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Ce n'est q'un au revoir, Alain

  • A Madine, à l'Ecurie 55
    A Madine, à l'Ecurie 55
Sa tragique disparition au retour de Fontainebleau alors qu’il regagnait seul son domicile dans le département de la Meuse a plongé la communauté équestre dans la stupeur et dans la tristesse. Alain avait 61 ans. Il a perdu la vie sur le coup dans une terrible collision frontale, en pleine ligne droite, dimanche vers 16H près de Saint-Dizier. Collision d’une effroyable violence qui a nécessité une importante mobilisation d’hommes de secours et le transfert par hélicoptère de plusieurs blessés grave, occupants du véhicule arrivant en sens inverse, dont le processus vital est engagé.

Installé en Lorraine depuis avril 1989, Alain était considéré comme un référent très particulier par les éleveurs lorrains et principalement meusiens de par son engagement à leur côté et son implication dans les structures de la filière, qu’il s’agisse d’ADECLOR dès ses débuts, de Cheval Grand Est par la suite, de la SHF de Marc Damians à Michel Guiot où il était engagé et écouté de longue date.

Il a fait connaître et a valorisé l’élevage lorrain comme personne grâce à ses talents de cavalier et ses relations de marchand.
Il était connu pour sa droiture en affaires et son sérieux dans le travail.
Imaginatif et persévérant, il fut aux côtés d’Alain Lehmann alors président d’Adeclor, un actif promoteur du « made in Lorraine » à l’étranger : en Italie à Fieracavalli  de Vérone où les Lorrains furent présents de nombreuses années, dans certains pays de l’Est comme la Pologne et en Chine. Des actions commerciales furent montées avec lui pour faire venir à Rosières-aux-Salines des délégations étrangères. Soucieux du collectif, il savait donner du temps aux autres qui appréciaient son expertise et sa bienveillance.

En 2012, nous avions publié cet article rédigé par Alix Thomas. Il y racontait ses débuts et son grand intérêt pour sa région d’adoption. Le voici, intitulé

« Alain Fortin, instit’ pour futurs cracks »

Enfant, bien loin des carrières, c’est plutôt les buildings de Vitry-sur-Seine (région parisienne) qu’Alain Fortin avait pour quotidien. Aujourd’hui, son savoir-faire, c’est l’éducation du jeune cheval. Les pieds sur terre, il a développé une écurie à son image : proche de ses éleveurs et investi dans son sport. Quiness du Mezel, Kapitol d’Argonne, Oslo du Châlet ou encore Ocarina du Chanois ont un point commun : ils sont passés sous sa selle.

En arrivant sur les rives du lac de Madine, à première vue, on ne voit que les bateaux, la plage et des vacanciers. Un peu plus à gauche, des chevaux jouent. Ce sont les paddocks de l’écurie. Car c’est ici, dans ce cadre si atypique qu’Alain Fortin a élu domicile depuis le 10 avril 1989.  
Atypique, tout comme son histoire puisqu’à l’origine, il n’avait rien à voir avec ce sport: «Il n’y avait aucun cheval dans ma famille. J’étais étudiant dans un lycée élitiste parisien, Louis-Le-Grand, quand on m’a suggéré une réorientation. C’est ainsi que j’intègre le lycée agricole d’Yvetot et que je rencontre Nicolas Sanson et Olivier Tharreau. C’est eux qui m’ont donné le virus du cheval. J’ai alors 18 ans ».

Aujourd’hui, Nicolas est à Saumur à l’ENE, Olivier, cavalier pro à Orléans. Alain n’oublie pas le rôle qu’ils ont joué dans son parcours professionnel : « Une fois notre bac en poche, on part au CEZ de Rambouillet. Mon BTS hippique obtenu, et mon service militaire effectué, j’ai alors cherché une place de cavalier. La Normandie me semblait alors le meilleur endroit ».

De l’Ecurie 55 à l’indépendance

C’est ainsi qu’il atterrit à Bretoncelles, dans l’Orne, chez Jean-Bernard Palmer, pionnier de l’étalonnage privé, membre fondateur de l’ANSF. Alain y reste 2 ans et demi et y pratique la manipulation des poulains et les débourrages. « Voyant qu’il n’y avait pas de possibilités d’évoluer, j’ai cherché une autre place. Par le bouche-à-oreille, j’ai appris qu’il y avait un poste de moniteur à pourvoir au centre équestre de Madine. C’est comme ça que j’ai atterri en Lorraine ».

En 1990, il repart une année pour passer son instructorat à Saumur et revient vite en Meuse : «Le Conseil général voulait aider les éleveurs à mettre au travail leurs chevaux. Le projet se nommait ‘Ecurie 55’. Les éleveurs payaient 60% de la pension, le reste étant à la charge du Conseil général. J’ai intégré ce programme et c’est ainsi que je me suis installé durablement ici », se rappelle-t-il. «Les premiers éleveurs à me faire confiance ont été Pierre Rediger, Bernard Legendre, Michel Zimmermann ou encore Alain Aubry ».
Aujourd’hui, d’autres se sont ajouté comme Isabelle Prunaux de l’élevage des Baleines ou encore Lucien Hecht, de l’élevage du Mezel.
En 1998, se pose le problème de la rentabilité de l’Ecurie 55. La fin du projet pousse alors Alain à se mettre à son compte et à signer un bail au sein même de cette structure équestre.          

Pédagogie équine et transparence

Celui qui se qualifie « plus travailleur que doué», a tout fait pour fidéliser sa clientèle : « Je facture à la journée. Et puis, dans 80% des cas, j’ai une part dans les chevaux que je monte » explique Alain. « Cela me permet, lors de la commercialisation, de toucher un ‘bonus’ sans que la problématique de commission se pose ».

Concrètement le circuit du cheval dans les écuries d’Alain est le suivant. Tout d’abord, il aide les éleveurs à faire le tri dans leurs chevaux et accompagne ces derniers de 2 à 7 ans sur le circuit de la SHF. Alain Fortin est, en effet, un fervent défenseur du circuit classique qui « permet de se fixer des objectifs. Pour les 4 ans, par exemple, l’essentiel est de faire son année. S’ils ne font pas sans-faute, on ne les condamne pas. Le principal c’est de passer ces « évaluations » que sont les concours. Car au fond, il ne faut pas oublier que c’est le sport qui valorise l’élevage ».

Réalité économique et politique du sport

« Ce sont des échéances comme les JO qui permettent à l’éleveur de vendre ses produits dans la paille. Il est important que la chaîne éleveur-cavalier-propriétaire fonctionne au mieux ».
Et c’est pour cela qu’il s’investit dans les institutions comme la SHF, l’ADECLOR (association des éleveurs lorrains) ou encore l’Acsol (association des cavaliers lorrains). « Je n’aime pas subir les décisions. J’ai la possibilité d’être acteur de ma filière, de pouvoir porter une voix. Alors je le fais. En tant que cavalier, je défends notamment l’idée qu’il n’y a pas de race, mais que des chevaux. On ne doit pas se fermer sur soi-même. Surtout en Lorraine, où les frontières ne sont pas loin ». Une idée qu’il a défendue lors du débat sur la création d’un éventuel circuit jeunes chevaux dédiés aux seules races françaises.

Avec deux salariés, Jean-Philippe, Alicia et une apprentie, Sophie, la petite équipe de Madine s’occupe d’une trentaine de chevaux. Mais à côté, ce jeune père de quatre enfants (le dernier a 3 mois) a réussi à s’aménager une vie de famille car « Les chevaux, c’est bien mais il y a d’autres choses à côté ».

Vassincourt en 2014

Il y a 10 ans, Alain quittait Madine pour un projet professionnel de grande envergure et s’installait à Vassincourt (55) dans l’ancienne station des Haras nationaux qu’il avait achetée et rénovée, lui adjoignant un manège. Formateur de jeunes chevaux, certes mais aussi formateur de jeunes cavaliers. Nombreux sont ceux qui sont passés par cette école de la vie de cavalier et qui aujourd’hui sont installés. Au nombre des jeunes sur le circuit classique, Come Back de Villers (Trésor de Virton x Apache d’adriers), Calypso de Pareid (Mylord Carthago x Torence aa), Cassius de M (Scareface de M x Papillon Rouge), Calysta de Mandres (Radieux x Fango in Blue), Carat de Sainval (Diamant x Papillon), Brazil de Mezel (Haloubet de Gorze x Apache d’Adriers), Dune des Népliers (L’Arc x Flipper), Dominum Champloue (Quaprice BM x Laudanum).

Itopaze MF (Quartz du Chanu x Quaprice) et Hambo du Lys (Toulon-For Pleasure) étaient sous sa selle. L’année dernière ils participaient au circuit jeunes talents de la SHF à Equita. 

C’est la disparition d’un homme, d’un ami, d’une grande qualité humaine que nous pleurons aujourd’hui.

A Julie sa compagne, à ses enfants dont Annette que nous côtoyons sur les concours SHF, nous présentons nos condoléances attristées et les assurons de notre entière empathie.

Etienne Robert

 

02/09/2024

Actualités régionales