons pas cette richesse dans une tentative d’amalgame qui serait regrettable !

En Europe, ce sont les régions et pas les races qui sont en concurrence pour attirer les acheteurs. Les races doivent être au service de la prospérité des régions.
Ne diminuons pas notre compétitivité en niant cette réalité que nos concurrents allemands et belges ont parfaitement intégrée.

Entendons-nous bien : il n’est pas question de revenir aux races régionales qui existaient dans les années 60.
Une Association Nationale de Race a besoin, pour prospérer, d’une base de sélection et de moyens d’actions que son implantation nationale lui assure. Mais, en cherchant à phagocyter les Associations Régionales d’Eleveurs pour en faire des antennes régionales de la race, une Association Nationale de Race rendrait un bien mauvais service aux éleveurs !

L’Etat peut avoir une politique de l’enseignement supérieur avec un réseau d’universités régionales autonomes et sainement concurrentes pour placer leurs étudiants sur le marché de l’emploi.

Les étalonniers peuvent avoir une politique de recrutement et de distribution des saillies sans créer un réseau franchisé et en respectant l’autonomie des centres d’insémination, laissant ainsi plus de choix aux éleveurs etc… etc…

Les bénévoles disponibles et compétents ne sont pas assez nombreux pour accomplir toutes les tâches qui les attendent, et beaucoup sont amenés à porter plusieurs casquettes. Ce n’est pas un problème dans la mesure où chacun sait à chaque instant quels intérêts il défend !

On peut être à la fois maire et député, père de famille et enseignant, chirurgien et secouriste, … mais pas en même temps !

La tentation du monopole (1)

Par esprit d’ouverture, ou pour permettre aux éleveurs des berceaux de race de garder une liberté de manœuvre garante de la vitalité de leurs régions, les autres grands pays d’élevage européens laissent le champ libre aux stud-books pour proposer leurs services aux éleveurs.
C’est ainsi qu’en Hollande, si le KWPN est le stud-book dominant avec plus de 60 % de parts de marché, les éleveurs produisent également dans les stud-books Z, AES, NRPS, et OLDENBURG principalement (mais également les autres « races Â» allemandes et le SF…)
En Belgique, le BWP domine en Flandre, le SBS en Wallonie et Z recrute sur tout le territoire, mais les éleveurs belges inscrivent également leurs produits au SF et dans les autres stud-books européens de leur choix.
En Allemagne, 14 stud-books sont implantés dans leur région d’appellation (ex Hosltein, Hannovre, Westphalie…) mais exercent sur tout le territoire. Malgré cette offre pléthorique, les éleveurs allemands qui le désirent peuvent aussi inscrire leurs produits dans d’autres stud-books européens.
En France, une règle du Ministère de l’Agriculture stipule qu’un stud-book ne peut être reconnu que dans la mesure où il inscrit des animaux qui ne sont pas déjà inscriptibles dans un autre stud-book reconnu. En résumé : les éleveurs ne peuvent pas choisir leur stud-book une fois qu’ils ont choisi un accouplement.
C’est ainsi qu’un produit inscriptible au stud-book AA ne pourra pas être inscrit au stud-book SF ou que, pour permettre à ses clients en France d’inscrire leur produit au stud-book Z, les gestionnaires de ce stud-book sont obligés de faire en sorte que leurs étalons ne soient pas admis pour produire  SF, faute de quoi l’inscription SF serait la seule possible. Autre exemple de la même règle : le produit de 2 trotteurs ou de 2 pur-sang ne peut pas donner un SF dans la mesure où il est inscriptible comme trotteur ou PS.
Cette mesure a été mise en place pour organiser la cohabitation entre les diverses races bovines et son application aux équidés confère à l’ANSF et à l’ANAA un avantage concurrentiel énorme, qui devrait leur permettre d’envisager avec calme et sérénité l’ouverture à la concurrence !

Sélection ? Oui mais... (2)

Tous les stud-books s’efforcent de repérer précocement les meilleurs reproducteurs, avec un programme de sélection et de mise en valeur rigoureux.
L’exercice est malaisé et, comme souvent dans le domaine des chevaux, le temps donne à tous une grande leçon de modestie.
Les 7 étalons suivants ont deux points communs : Carthago, Quidam de Revel, Baloubet du Rouet, Heartbreaker, Kannan, Mr Blue, Quick Star :
1/ ils font partie des dix meilleurs mondiaux au classement WBFSH actuel,
2/ ils ne sont pas issus de la filière classique de sélection de leur stud-book et ont été admis à reproduire tardivement, au vu de leurs performances ou de la qualité de leur production dans un autre stud-book…
20/10/2011

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