Benoit Cernin : l’autodidacte à qui tout réussit
Benoit, parlez-nous de votre enfance
« J’ai grandi en Saône-et-Loire, dans le petit village de Chassy. Mes parents étaient agriculteurs et produisaient des vaches Charolaises dans l’exploitation familiale. J’ai donc toujours été entouré d’animaux (et de chevaux). À l’époque, ils me faisaient faire des promenades à poney, durant lesquelles j’étais littéralement terrorisé ! Il faut dire que je n’étais pas un enfant très téméraire, j’avais souvent peur de perdre le contrôle. Cependant, pour me distraire, je me rendais sur les terrains de concours qui étaient organisés dans les centres équestres voisins. J’étais fasciné par les cavaliers en piste et par leurs chevaux, qui à la fois m’impressionnaient et m’attiraient. C’est donc à l’âge de 9 ans, bien que n’étant pas encore cavalier, que je compris que ma place était avec eux. Dès lors, on m’a inscrit dans un centre équestre où j’ai eu ma première ponette, Hawai de Fosloir, avec qui j’ai rapidement pris confiance. Une fois le pied bien à l’étrier, tout s’est enclenché : à 11 ans je passais mon galop 7 et quelques mois plus tard, je foulais la piste du Grand Parquet de Fontainebleau, à l’occasion des finales des cycles classiques ».
Votre ascension a été fulgurante, et loin d’être commune ! Comment avez-vous fait ?
« Dans la famille en réalité, nous nous sommes très souvent débrouillés seuls. Et c’est justement ce qu’il s’est passé pour ma carrière équestre. Je me souviens encore de ces longues soirées où, pour apprendre, je regardais des heures d’enregistrement de concours internationaux, et notamment les étapes de la Coupe du Monde. Je reproduisais à cheval ce que j’avais mémorisé, et c’est ainsi que j’ai pu progresser, sans avoir véritablement un moniteur attitré, ni même un centre équestre. J’ai aussi beaucoup appris sur les terrains de concours, en observant aussi bien les détentes que les parcours. Pour en connaître davantage à propos du cheval, de ses besoins et de tout ce qui gravite autour de son environnement, j’ai passé 6 mois aux côtés de Jean-Marie Bouvard. À mon retour, j’ai commencé à acheter des poulains que je travaillais et valorisais sur l’exploitation agricole de mes parents. C’était le début de cette aventure dans le commerce de chevaux de sport ! Puis petit à petit, les choses ont pris de l’ampleur, j’ai investi dans un camion pour emmener les chevaux en concours, et me suis aménagé de petites installations, jusqu’au jour où mes parents ont décidé de cesser leur activité pour s’associer avec moi et faire partie intégrante de ce nouveau quotidien. Je ne les remercierai jamais assez d’avoir fait ce choix audacieux, car l’équitation, c’est encore mieux en famille ! Plus tard bien sûr, je suis allé en stage chez des cavaliers professionnels comme Bertrand de Bellabre, Carlos Pinto, qui m’a transmis une grande rigueur en dressage, ou encore Nicolas Delmotte, grâce à qui ma technique à l’obstacle s’est nettement améliorée ». Â
A-t-il été difficile de vous faire cette place dans le milieu, et d’être reconnu dans la profession ?
« À vrai dire non. J’ai l’impression que les choses se sont mises en place d’elles-mêmes. Au début et sans trop de moyens, j’achetais des poulains sans être exigeant. Ils étaient d’ailleurs souvent difficiles et compliqués. Mais à force de travail et de bons résultats en concours, avec à la clé, des chevaux bien mis et prêts dans leur catégorie, les gens ont commencé à me confier des chevaux, et à vouloir travailler avec moi. Parallèlement, je me devais de remporter des gains en concours, faute de quoi je ne pouvais pas envisager d’engager le week-end suivant. C’est pourquoi je courais le maximum d’épreuves possibles, avec une seule idée en tête : gagner. Aujourd’hui mon équitation est tout à fait différente, mais je pense que cette détermination m’a beaucoup aidé dans mes débuts, et tous ces podiums m’ont certainement crédibilisé dans le milieu ». Â
Quelle est votre « ligne directrice » aujourd’hui dans votre activité de commerce ?
« Lorsque tout a commencé à vraiment bien fonctionner, et que le travail me submergeait à n’en plus pouvoir, j’ai été contraint de faire un « tri » dans ma cavalerie. J’ai décidé de ne continuer qu’avec les chevaux de très bon niveau. Aujourd’hui je suis exigeant à propos de leur caractère. Je préfère travailler avec un cheval qui possède une très bonne tête plutôt que de gros moyens. En somme, je ne choisis que ceux qui ont véritablement envie de faire sans-faute, et croyez-moi, ça aide ! Bien sûr, j’aime aussi les chevaux rapides, respectueux et dont la parabole est impeccable, même si je déroge parfois à ces règles lorsque je suis pris d’un gros coup de coeur. À côté de cela, je ne choisis que des chevaux qu’il est possible d’essayer. Je n’ai jamais recours aux ventes aux enchères par exemple, car selon moi, pour bien apprécier un cheval, il est nécessaire de monter sur son dos. S’agissant d’un futur partenaire, d’un coéquipier qui ne forme finalement qu’une entité avec son cavalier, il est primordial de ne pas négliger cette étape, si on veut aller loin. Enfin, je dirais que je ne suis pas vraiment de règle concernant la vente. Mes clients sont à la fois des professionnels et des amateurs et il m’arrive de garder les chevaux parfois très longtemps, quand d’autres s’en vont plus vite ». Â
Comment s’organise votre quotidien ?
« En ce moment, nous avons 18 chevaux au travail dont je m’occupe quotidiennement et ce, avec la précieuse aide de mes parents, de ma compagne ainsi que de mon équipe. J’en profite pour leur témoigner ma reconnaissance, puisque grâce à eux, je peux concilier profession et vie de famille, pour le plus grand bonheur de mes 2 enfants, Ethan (9ans) et Giulia (10 mois). D’une manière générale, les chevaux vont beaucoup au paddock et beaucoup dehors, en trotting par exemple. J’ai à coeur de respecter leurs besoins et de les faire évoluer dans la nature, indispensable selon moi pour leur bien-être. Le Covid-19 et ses confinements ont d’ailleurs favorisé cet aspect-là , car il a été question de périodes durant lesquelles je n’ai monté que pour mon plaisir, sans échéances de concours ni d’objectif autre que le plaisir. Lorsque nous avons repris, les chevaux n’avaient pas sauté une barre depuis un bon bout de temps et ils étaient plus au top que jamais ! Ainsi je ne saute pratiquement pas à la maison, mais accentue le travail sur un gain en condition physique, que je réalise en extérieur et notamment sur des terrains en dénivelés. Je me focalise sur des choses simples, avec un travail précis, toujours dans le plaisir et surtout en prenant mon temps ». Â
Victoire Beauverd
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