Belles rencontres à Equita'Lyon
Lyon c’est le sport, le haut niveau et les débutants, ceux qui en vivent et ceux qui aimeraient. C’est aussi un salon avec ses coulisses, les rencontres étonnantes d’un monde d’équitants qui existe depuis toujours, avec ses traditions, ses exigeances, et le dynamisme détonnant de professionnels au métier souvent ancestral, ancrés dans un « pays » et qui vivent au contact très physique avec le cheval. Quelques portraits attachants.
Prévenir !
Sonia Wittrecq, vétérinaire et responsable technique Merial, animait un débat interactif où quatre champions partenaires des laboratoires partageaient leur expérience des Nouvelles Technologies : Nicolas Touzaint et Jean Teulère pour le concours complet, Olivier Guillon pour le CSO ainsi que Philippe Thomas, pour l’endurance. Leur rôle est de relayer auprès des cavaliers et acteurs de la filière l’importance d’une meilleure médicalisation des équidés.
Pour ces champions l’importance de la détection, à temps, avec une imagerie d’une netteté parfaite, des lésions, ulcères, boiteries, est indissociable de la performance. Un exemple ? Pour Philippe Thomas, l’endoscopie a détecté des problèmes d’ulcères dus au stress pour l’un de ses chevaux durant les longs trajets ; les soigner était capital, un cheval ne pouvant se priver d’être alimenté lorsqu’il fournit douze heures d’effort d’affilée en compétition.
Comment les nouvelles technologies sont-elles utilisées en préparation de grosses échéances, comme les Jeux Equestres Mondiaux FEI Alltech Normandie 2014 ? Philippe Touzaint fait échographier ses chevaux un mois avant les échéances : « C’est essentiel pour nous de ne passer à côté de rien, avant d’arriver à la boiterie ». Olivier Guillon fait venir le vétérinaire une fois par semaine pour une vingtaine de chevaux; le moindre doute sera soumis à l’examen du spécialiste. Quelle que soit la fréquence de leur recours aux nouvelles technologies, elles font maintenant partie intégrante de la gestion du haut niveau : la réussite en compétition dépend du team cheval-cavalier-entraîneur-vétérinaire et maréchal-ferrant, selon tous ces champions. Qui, à l’évidence, prennent à cœur leur tâche de « relais »... Bravo à eux.
Une valse à trois dents...
• Dentiste équin...
Originaires des Vosges, où ses parents tiennent une sellerie près de St-Dié, Agnès Bonnebas est dentiste équin depuis 15 ans dans l’est de la France. Le Grand Est : du Sud aux frontières luxembourgeoises. Cavalière de Cso, de complet et de dressage, de randonnée également, elle a tenu un centre équestre à côté d’Avignon. Son expérience de cavalière et sa connaissance des chevaux sont ses deux principaux atouts : « Il faut un diagnostic rapide, car quand le cheval s’arrête de manger, malgré sa grande tolérance à la souffrance, cela fait longtemps qu’il a mal. ». Elle a 9 chevaux, du mini-américain au Pur-sang anglais, en passant par le Welsch Connemara, l’Apaloosa et l’Ibérique. Il est essentiel de connaître le caractère des différentes races, plus ou moins délicat, car elle travaille sans anesthésie. « C’est la partie la plus intéressante de mon métier, l’approche du cheval ».
• Premiers symptômes
Les conséquences des problèmes dentaires chez les chevaux sont graves. « Les premiers sympômes : le cheval ne profite pas de ce qu’il mange, il manque de viande. Puis, selon les chevaux, ils recrachent la moitié ou mangent sur le bout des incisives. Ils peuvent aussi se faire des boulettes de foin qu’ils se gardent dans les joues comme pansement. » Après ils perdent du poids, ils arrêtent de manger tout en bavant beaucoup. »
• C’est grave docteur ?
Oui, cela peut être grave, dans tous les aspects de la vie du cheval. Que penser d’une jument gestante qui ne mange plus ? Avec des dents saines elle mangera et assimilera mieux également. Le cheval sportif qui souffre ne sera jamais en pleine possession de ses moyens. Agnès donne un exemple : « François Lemière, le champion de complet, sentait des tensions chez ses chevaux. Je suis ravie d’avoir résolu ce problème. »
• Prévention et gestes techniques
La dent de loup est une des pathologies qui peut gêner très fort le cheval lorsqu’on lui met le mors. Le meilleur moment pour l’enlever est à 3 ans, avant le début du travail : c’est là que le risque de casser cette dent est le plus faible. Le plus grand souci est de 3 à 7 ans car, si le cheval a ses dents définitives à 5 ans, tout pousse parfois de façon anarchique. Enfin, après 18 ans ce seront d’autres problèmes à surveiller : occlusion, déchaussement, etc. Un contrôle annuel permet de ne pas passer à côté de quelque chose.
• Un zeste d’économie
Agnès s’enthousiasme : « Un autre aspect auquel on pense le moins c’est l’économie de fourrage que cela implique : « Un éleveur camargais avait 50 chevaux ; il les a fait soigner, les 50, du jeune cheval aux vieux. Ils s’est rendu compte qu’il avait économisé 3 à 4 tonnes de fourrage dans l’hiver qui a suivi... » A méditer...
Elle a l’oeil qui pétille et la voix ferme quand elle évoque son métier. Ne vous y trompez pas : c’est un métier très physique, comme en témoigne la vidéo qu’elle a tournée de certaines de ses interventions. Il faut un sacré savoir-faire pour poser des gestes techniques comme l’arrachage d’une dent, sans que le cheval soit affolé. Et une sacrée connaissance des chevaux.
L’atelier des tanneries : tant qu’il y aura des chevaux
Philippe Ronzon est le descendant d’aïeuls qui en 1850 fondèrent une bourrellerie-sellerie à St Symphorien Sur Coise, dans le département du Rhône. Avant l’invention des tracteurs il y avait un bel avenir pour ces métiers, à la base de la fabrication des harnais des chevaux de trait. Son arrière grand-père achète également une tannerie en 1900, et l’entreprise familiale diversifie ses activités : à la selllerie s’ajoute la tannerie des cuirs, et la maroquinerie. « Mes aïeuls étaient les premiers grossistes en matériel d’équitation; on façonnait des selles anglaises jusqu’en 1970. J’ai retrouvé dans les combles de la tannerie familiale des pièces en laiton qui servaient aux harnais. » Leur slogan : « Ronzon : tant qu’il y aura des chevaux ». Si les établissements Ronzon ont cessé toute activité en 2008, Philippe a créé « L’Atelier des Tanneries » ou « Ronzon Legend ». Car il a le virus. On ne l’arrête plus, Philippe, lorsqu’il est lancé. Bagagerie de randonnée, selles Camargue, il crée, il innove. Randonneur, il connaît les besoins de ceux qui partagent sa passion. D’une longue lignée de selliers, il a le savoir-faire. L’homme est également créatif ; c’est ainsi qu’il invente, imagine et façonne des éléments de sellerie qui se fabriquaient aurapavant en Chine et en Inde. Un bel avenir s’ouvre devant cet artisan baigné de tradition, attachant en diable, aux accents du sud. On oubliait de vous le dire : il a épousé Agnès, la dentiste.
Un Vénitien à Lyon
Milcko Miatello, un jeune Vénitien parlant très bien Français, est un cavalier de CSO, et comme tel, voulait améliorer les selles classiques. Il rencontre la société Equiline, et travaille avec des vétérinaires. C’est alors qu’il a l’idée de l’IGS : Système Gel intégré. Ce système de « coussins » de gel intégrés sous le cuir de la selle permet de limiter les vibrations pour le cheval et augmente le rebond pour le cavalier. Il a également étudié une autre technologie : FGT (Grip Technology Flap), pour lequel Equiline a déposé une demande de brevet. Il s’agit de l’insertion d’un caoutchouc appliqué à l’arrière inférieur de la selle, ce qui permet au cavalier une meilleure adhérence, diminue l’usure due au frottement de la jambe, et améliore la perception que le cavalier a du cheval. Enfin, il a dessiné une ligne plus épurée pour cette selle, afin qu’elle attire l’oeil. Milcko est fier d’avoir l’oeil expert de Nick Skelton, entre autres cavaliers partenaires, pour tester ces nouvelles selles et définir avec eux les améliorations nécessaires. Le charme de l’accent italien, la fluidité des gestes qui expliquent plus que la parole, cet homme est un véritable artiste inventeur. Et son langage quelque peu suranné sonnait très doux à nos oreilles.
Une Niçoise à 100 vies
Agnès Corda a un nom qui « claque » et c’est vrai qu’Agnès ne laisse pas indifférent. Une énergie à revendre, une toison en bataille, cette Niçoise d’origine « a eu plusieurs vies ». Après sa maîtrise de droit, elle monte en Sologne. Les bureaux, ce n’est pas pour elle. Elle passe là son monitorat, l’instructorat et l’engineering hôtellier. Instructeur d’équitation durant une dizaine d’années, elle comprend que son plaisir, c’est de transmettre. Elle crée une sellerie « Le Paddock », à Bourges en 1995, une deuxième à Vierzon en 2010 et la dernière à Saumur au mois de mai 2013, une belle manière d’aider les cavaliers dans le choix difficile et complexe du matériel d’équitation. Mais la sellerie ne lui suffit pas. Elle écrit alors divers ouvrages, tous pédagogiques, issus de sa propre expérience. « Equitation pour adultes mode d’emploi » (Larivière) en 2000, « Les peurs en équitation comment les maîtriser », aux Editions Agence Cheval de France, sorti en 2003. « Mors et embouchures mode d’emploi » (Larivière) en 2011, et « Guide pratique d’utilisation des enrênements » en 2012 (Belin). « Ce qui m’éclate, nous dit-elle, c’est cela : il n’y a pas de classification des enrênements, en créer une j’adore ! Avec mon livre, je voulais aider tous les cavaliers à sortir le bon enrênement en fonction des problèmes du cheval. » Quant aux peurs, elle dit les relever toutes. « J’explique d’où peut venir chaque peur, je donne des exercices pour contrôler ce « monstre qui pollue leur existence et leur vécu de l’équitation : peur de certains chevaux, de la hauteur, de faire mal au cheval. A chaque fois il y a : Que faire ? ».
Une femme étonnante et atypique. A la passion très contagieuse. A écouter sans modération !
Carine Robert
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