Isabell Werth : « Rien ne vaut notre santé »

" J'essaie de tirer le meilleur de tout cela ", déclare Isabell lors de notre récente conversation (samedi 18 avril). " J'ai plus de temps pour me concentrer sur mes jeunes chevaux, plus de temps pour la famille, pour tous les chevaux, pour toute l'écurie, surtout maintenant que le printemps est là et qu'il y a tant à faire ".

Comme tout le monde, elle a dû s'adapter pour que tout le monde soit en sécurité à la maison. " Nous avons trois générations qui vivent ici dans notre ferme (près de Düsseldorf), et mes parents sont encore très bien et j'espère que nous pourrons éloigner le virus. Nous essayons de continuer comme si de rien n'était, mais nous gardons nos distances. Au début, c'était assez difficile pour mon fils (Frederik, 10 ans) de ne pas rendre visite à mes parents, mais maintenant il est un peu plus habitué et donc ça va ". 

Mon plan de questions-réponses s'est un peu égaré dès le départ. Je suis stupéfaite lorsque je découvre que la grande Isabell Werth, connue dans le sport sous le nom de "The Queen", est comme beaucoup d'entre nous - les filles en particulier - qui sont si passionnées par les chevaux et le sport hippique.

Elle aussi était une enfant folle de poney, et d'une certaine manière, elle vit encore ce rêve...

Héros

Quand je lui demande quels étaient les héros de son enfance, elle me répond : " Eh bien, tout a commencé avec les livres de Bille et Zuttel sur une petite fille et son poney. J'adorais lire, et Bille a été mon premier héros et je voulais être comme elle ! Aujourd'hui, mon fils joue avec un iPhone et un iPad, mais quand j'avais son âge, je lisais ces livres, je ne suis pas sûre que ce soit mieux ", explique-t-elle.  

Elle poursuit... " quand j'ai commencé à prendre la compétition au sérieux, j'ai admiré tous les grands noms comme Reiner Klimke et Margot Otto-Crepin (malheureusement, Margit, gagnante du concours de dressage FEI 1989 Cup™, est décédée le dimanche 19 avril), et quand j'ai commencé avec le Dr Schulten-Baumer, Nicole (la médaillée d'or olympique Nicole Uphoff) était dans l'écurie. C'était l'époque de Christine Stuckelberger et Anne-Grethe Jensen - tant de grands cavaliers ", dit-elle.

Alors, qu'est-ce que ça fait d'être le héros des autres maintenant ? " Pour être honnête, je n'y pense pas. C'est agréable quand les enfants viennent me poser des questions - je suis vraiment touchée par cela, mais je ne pense pas à la raison pour laquelle ils le font ! " 

Influences

La personne qui vous a le plus influencé ?
" Au cours de ma carrière, c'est certainement le Dr Schulten-Baumer (entraîneur et entraîneur de dressage mondialement connu, surnommé Der Doktor). Il m'a appris à monter un cheval et à gérer. Il pensait toujours à l'avenir et à la façon de faire face aux imprévus, de sorte que j'étais bien préparé à ce qui se passerait plus tard dans ma carrière. Lorsque j'ai finalement eu ma propre écurie, tout cela m'a donné une base solide. "

" Et puis bien sûr, la deuxième personne est Madeleine Winter-Schulze (une grande marraine des athlètes équestres allemands, dont Isabell). Ces deux personnes étaient et sont toujours les plus importantes dans ma carrière d'écuyer, à côté de mes parents, de mon partenaire (Wolfgang Urban) et de ma famille ".

Qui fait partie de votre équipe de réserve ? " Ma famille, mon partenaire et mes parents me soutiennent toujours. Je peux discuter de tout avec eux dans et autour du sport, et même s'il n'a pas d'expérience avec les chevaux, Wolfgang a une expérience de gestion grâce à son entreprise et sa profession, il m'a donc beaucoup aidé. Quand nous en arrivons au travail quotidien dans les écuries, c'est tout d'abord Steffi (Steffi Weigard), ma palefrenière, qui est très proche de moi quand il s'agit de ce qui se passe avec nos chevaux de concours... elle a un très bon œil et un bon feeling. Le personnel de l'écurie, mes cavaliers et puis Mary (son bras droit) bien sûr. Je travaille avec la plupart de ces personnes depuis plus de 10 ans et c'est un partenariat étroit ", explique Isabell.

Chevaux 

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de côtoyer des chevaux ?
" Etre au milieu d'eux, travailler avec eux, juste m'asseoir dessus et être dans mon propre monde. J'adore ça ! " 

Vous n'aimez pas être entourée de gens dechevaux ? " Non, seulement dans le domaine des chevaux, il est parfois difficile de traiter avec les gens ! Tu dois apprendre à ne pas dire tout ce que tu veux dire, à savoir quand il vaut mieux se taire ! Parfois, c'est difficile pour moi et parfois je ne peux pas le faire, mais j'ai appris à être meilleure dans ce domaine ", dit-elle en riant. 

Le cheval que vous avez le plus aimé ? " Gigolo, Satchmo et maintenant Bella Rose ont été les chevaux les plus importants dans ma vie. En ce moment, j'ai Weihegold, et bien sûr je l'aime et nous avons eu beaucoup de succès ensemble, mais c'est quelque chose de différent avec Satchmo par exemple ". Il y a une véritable émotion dans sa voix maintenant...... 

" Aujourd'hui, il était sur le terrain quand je revenais de la piste de course avec Weihegold. Je lui parlais du fait que nous devrions en fait être à Las Vegas pour faire notre Freestyle aujourd'hui quand Satchmo est venu me rappeler qu'il était là avec moi il y a 11 ans (terminant deuxième à la finale du monde de dressage FEI 2009 Cup™). "

" Le voir brouter avec la petite ponette Kelly, venir bavarder puis descendre pour manger plus d'herbe sans se soucier de rien, et sentir Weihe passer sous moi parce qu'elle était si éveillée et si enthousiaste, c'est quelque chose de spécial pour moi personnellement. Elle apprécie toujours ce sport, il est si heureux dans sa retraite, et personne d'autre ne voit ce moment mais cela me fait me sentir si bien ". 

Avez-vous mis à la retraite un grand nombre de vos meilleurs chevaux dans votre ferme ? " Oui, tous ! Satchmo est le plus âgé maintenant, il a presque 26 ans, il aura son anniversaire en mai, alors nous allons le fêter - peut-être une fête de la couronne pour lui ! First Class est toujours là, et Fabienne, Anthony et Gigolo ont été avec nous pendant si longtemps, jusqu'à ce qu'ils aient 25, 26, 29 ans et c'était vraiment génial de les avoir. Les garder jusqu'au jour de leur mort était, et reste, pour moi aussi important - ils étaient bien plus que de simples chevaux de Grand Prix. "

" La plupart d'entre eux avaient environ 10 ans de carrière après 10 ans de sport de haut niveau. Whisper aussi - tout le monde le connaissait comme mon "cheval dopant" (Isabell a été suspendue en 2009 lorsque Whisper a été testé positif à une substance interdite) - mais personne ne lui a demandé plus tard s'il était toujours en vie, et il est toujours en vie (maintenant âgé de 21 ans) et il est aussi avec mes chevaux retraités sur le terrain et nous prenons grand soin de lui de la même manière que tous les autres. Et c'est aussi quelque chose qui me tient à cœur mais que personne ne voit ", dit-elle. 

Remarquable

Y a-t-il d'autres grands chevaux que vous auriez aimé monter ?
" Corlandus de Margit Otto-Crepin. C'était un cheval tellement exceptionnel et Totilas - cela aurait été génial de sentir comment il devait monter - et bien sûr Valegro et Mistral Hojris aussi. Ils étaient tous fantastiques ! "

Le meilleur cheval que vous ayez jamais monté ? Cette réponse n'est pas surprenante... " Bella Rose ! C'est la meilleure que j'ai jamais eue, celle qui est capable de tout, et on sent qu'il y a toujours quelque chose de plus possible - c'est ce qui la rend si exceptionnelle ! "

Lorsque vous êtes en compétition, vous avez le don de faire travailler la foule - pensez-vous que vous auriez pu être actrice dans une autre vie ? " Pas vraiment ! Pour être une actrice, vous devez être flexible afin de pouvoir vous lancer dans différents types de rôles. Mais mon rôle est simple, c'est du dressage, c'est des chevaux, et j'aime ce que je fais ! "

Comment aimez-vous travailler avec les médias ? " On apprend à avoir confiance en soi pour répondre aux questions, parfois avec plus d'humour, cela dépend un peu de l'émotion du moment. Mais (et je pense savoir ce qui va se passer ici), quand on vous demande pour la 120 000e fois quand vous allez arrêter de rouler parce que maintenant vous avez 50 ans... et vous savez qu'ils écrivent encore sur 10 autres cyclistes qui ont 60 ans et plus mais ils ne leur demandent jamais quand ils vont s'arrêter.... " (avançons donc ici...)

Un peu farceur

Si Johnny (Don Johnson), Emilio, Weihe et Bella parlaient de vous dans les écuries, que diraient-ils ? " Johnny est un peu comme mon fils, il dirait " Laisse-la me dire ce que je dois faire mais je ferai quand même ce que je veux ! Mais au fond, nous sommes une équipe. C'est un peu un plaisantin, mais en fin de compte, nous nous aimons vraiment ! "

" Emilio sera toujours un peu plus comme un petit garçon, un peu moins confiant mais essayant de donner le meilleur de lui-même. Weihe - elle disait toujours : " Ok, dis-moi juste ce que je dois faire et je le ferai ! Aucun cheval ne lui ressemble, elle peut être si calme, mais elle peut passer d'une gentille petite jument à un cheval de compétition sérieux en un instant. "

" Bella est fière, c'est une vraie dame. Elle sait à quel point elle est douée et combien je l'aime. La seule chose, c'est qu'elle veut toujours en faire plus. Elle pourrait dire : "Pourquoi ne me laisse-t-elle pas courir comme je le veux, parce que je pourrais aller beaucoup plus vite ! Vous l'emmenez faire un petit galop, mais ce n'est jamais assez, après quelques mètres, elle veut galoper ! "

Comment gérer ses émotions sous la pression ? " C'est une question de discipline sur le moment, et j'ai eu un très bon professeur en la personne du Dr Schulten-Baumer. Vous trouverez beaucoup de photos de moi pleurant dans des moments de réussite, mais je suis sûr que vous ne trouverez aucune de mes larmes de déception. Quand je suis vraiment déçu, je me débrouille tout seul. Et ce n'est pas parce que je suis plus âgé maintenant, je suis comme ça depuis mes 20 ans ".

Une période difficile

Que dites-vous aux gens lorsqu'ils vous disent à quel point ils sont inquiets de la pandémie et de ses effets sur nous tous ? " Je pense que c'est une période difficile, mais je suis sûr que nous allons nous en sortir et que ce ne sera pas une catastrophe aussi grave que certains le pensent actuellement. Mais il est certain que cela semble ouvrir davantage le fossé, même dans notre petit monde de chevaux, entre les riches et les gens qui ne sont pas si riches. Je pense que tout le monde va y perdre d'une manière ou d'une autre, et cela fait peser davantage de responsabilités sur ceux qui sont aux commandes. "

" Peut-être que nous retournerons à une sorte de vie de compétition en septembre ou octobre, mais cela dépendra de la rapidité avec laquelle une vaccination pourra être trouvée. C'est un virus très infectieux et il fait très peur à tout le monde. J'espère que d'ici la fin de l'année, nous verrons la lumière au bout du tunnel. "

" Pour la première fois depuis 30 ans, l'Himalaya est visible de loin. Il semble que la terre nous prenne un peu de recul, la nature nous dit quelque chose d'important. Pour l'instant, nous devons donc nous calmer et savoir que la vie est possible sans avion, sans voiture, sans beaucoup d'affaires. La vie va continuer - avec le virus, sans le virus - c'est juste une question de comment nous allons la traverser ".

Tokyo

Que pensez-vous du report des Jeux olympiques de Tokyo 2020 ? " Pour beaucoup d'athlètes qui voulaient mettre fin à leur carrière en 2020, c'est énorme. Dans mon cas personnel, je dis que c'est de la malchance, peut-être que les chevaux étaient en pleine forme cette année, mais bon, maintenant il faut s'adapter et se préparer pour 2021. Les trois miens sont jeunes et assez en forme pour partir l'année prochaine, mais je suis assez longtemps dans le sport pour savoir que tout peut arriver d'ici là. "

" En fin de compte, je m'accroche à mon rêve d'aller aux Jeux olympiques avec Bella, mais nous avons tous appris quelque chose de très important au cours des derniers mois. Nous pouvons avoir nos espoirs et nos rêves.....mais rien ne vaut notre santé ".

Louise Parkes