Chevaux tués et mutilés : peut-être une piste
Si les enquêtes ne convergent pas vers un seul individu mis en cause, le modus operandi des atteintes mortelles contre les équidés est similaire sur l'ensemble du territoire. Selon les constatations des enquêteurs de la gendarmerie, les animaux sont tués dans des prés, sans distinction de race, de sexe, d'âge, de robe, de lieu ou d'usage. Les victimes peuvent aussi bien être un poney d'une valeur de 300 € qu'un pur-sang à  100 000 € ou un trotteur en activité. Le 15 février, à Girouard, en Vendée, Démon du Médoc, un trotteur de 7 ans sur le point de devenir une star des hippodromes, a été retrouvé mort dans son enclos, l'oreille droite sectionnée. L'autopsie a fait état d'un arrêt cardiorespiratoire et d'une absence de poison dans le sang.
Rite sacrificiel ou cruauté gratuite ?
Les causes de la mort ne sont pas toujours connues : certains chevaux ont succombé à un arrêt cardiorespiratoire, vraisemblablement dû à la peur ou à l'épuisement, d'autres sont étranglés, égorgés, ou tués par arme blanche ou arme à feu. Les vétérinaires ont pu constater des traces d'empoisonnement dans certains cas, notamment au cours des décès survenus dans le Jura, les Deux-Sèvres et les Yvelines, les 23 et 24 août. Le seul point commun à ces affaires est la mutilation et la mort brutale des équidés, rapporte notre confrère Le Point

« Rite satanique »
Le 1er avril, dans la vallée de Chevreuse, une pouliche de 4 ans, de grande valeur, selon sa propriétaire, a été retrouvée morte, une oreille parfaitement découpée et prélevée. Le 23 avril, dans l'Aisne, une pouliche de 2 ans estimée à plus de 100 000 € a été massacrée dans une pâture du haras où elle était en pension. Son oreille droite a été coupée. Les 14 et 17 mai, dans la Somme, Helsa des Trois Vallées, une jument de 2 ans et demi, et Pascha, une ponette, ont été retrouvées mortes par leur propriétaire, dans la pâture qu'elles partageaient. Les deux bêtes ont été tuées selon le même rituel. Elles présentaient une plaie saignante au niveau de la tête et leur oreille droite manquait. Le 6 juin, en Seine-Maritime, Lady de Boissière, une jument de 16 ans, a été découverte en train d'agoniser, la tête déchiquetée et l'oreille droite sectionnée.
Les attaques ne sont pas récentes. Les gendarmes se souviennent qu'en 2014 le cadavre d'une jument de 20 ans avait été retrouvé dans un pré. L'animal avait été étranglé probablement au moyen d'une corde avant de subir de nombreux actes de cruauté. Il présentait plusieurs entailles le long des membres. Ses agresseurs lui avaient retiré le globe oculaire droit et lui avaient sectionné une oreille, deux mamelles, ainsi que la crinière par endroits. À l'époque, les gendarmes n'excluaient pas un rite satanique, les faits ayant été commis quelques jours avant la Saint-Winebald, une fête célébrée le 7 janvier au cours de laquelle l'usage satanique veut qu'on sacrifie un être humain ou un cheval.
« Poupée vaudoue » sur les lieux d'une attaque
En 2020, les premiers faits de même nature ont été enregistrés le 16 janvier dans les Côtes-d'Armor où les gendarmes ont été saisis d'une plainte pour des mutilations causées sur un poney à La Méaugon.
 La cuisse gauche de l'animal était déchirée par une plaie de 15 centimètres, commise, selon les déclarations de la plaignante, avec un objet tranchant, le 23 décembre 2019. Lors de son audition, la plaignante a également fait part d'autres faits de vandalisme sur ses installations et évoqué la présence d'un morceau de bois sculpté pouvant ressembler à « une poupée vaudoue ».
Depuis, 33 nouveaux faits ont été enregistrés dans une vingtaine de départements, notamment en Mayenne, en Moselle, en Saône-et-Loire, en Vendée, dans les Ardennes, les Côtes-d'Armor, les Deux-Sèvres, les Hautes-Alpes, les Yvelines, l'Aisne, l'Essonne, le Jura, la Loire, le Nord, l'Oise, le Puy-de-Dôme, la Sarthe, la Seine-Maritime et la Somme. « Compte tenu de l'attrait médiatique, certains faits ont pu être commis par mimétisme, de manière isolée. Le 22 août, à Moncé-en-Belin, Sarthe, un veau est ciblé pour la première fois », précise une synthèse du renseignement territorial qui s'intéresse également au phénomène de la maltraitance animale.
Le 25 août, à Saint-Vallier en Saône-et-Loire, le cadavre d'une ponette de 16 mois a été découvert dans un pré. Divers organes lui avaient été ôtés, et, comme ailleurs, elle avait subi une ablation de l'oreille droite et d'une partie de la peau du chanfrein. Selon les constatations du vétérinaire, le tueur a eu recours à une lame acérée, et lui a également prélevé 8 litres de sang. Les faits auraient été commis en plein jour, dans une zone située à la périphérie d'une agglomération urbaine fréquentée et à proximité d'habitations.
La veille, à Mauléon, dans les Deux-Sèvres, un cadavre de cheval présentait une oreille coupée. À Chevreuse, dans les Yvelines, un équidé mutilé était découvert vivant dans un champ. L'animal présentait une entaille, profonde et rectiligne, de 8 centimètres au niveau de son encolure. Le vétérinaire a décrit une blessure intentionnelle d'origine humaine. Lors de l'enquête, la propriétaire du haras s'est souvenue qu'en juillet 2019, un autre de ses chevaux avait été amputé d'une oreille. Elle ne l'avait pas signalé.
« Ce contexte tendu pourrait conduire certains propriétaires, particulièrement affectés par ces tueries, à intervenir directement voire à se faire justice. Certains envisagent déjà de constituer des équipes de surveillance », concluent les gendarmes qui centralisent les enquêtes.
Parties Civiles
. SHF. Le Bien-être des chevaux est une préoccupation permanente de la Société Hippique Française (SHF). Confrontée à la recrudescence des actes de barbarie sur des chevaux et poneys retrouvés morts et mutilés, la SHF a décidé de se porter partie civile. Elle accompagne ainsi les éleveurs et propriétaires, la Fédération Française d’Equitation et la Ligue Française de Protection dans leur démarche juridique. A travers son action, la SHF reste déterminée pour lutter contre toute forme de maltraitance ou de cruauté envers les chevaux.
. FFE. Face à la série d’actes de cruauté envers des équidés sur l’ensemble du territoire français, la Fédération Française d’Equitation annonce se porter partie civile aux côtés des propriétaires dès lors que ceux-ci ont déposé plainte.
Par cette action, la FFE entend combattre ces actes de barbarie et compléter l’aide qu’elle apporte déjà au service spécialisé de la Gendarmerie nationale, l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.
. COORDINATION RURALE. À la demande de sa section Cheval, la Coordination Rurale a décidé de se porter partie civile dans chacune des enquêtes portant sur la mutilation de chevaux. Le syndicat a entamé des démarches auprès des différents tribunaux en charge de ces affaires : Dieppe, Lannion, Mâcon, Roanne, Clermont-Ferrand, Amiens, Le Mans, Lons-le-Saunier, etc.
Pour Claire Juillet, présidente de la section cheval de la CR, « la multiplication de ces attaques barbares est inadmissible. Nous allons être partie civile dans l’intérêt de tous les éleveurs, qui se lèvent chaque matin avec la peur au ventre. Il faut rapidement retrouver les auteurs de ces exactions pour assurer la sécurité de nos animaux. »
La succession d’actes de cruauté et de barbarie sur des équins suscite une peur croissante auprès des détenteurs d’équidés. La découverte d’un veau au Mans le week-end dernier présentant des sévices similaires laisse à penser que la menace risque de s’étendre au-delà du seul secteur équin.
. Jean-Luc Poulain, président du salon du cheval de Paris «  je souhaite apporter tout mon soutien aux éleveurs et propriétaires de chevaux ou poneys qui ont été, ces dernières semaines, mutilés et tués.Â
Au-delà des questions qui se posent autour du « pourquoi ? » c’est un véritable choc pour une filière pour qui le cheval est une passion.
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