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Jappeloup: fiction, mythe et réalité

C'est une belle histoire qui pendant 2 h 10 tiendra en haleine un public qui ne connait pas forcément les subtilités (pas toujours agréables) de la tradition équestre. Quant aux autres, ils souriront aux tics du microcosme et reconnaitront un Bourdy aussi vrai que nature. Un oubli de taille tout de même: au milieu du Grand Parquet, manque au décor Jean Morel, l'invariable et historique photographe des compétitions.

Du beau cinéma, de nature à faire aimer et découvrir le cheval. C'est l'avis de Pierre Durand qui ne se reconnaît pas du tout dans le scénario. C'est aussi l'avis de Françoise Terrier-Thuault, la toute première cavalière de Jappeloup qui livre dans « Les jeunes années de Jappeloup » sa version des faits sur « l'enfance » du mythe. Irritée Françoise, par les contrevérités écrites ici et là à propos du « petit cheval venu de nulle part », de sa mère, une « haridelle », de son croisement « improbable » avec un Pur-sang, de son naisseur « type gitan » Henri Delage. Elle a donc décidé, devant cette marée médiatique, de remettre à l'heure les pendules de bébé Jappeloup et règle quelques comptes avec le microcosme, Pierre Durand en particulier, vis-à-vis duquel on ne sent pas beaucoup d'empathie.

Bon rien de bien méchant. Mais le climat passionnel qui généralement entoure un cheval prend ici une dimension mélo-dramatique exceptionnelle. Trente-trois ans après, la cicatrice est encore à vif. Trente-trois ans après, Françoise n'a rien lâché et balance sa vérité avec une vigoureuse candeur. Etonnant quand on sait que l'histoire qu'elle a vécue avec Jappeloup fut de courte durée, grosso modo une vingtaine de mois, du débourrage à l'année de 5 ans. Mais 20 mois d'une rare intensité, comme les adolescentes en vivent en pareilles circonstances. Une vraie histoire d'amour. Mais voilà, Jappeloup n'était pas un cheval, c'était un mythe. Et Pierre Durand, le centaure, un rival.

Pas d'aménité entre les deux auteurs mais, assez naturellement, les livres se complètent. Françoise parle des premières années du poulain, Pierre, de ses premières années avec le poulain et de sa longue marche vers la médaille olympique. Les deux livres sont bien écrits, plaisants à lire, truffés de belles images et de bons sentiments. Le Jappeloup de Pierre Durand est évidemment celui qui est le plus près du sang. L'histoire qu'il raconte est d'abord la sienne, celle d'un gamin qui aimait le football et qui est devenu notre dernier « empereur » olympique. Pas de recettes dans la méthode, mais des repères comme la préparation mentale à laquelle il doit certainement la couleur du métal de sa médaille de Séoul. Il y eut l'avant et l'après Jappeloup. De l'avant, je retiendrai Laudanum, ce pur-sang de croisement dont les descendants font aujourd'hui le bonheur de l'élevage français. De l'après, je garde Narcotique, fille de Fair Play III et la divine Bourrée (Nickel aa) qui à l'élevage chez Christian Paillot est elle aussi à la tête d'une belle descendance.

L'après, ce fut aussi la politique. Fédérale notamment. Parcours semé d'obstacles, d'embûches, de mauvais coups. Pudique sur ce chapitre, Pierre Durand balance tout de même ses vérités, lui aussi.

S'il a pris du recul avec les sports équestres, il n'en reste pas moins fort présent et toujours sollicité comme consultant sur les chaînes de télévision.

Le troisième livre « Mon ami Jappeloup » écrit par Pierre Durand et Françoise Dargent, une journaliste du Figaro, est l'histoire romancée de cette aventure sportive et humaine racontée à la jeunesse.

Solitaire le champion olympique? Possible. « Jappeloup, en partant, tu m'as laissé bien seul ». C'est la dernière phrase de ce témoignage puissant et émouvant. 

Etienne Robert  

 

 

 

 

13/03/2013

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