Femmes de cheval : Charlotte et Marion, les énergiques patronnes du Haras de Cordemais



Leur activité a pour décor l’ancien centre technique des Haras nationaux qu’elles ont considérablement fait évoluer depuis 2013, année de leur installation. Parcours de formation atypique pour l’une comme pour l’autre : après le bac, un BTS agricole, une prépa et l’école vétérinaire de Nantes. Deux « rurales » proches des animaux et des chevaux en particulier.

Après une thèse sur les vaches et la repro, Charlotte entre « dans le dur », sans passer par une spécialisation. « J’ai commencé comme ça, en clientèle mixte, rurale et équine et c’est comme cela que je me suis intéressée à la reproduction équine ».

Originaire de région parisienne mais avec de fortes connivences avec la grand ouest, Charlotte s’installe près de Nantes et fidélise une clientèle exclusivement équine. « Je suis partie de zéro, j’ai créé ma clientèle » dit-elle avec fierté.

Marion qu’elle avait comme salariée dans son cabinet devient alors son associée. Leur objectif, monter un centre de reproduction équine et y accoler un cabinet vétérinaire. Charlotte s’y était préparée professionnellement en obtenant son diplôme de chef de centre. C’était en 2011. A ce moment-là , les Haras nationaux lancent un appel d’offre pour la reprise du centre technique de Cordemais. Les deux vétos postulent et le 1er janvier 2013 prennent possession des lieux. Le Cordemais nouveau est en route avec sa clinique équine. « On a deux structures en une » commentent-t-elles. « En fait on a monté notre cabinet vétérinaire spécialisé chevaux toutes les deux, en reprenant le haras. Toutes les deux on s’occupe de la reproduction. Charlotte fait toute la reproduction au sein du haras et moi je fais toute la reproduction à domicile, en clientèle », précise Marion.

Originaire de Fontainebleau, Marion a toujours voulu être vétérinaire équin. Bilan aujourd’hui : 150 juments en moyenne à elles deux, réparties à égalité et une quarantaine de poulinages.



Quelle tendance « naissances » constatez-vous sur votre secteur ?

Marion. Quand on a repris, c’était en pleine activité. L’année suivante, la chute a été nette et cela pendant deux ans. Maintenant, je trouve que ça reprend, mais par contre avec plus d’éleveurs amateurs et avec de plus petits cheptels tournés vers la qualité. On a beaucoup plus d’étalons en congelé avec un haut potentiel génétique et une valeur plus haute que ce qu’on pouvait faire avant.

Charlotte. Je pense qu’on a aussi des éleveurs qui nous font confiance maintenant parce qu’il a fallu qu’on montre de quoi on était capables. Notre clientèle apprécie notre côté petite entreprise familiale et service de qualité. Et du coup on se retrouve effectivement avec des éleveurs à plus petits cheptels mais qui sont exigeants sur la qualité, qui vont mettre les moyens et qui vont nous donner leur confiance pour qu’on puisse faire tout ce qu’il faut.

Quelle demande pour les étalons ?

Charlotte. Ils veulent du crack, du Big Star. C’est un peu curieux, ils veulent du frais, alors nous on s’attèle à prendre en frais, avec une bonne qualité de semence pour avoir de la facilité d’utilisation, et en fin de compte, cette année, c’est le congelé haut de gamme qui est demandé. On fait aussi beaucoup de poneys. C’est un secteur d’élevage qui marche bien.

Marion. On a de plus en plus d’étalons qui tournent encore sur circuits et donc avec un faible pool de paillettes. On commence à constater ça.

Votre clientèle d’éleveurs se rajeunit-elle ?

Marion. Elle se renouvelle. Ça dépend des races. Dans les chevaux de Trait, elle vieillit. On a une activité Trait Breton pour la sauvegarde de la race. et par passion. Pour tout le côté poneys et sport je trouve qu’il y a un rajeunissement certain.

Charlotte. On a de nouveaux clients chaque année, mais il ne faut pas perdre les anciens. Ce sont des clients, comme on l’évoquait, à potentiel à une ou deux juments. Ils ne font pas remplir tous les ans. En fait, notre clientèle tourne quand même beaucoup.

Faites-vous aussi des transferts d’embryon ?

Charlotte. Le transfert d’embryons c’est une activité qu’on a développée mais on n’ a pas pu s’équiper, pour l’instant. Les normes sanitaires et administratives sont trop exigeantes, surtout dans le 44, et du coup on travaille avec Equitechnic. Ils viennent récolter les juments, le client paie sa prestation en direct à Equitechnic et nous on offre le service, on fait le suivi des juments, des donneuses et des porteuses mais la récolte est effectuée par Equitechnic. C’est notre prochain investissement.

Quel est votre quotidien aujourd’hui ?

Marion. En pleine saison démarrage à 6h-6h30 avec les premières échographies. Départ du haras vers 9h30-10 h pour aller en clientèle, et là c’est de la clientèle repro et véto, du tout venant, vaccins, etc. pour un retour au haras entre 18 et 19 h. Si je ne suis pas de garde on s’arrête-là et sinon celle de garde reprend avec les échos et la nuit, les poulinages, jusqu’au lendemain matin.

Charlotte. Moi du coup je reste beaucoup sur le haras, et je fais que de la gynéco intensive, de 7 h à 19, 20, 21 h le soir, avec toute la partie des prélèvements des étalons, puisqu’on a quelques étalons en frais. Du coup on prélève les étalons, on prépare de la semence, on l’envoie et on s’occupe du suivi des juments. Sachant que nous, on fait du suivi serré, de qualité. Pour la congélation, on travaille beaucoup avec Eurogen, Equitechnique et Elodie Chollet. On a fait un partenariat avec Elodie. On travaille de la même façon, on voit les choses de la même façon, on essaie d’augmenter notre potentiel client en s’associant. On cherche à augmenter nos services clients en offrant un plus grand pool d’étalons avec des avantages tarifaires quand ils travaillent avec les deux centres.

Vous avez d’autres vétos qui travaillent avec vous ?

Charlotte. Nous avons une salariée et on travaille en équipe avec l’école vétérinaire. Les internes viennent faire leurs sessions de reproduction chez nous. Dans la saison on a tout le temps un interne avec nous, parce que ça tourne. Sur site nous avons 30 chevaux en boxes. En permanence, il y a les étalons, les chevaux en soins, les juments à pouliner, les juments à la reproduction. Et en tout, on a entre 50 et 70 chevaux à gérer en permanence pendant toute la saison.

L’ancien site des HN a beaucoup changé ?

Marion. On a récupéré l’ancien site des anciens Haras Nationaux qu’on a modernisé pour faire en sorte d’accueillir en même temps de la clientèle en gynéco et de la clientèle vétérinaire. On a construit une salle de consultation dédiée aux patients qui viennent en hospitalisation ou en consultation, on a monté un box de réveil, un box avec un IPN pour gérer tous les chevaux avec des troubles neuro qu’on doit garder suspendus, on a aussi un box avec un arbre de perfusion pour toutes les hospitalisations en soins intensifs. On a 7 boxes sous caméras, ce qui nous permet une surveillance 24h/24. Il y a toujours un vétérinaire présent physiquement sur site. On a développé tous les services autour du cheval et pour le cheval : laser thérapeutique, très pratique dans tout ce qui est processus de cicatrisation des plaies, mais c’est aussi vraiment très bien sur les chevaux de sport en récupération, et sur tout ce qui est dorsalgie, on fait de l’ophtalmo, de la dentisterie, on est équipés radio-écho bien sûr, on fait tout ce qui est chirurgie de convenance débout, et maintenant même un petit peu couché avec le box de couchage et de réveil, on a accru en fait la qualité des services qu’on pouvait proposer précédemment.

Charlotte. On a transformé l’ancien site qui ne faisait que de la repro, en site mixte, repro et véto.

Pour les grosses interventions, on travaille avec l’école vétérinaire de Nantes la plupart du temps. On a des chirurgiens de qualité.

Et la vie personnelle ?

Charlotte. En fait là sur la journée type on s’arrange. On travaille beaucoup toutes les deux en fusion, on voit les choses de la même façon, quand on ne bosse pas on s’arrête, l’autre a toute la charge du boulot, mais celle qui n’est pas de garde elle se repose et elle vit avec sa famille. On a la chance d’avoir une vie privée puisqu’on alterne un jour sur deux, sur trois. Notre salariée nous décharge aussi. Là en pleine saison c’est très intensif, mais là quand on ne travaille pas on s’occupe de nos familles et on va à la plage et à La Baule.

Si c’était à refaire, vous le referiez ?

Charlotte. Alors oui, exactement pareil. On a eu des bâtons dans les roues et d’autres choses, mais sans hésiter on le referait. (Marion acquiesce) On a développé le cabinet vétérinaire, on hospitalise, là on a 30 chevaux aux boxes, on a les écuries pleines à craquer. On a besoin de développer cette partie-là parce que juste la reproduction ça ne suffit pas. C’est la partie vétérinaire qui nous fait vivre. Il faut qu’on ait un cabinet vétérinaire digne de ce nom, qu’on soit reconnues pour ça, que les gens nous emmènent des cas qu’on hospitalise. Juste faire de la reproduction c’est trop chronophage et pas assez rentable.

E. R.

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