Frédérique Fabre-Delbos, une certaine idée du haut niveau
Femme de cheval, Frédérique Fabre-Delbos. Rien ne la prédestinait à ce métier de cavalière professionnelle. Fille et petite fille d’armateurs, c’est vers la mer qu’elle aurait dû aller. Le virus du cheval est passé par là , très tôt, pour
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ne plus la quitter.
Contôleur de gestion en région parisienne après ses études, elle bifurque définitivement à ?25 ans dans les métiers du cheval. ?« J’étais trop malheureuse au bureau. Mon truc c’est le cheval. J’ai tout appris sur le tas, au contact des Delaveau entre autres qui étaient mes voisins. Oui, je suis une femme de cheval. »
A cette époque, elle reprend, contre la volonté paternelle, la propriété familiale de Saint-Denis-d’Augerons dans l’Eure et y installe sa nouvelle activité. « J’ai ramé, dit-elle, mais j’ai acquis une bonne connaissance des chevaux. »
Passionnée par la compétition, elle se frotte à la jeune élite de l’époque, notamment dans le championnat de France 1re cat en 1980 où elle est la seule femme engagée. Gilles Bertran de Balanda/Galoubet, Frédéric Cottier/Flambeau, Marcel Rozier/Eros de Çavron, Patrick Caron/Eole sont de la partie. Elle termine le championnat à la 11e place, pas peu fière d’être juste derrière Marcel Rozier, vainqueur de la Chasse. Folles Amours était son cheval à ce moment-là .
Nonobstant, elle le constate aujourd’hui : « J’ai perdu quinze ans pour le haut niveau. » Ce qui ne l’empêche pas d’amener New-York, ce bon fils entier de Quidam de Revel, à la 4e place des Sires of the world au dernier championnat du monde à Lanaken. Aux côtés de New-York dont la mère est la propre sœur de Grandeur, il y a Loulou de la Vallée (Palestro - Quartz du Valon), titulaire du record des gains à 6 ans, et quelques prometteurs chevaux de 8 ans. Quatre poulinières sont à l’élevage et assurent à ses deux étalons une descendance de choix.
Sa vision du haut niveau sportif, elle nous l’explique, sans avis péremptoires mais avec lucidité et questionnement.
« Notre sport a ceci de particulier, c’est qu’il faut deux athlètes : le cheval et le cavalier. Il faut, à mon avis, une vingtaine d’années environ pour former un cavalier olympiable et au moins quinze ans d’expérience en concours après une formation par des moniteurs experts, pas des moniteurs de loisirs, qui vont l’amener vers une approche du cheval et une équitation de haut niveau. Pour faire un cheval olympiable, une dizaine d’années dont cinq de formation à haut niveau, de 7 à 12 ans, sont en général nécessaire, sauf cas exceptionnel, avec son cavalier de haut niveau. Avant d’en arriver là , il a dû être formé par un cavalier de jeunes chevaux, un cavalier expert. Ce cheval a été ‘‘fabriqué’’ par des éleveurs experts qui font des croisements intelligents sur des poulinières sélectionnées.
La Fédération française d’équitation donne-t-elle assez de reconnaissance au travail fourni ? Cavaliers et propriétaires sont parfois tentés de chercher leur reconnaissance à leur façon. On arrive vite à des situations de déception.
Pour parler du problème qui nous choque en ce moment, à savoir la perte de nos bons chevaux, nous n’avons quasiment plus de propriétaires qui veulent garder des chevaux pour le haut niveau. Pourquoi ? Le manque ?d’argent ? Faux. Regardez ce qui se passe autour des bateaux à Saint-Trop’ ou dans les courses. Il y a de l’argent.
La source du malaise, me semble-t-il, vient de l’attitude des cavaliers vis à vis des propriétaires. Par manque de temps à consacrer au relationnel ? Peut-être. C’est tellement difficile d’avoir un bon cheval et de le garder qu’ils ne pensent pas que le propriétaire a lui aussi fait des efforts. Il y a plein de petits détails qui font que la mésentente s’installe et en fin de compte, le propriétaire, pour avoir sa satisfaction, vend le cheval. Ça, c’est un vrai problème.
On pourrait imaginer, dans les instances fédérales, que s’instaurent de nouvelles relations dédiées à la bonne marche des équipes du haut niveau pour informer les propriétaires sur les résultats du cheval, ses déplacements et leur faciliter l’accès au concours. Ce serait ‘‘pro’’. Imaginez une fédération sportive automobile qui serait dirigée par des moniteurs d’auto-école qui dicteraient comment fabriquer une Formule 1, comment la régler, comment la piloter. Impensable ? Eh bien c’est presque ce qui se passe chez nous. La FFE devrait faire marcher le sport, non, c’est notre vitrine ? »
Management
« Je ne suis pas compétente pour donner de ‘‘leçon’’ mais je crois qu’il faudrait un technicien. C’est très compliqué ça. Ce n’est pas le tout de trouver des gens qui montent à cheval et des couples qui vont bien. L’expérience nous montre que ça ne dure pas. C’est le long terme qui compte. Jean-François Charry avait réussi cela à son époque. L’écurie France, c’était génial. On bloquait le cheval, on donnait des garanties au propriétaire et on sauvait le pays du marasme.
Avec Ionesco de Brekka, il y a eu une tentative au dernier moment mais sans succès. La vente du cheval s’est faite en bonne intelligence, il n’y a rien à dire. En Allemagne, le cheval aurait sans doute été bloqué à échéance olympique ou championnat du Monde et on aurait mis les moyens pour le garder. Cela dit, je ne pense pas que ce soit simple, et c’est sans doute plus une question de culture que de méthode.
Maintenant, ce sont les JO de 2016 que nous devons préparer. Pékin, c’est fini. Pour 2012, le réservoir ne sera peut-être pas vraiment reconstitué. C’est maintenant qu’il faut construire 2016 pour faire les vrais médailles. »
Patrick Caron
« Patrick Caron avait fait un excellent travail à son époque. Il voyait tout, vérifiait tout, s’occupait de tout. Il y avait une véritable construction du haut niveau. C’est peut-être dans ce sens-là qu’il faudrait aller. Privilégier la construction plutôt que l’exploit sportif, le coup d’éclat qui font notre charme, il faut bien le reconnaître et qui permettent de vivre de belles histoires... C’est compliqué le cheval. Les cracks chevaux, c’est parfois des hasards. Le système est très différent en Allemagne où le crack est détecté crack et il est gardé. S’il y a de grosses offres, ils essayent de le garder quand même. »
Conservation des chevaux
« A mon avis, c’est par génération qu’il faut repérer les chevaux, à partir de 6 ou 7 ans, et commencer à les bloquer. Un super 7 ans, on le bloque pour telle échéance. On donne une aide à son propriétaire et on le met sous contrat. Si le cheval déçoit ou qu’il évolue mal, on y met un terme. Ça permet aux gens de tenter le coup. Tout cela devrait se faire naturellement en concertation avec le sélectionneur, la fédé, le propriétaire et le cavalier. Les propriétaires aiment que le sélectionneur leur parle de leur cheval. C’est une question de confiance réciproque. »
Jubilée d’Ouilly
« On n’a pas à juger. Dans l’absolu, pour l’histoire du couple, c’est triste. On ne connaît pas les tenants ni les aboutissants de l’affaire. La cause du départ, ce sont certainement des maladresses qui auraient été évitées si on avait eu un système mieux structuré. Le drame, c’est qu’il risque d’y avoir d’autres histoires comme celle-là , pour les mêmes raisons. Raisons qui ne sont ni des raisons de résultats ni des raisons de compétences. »
Propos recueillis par Etienne Robert
Contôleur de gestion en région parisienne après ses études, elle bifurque définitivement à ?25 ans dans les métiers du cheval. ?« J’étais trop malheureuse au bureau. Mon truc c’est le cheval. J’ai tout appris sur le tas, au contact des Delaveau entre autres qui étaient mes voisins. Oui, je suis une femme de cheval. »
A cette époque, elle reprend, contre la volonté paternelle, la propriété familiale de Saint-Denis-d’Augerons dans l’Eure et y installe sa nouvelle activité. « J’ai ramé, dit-elle, mais j’ai acquis une bonne connaissance des chevaux. »
Passionnée par la compétition, elle se frotte à la jeune élite de l’époque, notamment dans le championnat de France 1re cat en 1980 où elle est la seule femme engagée. Gilles Bertran de Balanda/Galoubet, Frédéric Cottier/Flambeau, Marcel Rozier/Eros de Çavron, Patrick Caron/Eole sont de la partie. Elle termine le championnat à la 11e place, pas peu fière d’être juste derrière Marcel Rozier, vainqueur de la Chasse. Folles Amours était son cheval à ce moment-là .
Nonobstant, elle le constate aujourd’hui : « J’ai perdu quinze ans pour le haut niveau. » Ce qui ne l’empêche pas d’amener New-York, ce bon fils entier de Quidam de Revel, à la 4e place des Sires of the world au dernier championnat du monde à Lanaken. Aux côtés de New-York dont la mère est la propre sœur de Grandeur, il y a Loulou de la Vallée (Palestro - Quartz du Valon), titulaire du record des gains à 6 ans, et quelques prometteurs chevaux de 8 ans. Quatre poulinières sont à l’élevage et assurent à ses deux étalons une descendance de choix.
Sa vision du haut niveau sportif, elle nous l’explique, sans avis péremptoires mais avec lucidité et questionnement.
« Notre sport a ceci de particulier, c’est qu’il faut deux athlètes : le cheval et le cavalier. Il faut, à mon avis, une vingtaine d’années environ pour former un cavalier olympiable et au moins quinze ans d’expérience en concours après une formation par des moniteurs experts, pas des moniteurs de loisirs, qui vont l’amener vers une approche du cheval et une équitation de haut niveau. Pour faire un cheval olympiable, une dizaine d’années dont cinq de formation à haut niveau, de 7 à 12 ans, sont en général nécessaire, sauf cas exceptionnel, avec son cavalier de haut niveau. Avant d’en arriver là , il a dû être formé par un cavalier de jeunes chevaux, un cavalier expert. Ce cheval a été ‘‘fabriqué’’ par des éleveurs experts qui font des croisements intelligents sur des poulinières sélectionnées.
La Fédération française d’équitation donne-t-elle assez de reconnaissance au travail fourni ? Cavaliers et propriétaires sont parfois tentés de chercher leur reconnaissance à leur façon. On arrive vite à des situations de déception.
Pour parler du problème qui nous choque en ce moment, à savoir la perte de nos bons chevaux, nous n’avons quasiment plus de propriétaires qui veulent garder des chevaux pour le haut niveau. Pourquoi ? Le manque ?d’argent ? Faux. Regardez ce qui se passe autour des bateaux à Saint-Trop’ ou dans les courses. Il y a de l’argent.
La source du malaise, me semble-t-il, vient de l’attitude des cavaliers vis à vis des propriétaires. Par manque de temps à consacrer au relationnel ? Peut-être. C’est tellement difficile d’avoir un bon cheval et de le garder qu’ils ne pensent pas que le propriétaire a lui aussi fait des efforts. Il y a plein de petits détails qui font que la mésentente s’installe et en fin de compte, le propriétaire, pour avoir sa satisfaction, vend le cheval. Ça, c’est un vrai problème.
On pourrait imaginer, dans les instances fédérales, que s’instaurent de nouvelles relations dédiées à la bonne marche des équipes du haut niveau pour informer les propriétaires sur les résultats du cheval, ses déplacements et leur faciliter l’accès au concours. Ce serait ‘‘pro’’. Imaginez une fédération sportive automobile qui serait dirigée par des moniteurs d’auto-école qui dicteraient comment fabriquer une Formule 1, comment la régler, comment la piloter. Impensable ? Eh bien c’est presque ce qui se passe chez nous. La FFE devrait faire marcher le sport, non, c’est notre vitrine ? »
Management
« Je ne suis pas compétente pour donner de ‘‘leçon’’ mais je crois qu’il faudrait un technicien. C’est très compliqué ça. Ce n’est pas le tout de trouver des gens qui montent à cheval et des couples qui vont bien. L’expérience nous montre que ça ne dure pas. C’est le long terme qui compte. Jean-François Charry avait réussi cela à son époque. L’écurie France, c’était génial. On bloquait le cheval, on donnait des garanties au propriétaire et on sauvait le pays du marasme.
Avec Ionesco de Brekka, il y a eu une tentative au dernier moment mais sans succès. La vente du cheval s’est faite en bonne intelligence, il n’y a rien à dire. En Allemagne, le cheval aurait sans doute été bloqué à échéance olympique ou championnat du Monde et on aurait mis les moyens pour le garder. Cela dit, je ne pense pas que ce soit simple, et c’est sans doute plus une question de culture que de méthode.
Maintenant, ce sont les JO de 2016 que nous devons préparer. Pékin, c’est fini. Pour 2012, le réservoir ne sera peut-être pas vraiment reconstitué. C’est maintenant qu’il faut construire 2016 pour faire les vrais médailles. »
Patrick Caron
« Patrick Caron avait fait un excellent travail à son époque. Il voyait tout, vérifiait tout, s’occupait de tout. Il y avait une véritable construction du haut niveau. C’est peut-être dans ce sens-là qu’il faudrait aller. Privilégier la construction plutôt que l’exploit sportif, le coup d’éclat qui font notre charme, il faut bien le reconnaître et qui permettent de vivre de belles histoires... C’est compliqué le cheval. Les cracks chevaux, c’est parfois des hasards. Le système est très différent en Allemagne où le crack est détecté crack et il est gardé. S’il y a de grosses offres, ils essayent de le garder quand même. »
Conservation des chevaux
« A mon avis, c’est par génération qu’il faut repérer les chevaux, à partir de 6 ou 7 ans, et commencer à les bloquer. Un super 7 ans, on le bloque pour telle échéance. On donne une aide à son propriétaire et on le met sous contrat. Si le cheval déçoit ou qu’il évolue mal, on y met un terme. Ça permet aux gens de tenter le coup. Tout cela devrait se faire naturellement en concertation avec le sélectionneur, la fédé, le propriétaire et le cavalier. Les propriétaires aiment que le sélectionneur leur parle de leur cheval. C’est une question de confiance réciproque. »
Jubilée d’Ouilly
« On n’a pas à juger. Dans l’absolu, pour l’histoire du couple, c’est triste. On ne connaît pas les tenants ni les aboutissants de l’affaire. La cause du départ, ce sont certainement des maladresses qui auraient été évitées si on avait eu un système mieux structuré. Le drame, c’est qu’il risque d’y avoir d’autres histoires comme celle-là , pour les mêmes raisons. Raisons qui ne sont ni des raisons de résultats ni des raisons de compétences. »
Propos recueillis par Etienne Robert
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