Eric Palmer - Une vie au service de la recherche pour l’élevage du cheval
Les années 70.
A son entrée dans les Haras Nationaux il rencontre Henry Blanc, qui fut directeur général des Haras Nationaux de 1962 à 1983. De cette rencontre est née une complicité qui va accompagner la vie de ces deux hommes curieux et passionnés par l'élevage du cheval français.
C'est tout d'abord en 1971, la signature du premier contrat de recherche avec l'INRA (Institut national de la Recherche agronomique) et un statut de « détaché des Haras Nationaux » avec un poste de chercheur sur la reproduction du cheval. Toute une carrière dans les HN détaché à l'INRA va se dérouler devant moi.
Des débuts difficiles à Nouzilly, à son arrivée il n'y a pas un cheval au milieu des bovins et des ovins. Avec son ami et premier Directeur, François du Mesnils du Buisson (auteur de « Psychologie de la reproduction à l'INRA) ils achètent deux juments, aménagent une stabulation et commencent les premières expériences autour des études de cycles ovariens. Il se souvient alors de son service militaire, qui l'a conduit de l'Ecole de Cavalerie de Saumur à la section équestre du 501ème Régiment de chars de Combat de Rambouillet, pour établir un contrat sur le suivi de 8 juments à l'Ecole d'Application du Train, de Tours, qui dispose encore d'un lot de chevaux de selle en centre-ville. C'est le début des études d'endocrinologie, des dosages d'urine, des dosages sanguins. Du bricolage avoue-t-il aujourd'hui. Mais du bricolage reconnu qui fait l'objet de la première publication sur les dosages hormonaux chez la jument.
Dans les années 70, la production de viande chevaline est insuffisante et c'est pour limiter les importations de viande étrangère que l'INRA pousse en avant Eric Palmer et sa petite équipe. A cette époque, un programme de recherches est dédié à l'amélioration de la fertilité des juments dans les stations de HN. Eric devient le spécialiste du traitement de la synchronisation des chaleurs et c'est avec des amis éleveurs bretons qu'il organise les premières saillies sur rendez-vous. Les résultats sont excellents, mais le fiasco est financier car l'industrie pharmaceutique française se refuse à développer des produits destinés aux chevaux élevés pour leur viande. Marché trop petit, l'amélioration des techniques devra se faire avec la montée en puissance des chevaux de sport. Phénomène qui transforme le marché du cheval français et justifiera les investissements.
Fils d'un gynécologue avant-gardiste, Eric travaille toujours de façon artisanale. Ses éponges vaginales fonctionnent bien mais ne sont pas retenues, seule l'apparition du « Régumate », par voie orale, pour les cochons et les chevaux marque une avancée, alors qu'à Tours l'équipe est lancée sur les débuts de l'échographie. Le moment de la saillie est choisi, il faut à présent savoir rapidement si la jument est pleine.
1978, l'équipe d'Eric Palmer, à l'INRA est la première au monde à pratiquer des échographies pour la reproduction animale, toutes espèces confondues. Ce sont les premières publications d'images révolutionnaires des ovaires et le la montée des follicules. Ces follicules ovariens sont des agrégats de cellules sphériques, situés dans les ovaires aux côtés de l'ovocyte à partir duquel ils ont été relâchés pendant l'ovulation.
C'est aussi le début des oppositions conservatrices des adeptes des méthodes traditionnelles. Quoi de plus naturel pour un chercheur que de se voir opposer les certitudes du quotidien ? La nature humaine est ainsi faite.
Au même moment, toujours à l'INRA un jeune étudiant vétérinaire fait des recherches en « Biblio » sur le début de la gestation. Il n'en faut pas plus pour que surgisse l'idée de faire une rotation, de l'ovaire en direction de l'utérus, à la sonde de l'échographe, pour qu'apparaissent les premières images de gestation chez la jument. C'est ainsi qu'entre le 12e et le 14e jour, à moins d'un mois d'un cycle, on devient capable de voir les effets de la saillie. Véritable révolution à l'origine d'une longue bataille de procédure entre les vétérinaires et les agents des Haras Nationaux. Acte vétérinaire ou non ? Là est la question de fond, aux accents juridiques sur le droit de pratiquer les échographies et la légitimité du diagnostic sur la gestation des juments. Au final, les agents des HN pourront déclarer qu'une jument est pleine mais ne pratiqueront pas de pathologie. C'est le début des formations d'échographe dans les HN avec l'ouverture du centre de formation du Haras du Pin.
Les années 80.
Début des années 80, après toutes ces recherches sur la jumenterie, c'est le lancement du programme sur l'insémination artificielle. On s'intéresse à présent aux étalons. L'énorme levée de boucliers du monde de l'élevage traditionnel pousse Eric Palmer et son ami du début Henri Blanc à rejoindre quelques éleveurs en Bretagne. Les craintes pour la reproduction des chevaux de sang dirigent les chercheurs vers les chevaux de trait. 1983, les résultats sont incontestables. M. Pellegrin, propriétaire de l'excellent Galoubet (SF) se rapproche des Haras Nationaux et c'est le premier contrat, Eric devient « maître d'œuvre scientifique » et les prélèvements se feront au Haras du Pin. Les opérations avec des spermatozoïdes frais ne sont pas pratiques. Qu'à cela ne tienne, notre équipe de chercheurs de l'INRA se lance sur les techniques de congélation de spermatozoïdes. Malgré l'évidence des résultats, les HN n'osent pas affronter la nouvelle levée de boucliers et passer directement en mode production. Cette fois-ci, c'est avec Pierre Julien qu'Eric Palmer, passe à l'action. A deux ils créent la société privée « Equi-technique », première société de production de spermatozoïdes congelés de chevaux. L'effet est immédiat, les HN acceptent la congélation des étalons HN. Ibrahim (SF) et Pot d'Or (PS) seront les premiers à être congelés. Après des débuts commerciaux en demi-teinte, l'équipe de France de CSO, sera la première au monde dans les années 85-90, à être constituée d'étalons en double carrière « compétiteur-reproducteur », Laeken (SF) et le Tot de Sémilly (SF) sont deux exemples qui ont marqué le paysage équestre français.
Rien n'est parfait pour notre équipe de chercheurs passionnés. La jumenterie de très haute qualité a ses faiblesses. L'amélioration des élevages se travaille en France, mais aussi loin de notre territoire national et c'est un chercheur japonais, monsieur Oguri, qui pratique le premier transfert d'embryon. Les chercheurs américains, anglais et français lui emboîtent le pas avec des techniques qui se pratiquaient chez les bovins depuis environ dix ans.La mise au point est pourtant difficile, les résultats des recherches sont encore moyens quand l'éternel ami des chevaux et des cavaliers qu'est Jean Rochefort commande le premier transfert. Ainsi est enregistrée en France la naissance du premier poulain par transfert d'embryon, avec son excellente jument Utopie.
Les enregistrements de poulains nés de l'insémination artificielle ou des transferts d'embryon ont toujours eu des débuts difficiles. Un seul poulain autorisé par jument, l'ajout des lettres IA ou TE sur la déclaration de naissance, pour bien marquer la différence avec les poulains issus de l'élevage dit naturel. Il ne manquait plus qu'un marquage au fer obligatoire pour ces magnifiques petits poulains qui bâtissaient eux aussi les rêves de leurs éleveurs. Le summum de l'opposition aux avancées du monde moderne est pour Eric une manifestation d'un syndicat d'éleveurs pendant un concours à la Baule. Il n'est pas près d'oublier la banderole « Le T.E.= la mort de l'élevage ». Combien de ces manifestants aujourd'hui...?
Les années 90.
Finies les années 80, nous voilà en 90 et à Nouzilly c'est la naissance du premier poulain par fécondation In-vitro, méthode difficile et très coûteuse. Deux poulains sont nés de cette technique qui ne sera pas répétée dans le monde. C'est alors l'arrivée d'une nouvelle technique l'ICSI, dite
« par injection de spermatozoïdes ». Naissance des premiers poulains en 1996 et en 2000, Eric Palmer créé une nouvelle unité de recherche à l'INRA.
Indépendamment des recherches, lui est confié avec Emmanuelle Bour une mission d'études sur la réforme des Haras Nationaux. Il était alors question de créer un EPIC (Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial). Le paysage politique français en mouvement annonce un changement de projet et les HS doivent à présent tourner leur avenir vers un statut d'EPA, (Etablissement Public à caractère Administratif). Eric ne se reconnaît pas dans ce projet et malgré les propositions que lui font les HN, il sollicite son retour à l'INRA. Dolly, le mouton cloné fait la une de toute la presse, c'est tout naturellement qu'il propose le début d'un programme de recherche sur le clonage équin. Le refus des HN et de l'INRA ne le décourage pas. Il se tourne une nouvelle fois vers le secteur privé. C'est la rencontre avec « Génopole » pépinière d'entreprise et le soutien de Pierre Tambourin.
Les années 2000.
Le siècle nouveau le trouve riche de nouvelles idées. 2001, il créé la société Cryozootech et c'est le début de la collecte de cellule des meilleurs chevaux du moment. Collecte par biopsie de la peau, grosse comme un ongle, puis il en assure la culture et la congélation à l'azote. Après décongélation, l'ovocyte donne la vie à un embryon et c'est la technique du transfert d'embryon qui prend le relais.
Méthodes qu'il maîtrise parfaitement. Premier champion à rejoindre la banque de cellules : Quick Star (SF), suivi de Quidam de Revel (SF) et toujours pas de poulain de né. Il sait qu'il a besoin d'aide et dans ce monde très fermé où tout le monde se connaît et partage ses travaux, il est amené à collaborer avec des laboratoires à l'étranger. Il trouve ses meilleurs soutiens en Italie et aux Etat -Unis. L'université du Texas s'ouvre largement à ses travaux de chercheur.
La première naissance est le fruit des travaux d'un collègue italien. La seconde naissance est américaine, au Texas, issue du double champion de monde d'endurance le pur-sang arabe, Pieraz. Naissance internationale s'il en est. Cloné en Italie, il est inscrit à titre initial dans un stud book belge (Z). Approuvé comme étalon au stud book des AES, il est en droit de faire la monte en Europe et peut produire en France des chevaux O.C. et des chevaux Arabes (+ 50% de sang arabe).
Né en 2005, ce petit étalon, Pieraz-Cryozootech-Stallion, a donné suite à une jument qui elle-même vient d'avoir un poulain en 2012. 2006 c'est la naissance de E.T.-Cryozootech-Stallion.
La preuve est ainsi faite, par cette deuxième génération après clonage, que les recherches d'Eric Palmer sont un succès et que de nouveaux horizons s'ouvrent à tous les propriétaires de chevaux castrés ou de juments non fertiles. 2005 c'est la naissance de Paris-Texas, alias Quidam de Revel.
Aujourd'hui une vingtaine de chevaux sont inscrits sur les sud books Z et AES. Le premier inscrit sur les listes KWPN est un clone de Jazz, le fameux champion de dressage, 1er au classement des étalons de sport (WBFSH) et très populaire aux Pays Bas.
La technique du clonage comme tous les procédés novateurs (IA , TE, ...) qui ont cadencé la vie d'Eric Palmer, reste une technique employée très occasionnellement. Le rendement est très faible, il faut une centaine de tentatives pour avoir un poulain viable. Le coût final d'une naissance restera toujours dissuasif et ne sera employé que dans des cas bien particulier où par exemple, l'on pourrait regretter d'avoir castré un poulain quelles qu'en soient les raisons.
Pour l'anecdote, pendant le salon du Cheval 2004, une délégation de la confédération paysanne (sans son emblématique leader qu'est M. José Bovet) est venue à Génopole – Evry pour voir les « clones ». Une preuve supplémentaire de la méconnaissance du dossier.
Tout récemment, c'est la jument Ratina Z, championne d'Europe, du Monde et olympique sous la selle de Ludger Beerbaum, qui a ouvert la voie des juments clonées. Suivant ces travaux, le Haras de Hus s'est lancé dans l'aventure après la terrible mésaventure arrivée à Poétine, toute nouvelle championne d'Allemagne des jeunes chevaux de dressage. Récemment acquise elle est atteinte de fourbures et doit être euthanasiée. Ses propriétaires donnent 24h à Eric Palmer pour faire ses biopsies à Nantes. Deux clones naissent de cette tragédie et le Haras de Hus commence à produire des poulains en transfert d'embryon. L'un des poulains a trouvé acquéreur lors d'une vente aux enchères en Allemagne. Le second est vainqueur du championnat de France de dressage 2012 des chevaux de 2 ans, à Saumur. L'optimisme est de retour.
Le 12 juin 2012, la Fédération équestre internationale ouvre les portes des compétions FEI aux chevaux clonés et issus de clonés. Cette reconnaissance internationale sanctuarise les travaux de tous ces chercheurs passionnés qui n'ont pour but que de voir des poulains qui grandissent en toute tranquillité sous le regard rêveur de leurs éleveurs.
Aujourd'hui, les éleveurs sont en attente « de voir ». Les premiers clonés et descendants de clonés ont démontré la viabilité du projet et la pertinence scientifique des travaux. Les produits sont beaux et bons. Les voir gambader dans leur pâture réussira a convaincre tous les sceptiques.
Avant de quitter mon hôte, je me suis hasardé à lui demander quels étaient ses futurs projets. Un homme de passion qui a donné sa vie à la recherche et à l'amélioration de la reproduction des chevaux ne peut pas rester sans projet. J'ai vu son œil s'illuminer, conscient qu'il avait trouvé en moi un passionné attentif, il avoue avoir un ou deux projets qui lui tiennent à cœur. Et puis il se ravise, son premier projet, c'est d'aller chercher sa fille qui monte au CEZ à Rambouillet. Il est ravi et semble comblé. Elle s'entraîne pour des petits CSO, avec un fils de mère porteuse Quater horse. Sans surprise, la passion est assumée ..... Je quitte Sonchamp dans la nuit, conscient d'avoir rencontré un de ces hommes d'exception qui sèment l'espoir autour d'eux.
Merci monsieur Palmer, de la part de tous ceux qui rêvent de chevaux toujours en pleine forme. Vos innovations pour l'élevage des chevaux n'ont pas fini de nous étonner.
Jacky Allavena
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