BLH : un trio pour (s’)élever
Depuis près de trente ans, le couple Frédéric/Frédérique Neyrat, puis leur fils Sébastien, ont développé leur stratégie de l’étalonnage, basée sur quelques principes auxquels ils ne dérogent pas : sélectionner un grand pedigree, un grand performer, facile à monter, à valoriser et à vendre. Offrir un grand choix d’étalons pour contenter toutes les sortes de juments. Les juments doivent être performers également. Un crack avec une crack. Au-delà de toute querelle de stud-book, car la génétique se mondialise, leur credo se décline : « Les étalons : un papier, un corps, un sportif et enfin un père ».
C’est au centre équestre de Béligneux, tenu par Jean Sarrazin, celui que reprendra Michel Robert, que Frédéric et Frédérique Neyrat se sont connus…et ne se sont plus quittés. Frédéric se souvient : « On était une vraie bande de potes ». Son diplôme de véto en poche, Frédéric décroche, « occasion inespérée pour un gamin » une place chez le Docteur Vétérinaire Blanchard en Normandie, l’initiateur de l’insémination artificielle avec Baloubet en 1981. « Nous allions dans les plus grandes maisons de pur-sang. J’ai appris énormément en un an. » Puis c’est la région parisienne chez le docteur Desbrosse, où il parfait son expérience.
En 1984 ils s’installent dans une grande maison en face du centre équestre où ils se sont connus. Frédéric travaille comme vétérinaire praticien dans la région de Bourg-en-Bresse et monte sa clinique vétérinaire en 87. Ils créeront Béligneux le Haras EURL en 1995, qui sera dirigé par Madame, Frédérique Neyrat. A l’époque de l’ouverture du Stubook Selle Français par Philippe Curti, ils louent leurs premiers étalons (Calvaro, Quat’Sous, Mr Blue), et commercialisent la semence congelée des performers étrangers. Leur sensibilité a toujours été d’offrir aux éleveurs français les performeurs de haut niveau, quel que soit le studbook. Frédéric en est convaincu : « Les cavaliers achètent des champions, pas des studbooks; 9 fois sur 10 ils ne connaissent pas le studbook de leur cheval… L’expérience nous a montré que le croisement entre un étalon grand performer et une poulinière, tous deux de race différente, c’est ce qui marche le mieux ». Toutes les statistiques concordent. Et de le prouver : si l’on prend le palmarès des pères de SF gagnants en CSI 2013, rapporté au nombre de naissances, on trouve en 1 Cumano, en 2 Cento, en 3 Carthago, en 4 Baloubet du Rouet, et en 5 For Plesure. « Du deuxième au cinquième nous les avons commercialisés. »
Des initiateurs
Pour acquérir ces performers ils ont voyagé, beaucoup voyagé. Ils ont acquis Lando chez Otto Beckker, Epsom Gesmeray chez Paul Schockemohle et importé de grands étalons comme Tinka’s Boy, Goldfever. « Il a fallu capter la confiance, notamment des Allemands, qui, il y a trente ans, ne travaillaient avec personne en France! Dans un premier temps on achetait cash leur semence congelée, et pour offir les meilleures conditions aux éleveurs français, on mutualisait les risques pour eux en leur vendant des saillies payables quand la jument était pleine. C’était un vrai travail de courtage, trés positif pour nos clients. Et nous nous sommes crédibilisés petit à petit. Cela nous a permis d’aller chez les cavaliers qui tournaient au Top niveau sportif. Bénéfices : une grande ouverture d’esprit et la constitution d’un fort réseau à partir des années 2000 pour passer à la deuxième phase de notre ambition : louer ou acheter ces chevaux en fin de carrière sportive pour les offrir aux Français en frais ou en réfrigéré, procédé malgré tout plus efficace que le congelé. »
Location/Achat de performeursÂ
Dans un deuxième temps donc, après avoir créé ce climat de confiance, BLH a pu louer les performers. Cela ne s’est pas fait d’un coup : « Par exemple, pour Goldfever cela nous a pris un an et demi. Au début, Beerbaum n’était pas chaud pour exporter son champion en France. »Â
Maintenant BLH collabore avec le Holstein, Beerbaum, Nijhof et VDL en Hollande. Frédéric Neyrat boit son thé dans une tasse VDL et ose un trait d’humour qui le caractérise tant : « VDL ? C’est ma tasse de thé ».
Troisième phase : acheter ces performers. Pour cela, il a fallu de la ténacité et une veille commerciale de tous les instants : « Comme nous voulons ces performers dès qu’il arrêtent la compétition, il faut être aux aguets, la vente peut se conclure en huit jours. Ce fut le cas pour Con Air, que nous avons acheté en 2013 à José Larocca. » BLH était en compétition avec Xavier Marie, du haras de Hus. L’an dernier Con Air a rempli 250 juments, entre la France et l’export, selon Frédéric.Â
Cette année leur proposition en congelé a été élargie et augmentée (quatorze étalons) pour une stratégie du long terme : « Davantage d’étalons pour servir toutes les juments. Nous vivons de l’étalonnage, donc on travaille sur le long terme, pas sur les gros coups. Nous devons donner confiance, être crédibles. Pour cela nous appliquons également la garantie poulain vivant sur nos frais techniques, pour fidéliser nos clients ».
Dernière exigence de leur part : ce ne sont pas seulement des étalons trés grands performers qu’ils recherchent : ils doivent également être faciles, car « 95 % des produits que font naître les éleveurs finissent entre les mains des amateurs quel que soit leur niveau ».Â
BLH naisseur
Dans une structure de 25 hectares en Bresse bourguignonne les Neyrat font naître depuis une dizaine d’année. En sélectionnant autant la génétique femelle que la génétique mâle, ayant toutes deux fait de la compétition et fait leurs preuves. Ils ont acheté une poulinière hannovrienne de très bon niveau, fille de Contender, accidentée en compétition, Contessa « la merveilleuse ». C’est la mère de Vepsom Bel, qui a conquis trois podiums à Villamoura au Portugal avec Julien Gonin ce mois de mars, et The Best of Bel, 7 ans. Leur deuxième poulinière, Granie, est une jument de Markus Fuchs, avec laquelle il a gagné trois épreuves qualificatives de Coupe du Monde. Ils l’ont achetée à 18 ans, et reproduit par transferts d’embryon. Enfin, La Toya (ex Sweety van het Asborneveld; Fortuin Z x Natoris), achetée cette année après neuf ans de compétitions internationales, remportant encore des 160 à 18 ans. Frédéric fait un clin d’œil à Frédérique : « Un champion avec une championne ne font pas toujours un champion, mais c’est mieux ! » Et de conclure : « Mais ça reste toujours un pari un peu fou, et c’est le sel de la vie, c’est ma passion. »
L’approbation
La création d’un Label Pur SF ? « Les cavaliers surtout à l’international s’en foutent de la race, dans 90 % ils ne la connaissent pas. Seule la qualité intrinsèque du cheval les intéresse. L’intérêt de la notion de SF Originel, c’est de garder une jumenterie pure SF, ça c’est intéressant pour bénéficier à plein de l’effet hétérosis en les croisant avec des étalons étrangers, même si ce n’est pas facile à gérer de garder des mères « Pur SF ». L’approbation d’un jeune étalon est trop compliquée en France: Abou Sim Bel, fils de Tinka’s Boy, est Sf. Nous l’avons fait approuver AES. Les juges se sont déplacés. Sinon Il aurait fallu faire 1 800 Km pour le faire approuver à St Lô ! Il faut préserver les jeunes étalons durant leurs 3 et 4 ans, et au printemps ne faire que la monte. Sinon après ils sont cuits pour le Grand Sport et donc pour leur carrière d’étalon au long terme ! Ce n’est pas bon pour l’étalonnier et encore moins pour les éleveurs qui ont fait confiance en l’étalon »
Le fils
La force BLH, c’est Frédérique, Frédéric et… Sébastien. « Qui nous stimule et nous bouscule », dit en riant Frédéric. Sébastien a pris le côté de grand jeune homme dégingandé de son père. Il sait comme personne mener et mettre en valeur les étalons, on dirait qu’il a cela dans le sang. Chemise noire, cravate rouge, bandes rouges pour les étalons, c’est le look chic et l’image BLH. Au Montellier, leur centre d’insémination artificielle, Frédérique assure la gestion administrative, Frédéric est le vétérinaire gynécologue, et Sébastien, inséminateur, assure la logistique et les prélèvements des étalons. Une vraie équipe. Il y a aussi « Une équipe de jeunes valables et qui en veulent » Car le couple est meneur d’hommes, et vit en harmonie, teintée de légèreté et d’humour, malgré l’autorité naturelle, avec son équipe : « On aimerait leur laisser une boutique qui tourne ».
Dans le soleil printanier, Kigali, Con Air, Tinka’s Boy s’ébrouent et font les beaux. Lando se fait vieux, il n’a plus de dents. Frédérique est émue : « 26 ans…C’était un guerrier, il nous a tant donné … »
A Béligneux, derrière la maison, les boxes des juments. Deux poulains de deux ans curieux, s’approchent. Tous deux fils de Tinka’s Boy et Granie, ils sont aussi … différents que possible. Cela les fait rire tous les trois, d’un rire très complice.Â
Carine Robert
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires. Devenez membre ou connectez-vous