Etalonnage public : François Roche-Bruyn s’explique
(en ligne le 28 mai 2008) Achat de Conterno Grande, politique de l’établissement public en matière d’étalonnage, concertation avec les associations de race ont été les thèmes balayés lors d’une interview exclusive que nous a accordée François Roche-Bruyn, directeur
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général des Haras nationaux, après la présentation du bilan 2007 à Pompadour. Franchise et clairvoyance au menu.
Etienne Robert : Avec un secteur privé, bien organisé comme il l’est maintenant, l’Etat a-t-il encore sa place en matière d’étalonnage ?
François Roche-Bruyn :Beaucoup d’éleveurs souhaitent, à travers leurs associations régionales en particulier, la présence des Haras nationaux car, disent-ils, nous avons un effet régulateur sur les prix. C’est un élément du paysage qu’il ne faut pas négliger.
Ce qui me paraît important de préciser, c’est qu’en matière d’achat d’étalons, lorsqu’on est dans le segment concurrentiel, l’argent public n’intervient pas. Nous ne touchons pas à la subvention lorsque nous sommes sur le secteur concurrentiel. Ce sont nos recettes propres, parce que nous équilibrons notre activité d’étalonnage au plan concurrentiel, qui nous permettent d’investir dans l’achat d’étalons. La raison d’être de l’établissement public, c’est le partenariat avec les opérateurs de la filière.
Comme dans le secteur des courses, nous devons mettre en place un mécanisme de concertation avec les associations de race - je pense à l’ANSF et à l’Anaa - pour qu’il y ait une vraie discussion sur la stratégie que doivent poursuivre les Haras nationaux dans ce segment-là. Ce que nous avons mis en place en matière de courses avec le Syndicat des éleveurs de Pur-sang et d’AQPS doit pouvoir se faire en matière de sport.
E. R. : Ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui…
F. R.-B. : C’est vrai. Je le regrette. Certaines circonstances historiques ne l’ont pas permis. Mais nous y arriverons. Dans le monde des courses, nous avons de véritables commissions d’achat avec les partenaires de ces organismes qui travaillent régulièrement tant sur l’achat que sur la noria des étalons. Et cela fonctionne bien. A tel point qu’avec la Société du Cheval Français, nous avons passé une convention pour l’achat d’étalons trotteurs. Elle considère en effet que nous avons une mission très particulière à exercer pour assurer une bonne couverture territoriale et servir en valeur génétique des éleveurs qui sont loin du berceau de race. Voici une illustration claire de notre vocation.
A nous de définir, dans un dialogue bien construit avec l’ANSF et l’Anaa, ce que les éleveurs attendent de nous en matière d’étalons de sport. J’y vois plusieurs raisons possibles :
1. L’élément régulateur que je viens d’évoquer. C’est très nettement cela qui est attendu par les AQPS.
2. Mettre le paquet sur le testage des jeunes étalons, sans que nous en soyons systématiquement propriétaire. Le testage consiste à accélérer la vitesse avec laquelle le progrès génétique arrive dans les élevages. Il vaut mieux utiliser tôt les jeunes. C’est ce que font entre autres les Allemands. On a intérêt collectivement à mettre le paquet sur les jeunes étalons plutôt que d’aller aux chevaux confirmés.
E. R. : La prise de risques incombe toujours à l’éleveur…
F. R.-B. : Il y a un risque, c’est vrai. Partagé avec l’étalonnier par sa politique de prix. Il y a aussi une sorte de pari. Nous devrons nous doter d’outils techniques qui permettent de rendre le moins aléatoires possible les résultats de ce testage. Nous avons-là un vrai rôle à jouer. Rôle que joue le secteur coopératif dans la filière bovine par exemple. Je pense qu’il y a là une raison d’être de l’établissement public comme en Irlande ou en Angleterre.
E. R. : Dans quel contexte évolue cette mise en place d’une commission d’achat ?
F. R.-B. : J’ai donné rendez-vous à Yvon Chauvin et à Jean-Marie Bernachot pour qu’on puisse travailler sur ces modalités, pour que l’on puisse, à partir des remous provoqués par l’achat de Conterno Grande, travailler collectivement à la bonne méthode et faire en sorte que les Haras nationaux soient bien au service de la filière et des éleveurs. Faute de quoi les Haras nationaux n’auraient pas de raison d’être.
E. R. : Conterno Grande, c’est un achat de trop ?
F. R.-B. : Non. Il y a eu d’une part une vraie désinformation sur les conditions dans lesquelles l’achat a été réalisé, et d’autre part des propos pour le moins maladroits tenus par certains de mes collaborateurs - que je n’ai pas couvert - en ce qui concerne les relations avec l’ANSF. Là-dessus, je suis tout à fait clair et je l’ai dit à Yvon Chauvin. Je considère que nous devons travailler avec l’ANSF sur ces questions d’achat d’étalons.
S’agissant de Conterno Grande, il n’y a pas eu de négociations parallèles menées par le Dr Michel Guiot et par le Dr Frédéric Neyrat sur cet achat. Affirmer le contraire, c’est mentir. D’ailleurs je suis en train d’étudier les suites judiciaires à donner à cela. Premier point.
Deuxième point : notre vocation n’est pas d’acheter des étalons étrangers, mais des chevaux de races françaises. Nous ne pouvons pas ignorer l’intérêt que représentent les reproducteurs de races étrangères. Nous n’avions pas acheté d’étalons étrangers depuis 2001.
Troisième point : le prix d’achat. Il a été durement négocié. Il a fallu plusieurs semaines de discussions avec le précédent propriétaire.
Quatrième point : nous avons très nettement répondu à une demande des éleveurs de l’Est de la France, notamment ceux de Champagne-Ardenne. Très clairement, nous avons eu avec les éleveurs de Champagne-Ardenne et notamment leur président, des discussions sur la rotation des étalons. Il y avait une demande très forte pour de nouveaux étalons de très bonne qualité. Ils nous ont signalé, au retour de leur voyage en Allemagne, que cet étalon était à vendre et qu’ils étaient intéressés par cet achat.
Nous n’avons pas négocié l’achat avec eux. Chacun son rôle. Une commission d’achat est là pour orienter un choix, pas pour participer à une négociation.
E. R. : Le lieu de stationnement apparaît comme une provocation tout de même ?
F. R.-B. : Pas du tout. La demande provenant des éleveurs de Champagne-Ardenne, je n’allais pas mettre l’étalon dans le sud-ouest. Ce qui intéresse les éleveurs, c’est d’avoir du sperme frais.
E. R. : Vraie fausse affaire selon vous ?
F. R.-B. : C’est une affaire montée en épingle mais révélatrice du fait qu’il faut vite restaurer ce travail de concertation et de discussion avec les éleveurs. J’ai pris l’article d’Yvon Chauvin, publié dans votre journal, comme un appel à cette concertation. Nous travaillons beaucoup avec l’ANSF sur un certain nombre de dossiers, il n’y a pas de raisons pour que l’on ne s’entende pas sur celui de l’étalonnage en prenant garde d’éviter les conflits d’intérêt.
E. R. : Votre réaction au sujet de la prise de position de l’Asep et de la Fadeteq ?
F. R.-B. : Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Propos recueillis par Etienne Robert
Etienne Robert : Avec un secteur privé, bien organisé comme il l’est maintenant, l’Etat a-t-il encore sa place en matière d’étalonnage ?
François Roche-Bruyn :Beaucoup d’éleveurs souhaitent, à travers leurs associations régionales en particulier, la présence des Haras nationaux car, disent-ils, nous avons un effet régulateur sur les prix. C’est un élément du paysage qu’il ne faut pas négliger.
Ce qui me paraît important de préciser, c’est qu’en matière d’achat d’étalons, lorsqu’on est dans le segment concurrentiel, l’argent public n’intervient pas. Nous ne touchons pas à la subvention lorsque nous sommes sur le secteur concurrentiel. Ce sont nos recettes propres, parce que nous équilibrons notre activité d’étalonnage au plan concurrentiel, qui nous permettent d’investir dans l’achat d’étalons. La raison d’être de l’établissement public, c’est le partenariat avec les opérateurs de la filière.
Comme dans le secteur des courses, nous devons mettre en place un mécanisme de concertation avec les associations de race - je pense à l’ANSF et à l’Anaa - pour qu’il y ait une vraie discussion sur la stratégie que doivent poursuivre les Haras nationaux dans ce segment-là. Ce que nous avons mis en place en matière de courses avec le Syndicat des éleveurs de Pur-sang et d’AQPS doit pouvoir se faire en matière de sport.
E. R. : Ce n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui…
F. R.-B. : C’est vrai. Je le regrette. Certaines circonstances historiques ne l’ont pas permis. Mais nous y arriverons. Dans le monde des courses, nous avons de véritables commissions d’achat avec les partenaires de ces organismes qui travaillent régulièrement tant sur l’achat que sur la noria des étalons. Et cela fonctionne bien. A tel point qu’avec la Société du Cheval Français, nous avons passé une convention pour l’achat d’étalons trotteurs. Elle considère en effet que nous avons une mission très particulière à exercer pour assurer une bonne couverture territoriale et servir en valeur génétique des éleveurs qui sont loin du berceau de race. Voici une illustration claire de notre vocation.
A nous de définir, dans un dialogue bien construit avec l’ANSF et l’Anaa, ce que les éleveurs attendent de nous en matière d’étalons de sport. J’y vois plusieurs raisons possibles :
1. L’élément régulateur que je viens d’évoquer. C’est très nettement cela qui est attendu par les AQPS.
2. Mettre le paquet sur le testage des jeunes étalons, sans que nous en soyons systématiquement propriétaire. Le testage consiste à accélérer la vitesse avec laquelle le progrès génétique arrive dans les élevages. Il vaut mieux utiliser tôt les jeunes. C’est ce que font entre autres les Allemands. On a intérêt collectivement à mettre le paquet sur les jeunes étalons plutôt que d’aller aux chevaux confirmés.
E. R. : La prise de risques incombe toujours à l’éleveur…
F. R.-B. : Il y a un risque, c’est vrai. Partagé avec l’étalonnier par sa politique de prix. Il y a aussi une sorte de pari. Nous devrons nous doter d’outils techniques qui permettent de rendre le moins aléatoires possible les résultats de ce testage. Nous avons-là un vrai rôle à jouer. Rôle que joue le secteur coopératif dans la filière bovine par exemple. Je pense qu’il y a là une raison d’être de l’établissement public comme en Irlande ou en Angleterre.
E. R. : Dans quel contexte évolue cette mise en place d’une commission d’achat ?
F. R.-B. : J’ai donné rendez-vous à Yvon Chauvin et à Jean-Marie Bernachot pour qu’on puisse travailler sur ces modalités, pour que l’on puisse, à partir des remous provoqués par l’achat de Conterno Grande, travailler collectivement à la bonne méthode et faire en sorte que les Haras nationaux soient bien au service de la filière et des éleveurs. Faute de quoi les Haras nationaux n’auraient pas de raison d’être.
E. R. : Conterno Grande, c’est un achat de trop ?
F. R.-B. : Non. Il y a eu d’une part une vraie désinformation sur les conditions dans lesquelles l’achat a été réalisé, et d’autre part des propos pour le moins maladroits tenus par certains de mes collaborateurs - que je n’ai pas couvert - en ce qui concerne les relations avec l’ANSF. Là-dessus, je suis tout à fait clair et je l’ai dit à Yvon Chauvin. Je considère que nous devons travailler avec l’ANSF sur ces questions d’achat d’étalons.
S’agissant de Conterno Grande, il n’y a pas eu de négociations parallèles menées par le Dr Michel Guiot et par le Dr Frédéric Neyrat sur cet achat. Affirmer le contraire, c’est mentir. D’ailleurs je suis en train d’étudier les suites judiciaires à donner à cela. Premier point.
Deuxième point : notre vocation n’est pas d’acheter des étalons étrangers, mais des chevaux de races françaises. Nous ne pouvons pas ignorer l’intérêt que représentent les reproducteurs de races étrangères. Nous n’avions pas acheté d’étalons étrangers depuis 2001.
Troisième point : le prix d’achat. Il a été durement négocié. Il a fallu plusieurs semaines de discussions avec le précédent propriétaire.
Quatrième point : nous avons très nettement répondu à une demande des éleveurs de l’Est de la France, notamment ceux de Champagne-Ardenne. Très clairement, nous avons eu avec les éleveurs de Champagne-Ardenne et notamment leur président, des discussions sur la rotation des étalons. Il y avait une demande très forte pour de nouveaux étalons de très bonne qualité. Ils nous ont signalé, au retour de leur voyage en Allemagne, que cet étalon était à vendre et qu’ils étaient intéressés par cet achat.
Nous n’avons pas négocié l’achat avec eux. Chacun son rôle. Une commission d’achat est là pour orienter un choix, pas pour participer à une négociation.
E. R. : Le lieu de stationnement apparaît comme une provocation tout de même ?
F. R.-B. : Pas du tout. La demande provenant des éleveurs de Champagne-Ardenne, je n’allais pas mettre l’étalon dans le sud-ouest. Ce qui intéresse les éleveurs, c’est d’avoir du sperme frais.
E. R. : Vraie fausse affaire selon vous ?
F. R.-B. : C’est une affaire montée en épingle mais révélatrice du fait qu’il faut vite restaurer ce travail de concertation et de discussion avec les éleveurs. J’ai pris l’article d’Yvon Chauvin, publié dans votre journal, comme un appel à cette concertation. Nous travaillons beaucoup avec l’ANSF sur un certain nombre de dossiers, il n’y a pas de raisons pour que l’on ne s’entende pas sur celui de l’étalonnage en prenant garde d’éviter les conflits d’intérêt.
E. R. : Votre réaction au sujet de la prise de position de l’Asep et de la Fadeteq ?
F. R.-B. : Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Propos recueillis par Etienne Robert
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