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Henri Laveine était le doyen des éleveurs lorrains

Décédé mardi à l'âge de 88 ans, Henri Laveine naisseur des chevaux de l'Illon était le doyen des éleveurs lorrains. Présent sur tous les concours élevage et de sport jusqu'au dernier moment, Henri aura marqué durablement l'élevage du Selle Français avec entre autres Hidalgo de l'Illon, sous la selle de Grégory Rulquin et la fabuleuse jument de vitesse Orphée de l'Illon que Simon Delestre amena au plus haut niveau des compétitions.Ses obsèques seront célébrées ce vendredi 19 août à 14 heures à Ville-sur-Illon.A sa famille, nous présentons nos sincères condoléances.Nous reproduisons ci-dessous le reportage que nous lui avions consacré en juillet 2007. Photos 1 sur 4

Henri Laveine, père de l'Illon et doyen des éleveurs vosgiens

Il est au jury des concours d'élevage depuis des lustres. Henri Laveine, l'éleveur de l'Illon dans les Vosges, fut un pionnier. Qui Voila de l'Illon, mâle de 3 ans qu'il a fait naître et qui s'est classé 1er de la sélection de Cluny, est un bel aboutissement

85 ans, Henri Laveine. « C'est ma dernière année de jury. Ma vue baisse et j'ai peur de me tromper, donc j'arrête. » Il était du jury de Lusse le 6 juillet, l'œil en alerte et l'appréciation juste pour qualifier une sortie d'encolure, une ligne du dessus ou la fiabilité des jarrets. Sûreté du jugement, sûreté du coup d'œil. « Avec la grille de jugement, c'est un peu plus facile mais ça ne remplace pas le coup d'oeil. C'est un don. »
Un pionnier, Henri Laveine. Pionnier et mémoire de l'élevage lorrain. Il fut de ceux qui, dans le sillage de feu Roger Gaspard, ont orienté l'élevage vers la modernité et la qualité. « C'était un père pour moi, se souvient-il. J'ai tout appris de lui. Il ne m'a jamais fait de cadeaux mais il ne m'a jamais ''roulé''. Il m'a toujours dit ce qui n'allait pas. »
Agriculteur et sélectionneur dans l'âme, Henri Laveine a passé sa vie à choisir les meilleurs animaux, bovins comme équins, de trait et de selle. Dix-huit ans d'affilée au Salon de l'agriculture, ce n'était pas pour faire de la figuration. Les chevaux ont toujours eu la préférence de l'agriculteur de Ville-sur-Illon qui recèle les bonnes terres argilo-calcaires de la plaine des Vosges. « Je n'ai pas été parmi les premiers à avoir un tracteur. J'ai eu du mal à franchir le cap. »
Henri montait à cheval à la SHR du Madon avec ses copains Michel Rovel, Marc Mariotte et bien d'autres ''coachés'' par M. Barras, le père de Jean-Pierre, qui avait fait une carrière militaire au Maroc. Sur les terrains de concours, il retrouvait les Pargon, Mistelli, Dormagen, Cournault (le père d'Etienne). Des noms associés d'une manière indélébile à l'élevage lorrain. « Ma première jument fut Utile B, achetée à un boucher de Ville-sur-Illon. Dans ce temps-là, on se déplaçait à cheval. J'ai souvent gagné le complet à Vittel puis après, les concours d'élevage. »

Kerrie du Madon, la base de L'Illon

L'élevage des chevaux de selle succéda naturellement à celui des Ardennais. La souche, elle fut apportée par Kerrie du Madon, une pouliche de Charade du Madon et Démosthème issue de l'élevage de Roger Gaspard évidemment. Le problème c'est que la pouliche valait pas mal d'argent, en tous cas plus que ce qu'Henri avait décidé de consacrer à cet achat. Kerrie fut donc vendue à 18 mois à un agriculteur de Brevannes (52) et c'est là, deux ans plus tard, qu'Henri acquit cette jument qu'il convoitait tant et qui était à vendre. Il resta ami avec cette famille dont la fille Coralie allait devenir bien des années plus tard l'épouse de Grégory Rulquin, cavalier du tout bon Hidalgo de l'Illon, arrière petit-fils de Kerrie du Madon par Hidalgo de Riou.
Ses débuts dans l'élevage des chevaux de selle correspondent à la croisade que mena Roger Gaspard à la fin des années 50 pour faire venir dans les Vosges un ''vrai'' étalon de sang. L'obstination de l'éleveur de Pont-sur-Madon finit par aboutir et c'est ainsi que Licteur, un bon Anglo, fut affecté par les HN à la station de Mirecourt. La condition pour qu'il y reste était qu'il fasse au moins vingt juments. « Nous avons fait le forcing mais nous étions loin du compte. Alors on a acheté les vingt cartes et on a mis des noms bidons de vaches et d'ardennaises pour pouvoir garder le cheval. Il venait de Compiègne où il est retourné deux ans après. Ensuite nous avons eu Cabao, qui n'allait pas trop, puis un normand, Namur. C'était difficile d'avoir un bon étalon à cette époque-là, les Normands voulaient garder ce privilège là pour eux. »
Kerrie fut donc mise à l'élevage et, en 1980, sa première pouliche naissait : Orly de l'Illon, fille de Floriss, l'Anglo de Rosières par le Pur-sang Cor de Chasse. Elle passa sa vie de poulinière à Ville-sur-Illon où elle mourut, foudroyée il y a trois ans. Douze produits d'elle sont enregistrés parmi lesquels Quidam (Appen), Rusée (Appen), mère de Dyna (Presto de Paulstra) et d'Hidalgo (Hidalgo de Riou). En 1988 naissait Azalée par Prince du Logis AA. Mise à l'élevage, elle allait vite s'avérer la digne héritière des qualités de sa mère et allait contribuer à la notoriété de l'Illon. Elle a, à ce jour, 16 produits enregistrés et vient d'être saillie par Idéal de la Loge après avoir donné naissance cette année à une magnifique pouliche d'Opium de Talma. Deux de ses filles lui tiennent compagnie à l'élevage :
- Gipsy (Subis) qui a produit Nuit Etoilée (Urbain du Monnai), Quenotte et Snoupy (Arpège Pierreville) puis T... (Caloubet de Rouet). Elle est pleine de Belfort.
- Kerrie de l'Illon (Baïkal), mère d'Opérette (Imprévu de la Cour), Poltron (Bel Espoir), Régente (Caloubet), Soprano (Easy Boy), T... (Par Ixe). Elle est pleine de Padock du Plessis.
Championnes ou rien, telle semble être la devise des poulinières de l'Illon en représentation à Lunéville. En 2002, Orphée (Arpège) est championne des foals, sa mère Azalée 1re de sa section et Kerrie 3e. Coup double en 2003 : Kerrie est championne et son fils Pactol (Damiro) champion de Lorraine. En 2004 Gipsy gagne sa section. Et nouveau coup double en 2005 pour Kerrie et sa fille Régente, championnes. Qui dit mieux ?

Sous la mère

Henri n'a jamais eu la moindre difficulté à vendre ses poulains qui partent généralement au sevrage. La plupart sont réservés avant les saillies qu'il choisit lui-même ou qui lui sont demandées par un acquéreur qui paye la saillie. Henri loue alors sa génétique femelle et élève le poulain. Une formule qu'il utilise avec parcimonie pour pouvoir garder sa liberté sur les poulains.
Azalée est une bonne poulinière avec du cadre, d'un modèle un peu ancien, assez éloigné du type sport qui prévaut maintenant mais dont les qualités génétiques indéniables s'associent avec un certain bonheur aux meilleurs courants de sang véhiculés par les étalons modernes et de préférence testés sur descendance. Mais pas toujours. Opium de Talma, Par Ixe, Padock du Plessis font partie des testages des jeunes étalons. La pouliche d'Opium, grande et pleine de force, est très prometteuse et vient confirmer la justesse de l'intuition du croisement. Car Henri ne choisit pas sur catalogue, il se déplace et va voir les étalons lors des présentations à Rosières ou à Saint-Lô. Rien de tel que le coup d'œil pour se faire une religion.
« L'insémination fut pour nous une chance, constate-t-il. Nous avons eu un accès facile aux meilleurs étalons et nous avons sélectionné la jumenterie. C'est à partir de là que j'ai vu l'évolution des poulains. En dix ans, l'élevage a complètement changé. »
La valorisation, on l'aura compris, n'a jamais fait partie des priorités d'Henri. « Je n'avais pas le temps de m'occuper de cela. Je faisais castrer les mâles pour être tranquille, c'est pour cela que je n'ai jamais eu d'entiers dans les concours. »
Les frères Richard de Chambley qui, depuis l'achat d'Orphée au comice de Dompaire, se réservent les produits de l'Illon, ont changé la donne. Les chevaux sont valorisés, montrés et destinés au sport. C'est le cas, entre autres, de Pactol, propre frère de Qui Voila et Orphée vendus au CESM de Fontainebleau. Fort convoité à Cluny où il a fait sensation lors de la qualificative pour le concours étalons de Saint-Lô, Qui Voila galope vers un grand destin.
Reste aujourd'hui à l'élevage : Azalée, Gipsy (en co-propriété avec Nathalie Alliot), Kerrie, Régate (Arpège) qui va concourir à Rosières pour les 2 ans et vraisemblablement une cinquième choisie dans les pouliches de l'année.
Le grand bonheur d'Henri, c'est aussi la transmission de sa passion et de sa souche à son petit-fils : « Il s'intéresse à l'élevage, je vais lui garder une bonne pouliche ». Veinard, le petit-fils. Une chose est certaine, l'Illon, avec une centaine de chevaux enregistrés sous cet affixe, n'est pas prêt de s'éteindre.

L'étoile de... David

Une vie passée dans le sillage des chevaux, ardennais et selle, ça laisse des traces. Henri Laveine, brasseur de chevaux, est connu bien au-delà de la Lorraine. On lui téléphone pour un renseignement ou pour réserver un poulain : il ne connaît pas forcément ses interlocuteurs.
C'est ainsi que David, propre frère d'Azalée, a quitté les verts pâturages de l'Illon pour l'Alsace, après le sevrage et pour une somme qu'Henri voulait dissuasive. Mais la dame a accepté de mettre le prix.
David fut revu au concours de 3 ans à Rosières. « Il avait des allures formidables. J'ai voulu le racheter pour le CSEM qui le voulait, avec la complicité du directeur de l'époque. J'ai proposé plus de 70 000 francs. Mais rien à faire, la dame n'a jamais voulu le vendre. J'ai su bien plus tard qu'il avait été revendu pour presque rien et qu'il a fait une bonne carrière en Allemagne. »

Etienne Robert

17/08/2011

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