Hickstead, mort en héros shakespearien
Et soudain, Hickstead s’est effondré… L’impensable venait de se produire. Après une énième bataille contre les obstacles, dont il n’était pas sorti victorieux cette fois, Hickstead quittait la piste sous les acclamations des spectateurs et les caresses d’Eric Lamaze. Personne ne pouvait lui en vouloir pour cette petite barre tombée au milieu du triple. Il avait procuré tant de joies et d’émotions à son cavalier et au public du monde entier, qu’il méritait bien une ovation en quittant la scène.
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Mais le destin avait décidé qu’Hickstead ne pouvait pas mourir dans l’anonymat d’un pré, après avoir profité d’une retraite ô combien méritée. Le destin a voulu que ce soit sur scène, sous les feux des projecteurs, et en direct à la télévision, que ce cheval mythique pousse son dernier souffle.
Tel le héros d’une tragédie shakespearienne, qui meurt à la fin du dernier acte, juste avant que le rideau tombe. Comme Hamlet, héros de la pièce éponyme du grand William, mais qui est aussi le nom d’un étalon KWPN, qui se trouve être le père d’Hickstead.
« To be or not to be », telle est la question qu’Hickstead ne s’est pas posée. Il a choisi d’être et, tant qu’à être, il fallait qu’il laisse une empreinte indélébile dans l’histoire. Champion olympique, meilleur cheval de la finale tournante des JEM de Lexington, n°1 mondial (comme son cavalier) et vainqueur des plus beaux Grand Prix internationaux (Aix-la-Chapelle, Calgary par deux fois, La Baule, Rome, Genève, Toronto…), Hickstead était déjà rentré dans la grande histoire des sports équestres. Outre ses résultats, il avait surtout marqué les esprits par sa fougue, son côté incontrôlable, ou encore ses sauts atypiques pour se sortir des plus difficiles situations, comme à La Baule cette année, ou à Calgary en septembre pour se sortir du difficile double de verticaux et remporter ce qui restera sa dernière victoire internationale.
Comme Eric Lamaze, Hickstead n’aurait pu être qu’un paria, un de ces rebuts de la société dont on ne peut rien faire de bon. Qui a sauvé l’autre ? Eric qui a été l’un des rares à croire en son cheval ? Ou Hickstead, qui est arrivé à point nommé pour permettre à son cavalier de remonter la pente ? Ils se sont trouvés et la sulfureuse alchimie a produit un miracle. Le miracle de l’amour. Car on n’arrive pas à de tels résultats, un cheval ne donne pas autant pour son cavalier, si ce n’est par amour, un amour forcément réciproque.
Comme dans toutes les tragédies, les histoires d’amour finissent mal. Et, comme dans l’une des plus célèbres tragédies, Roméo et Juliette, c’est à Vérone que l’histoire d’Hickstead se termine, une fin que Shakespeare n’aurait certainement pas dédaignée. Mais si l’histoire d’Hickstead s’achève à Vérone, l’histoire d’amour ne s’arrêtera pas.
Hickstead restera à jamais dans tous les cœurs. Celui d’Eric, bien sûr, mais également celui de tous les amoureux de ce sport qu’il a contribué à rendre plus grand.
Marc Verrier
« Le plus grand cheval du monde »
Eric Lamaze espérait réaliser avec Hickstead le doublé olympique en 2012 à Londres, un exploit jamais réalisé en plus d’un siècle de sports équestres aux Jeux. Cette mort en direct a remué profondément le monde du cheval. C’est un coup de tonnerre, un électrochoc. Face à l’agonie de Hickstead, le désarroi et l’horreur sur les visages des juges, du public, l’incrédulité aussi, et l’espoir malgré tout. La Chaîne Equidia, qui retransmet en direct, interrompt son programme. Les organisateurs et les sponsors acceptent la décision des cavaliers de ne pas continuer la compétition, décision accueillie par un long applaudissement du public de Vérone. 21 cavaliers sur 38 avaient alors disputé l’épreuve. Dans l’émotion, beaucoup ont réagi sur les réseaux sociaux comme Facebook. Nous avons compté plus d’une centaine de réactions dans le quart d’heure qui a suivi. Des témoignages affluent de nombreux pays : Belgique, Allemagne, Italie et Espagne, Canada. Photos et vidéos défilent à une vitesse stupéfiante, nous permettant de revivre Aix La Chapelle 2010, Hong Kong 2008, Calgary, avec Eric. Le lendemain, en titrant « Thank you, Hickstead (1996 – 2011) », le magazine canadien World of Show Jumping retrace les grands moments de sa carrière. Et retranscrit les premiers mots d’Eric, choqué, rentré au Canada directement, d’où il répondait aux questions des journalistes :
« Il était le plus grand cheval au monde. C’est la chose la plus tragique qui ne me soit jamais arrivée. Nous sommes tous
dévastés. » Hommage également de la princesse Haya, présidente de la FEI, et du Team équestre canadien. Certains témoignages en particulier nous éclairent sur l’affection profonde que le cheval suscitait : Italie (Horse Emotion ): « Il nous a montré que même les petits non désirés peuvent conquérir le monde s’ils ont quelqu’un qui croit en eux ». Aurélie : « Aujourd’hui on commémore les 20 ans de la mort de Jappeloup, 20 ans après, à 1 jour près un autre
« petit géant » s’en va ».
L’autopsie a révélé une déchirure de quatre centimètres de la base de l’aorte, provoquant le décès immédiat du crack. « La rupture de l’aorte a provoqué l’écoulement de sang qui s’est accumulé dans le péricarde, la membrane qui enveloppe le cœur, en causant une compression du muscle cardiaque. Hickstead est mort en moins de deux minutes. Et l’on n’aurait rien pu faire pour empêcher ce décès ni pour le prévenir » précise l’autopsie.
Carine Robert
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