JEM Trton - CSO : la prime à la jeunesse

C’est la jeunesse qui l’emporte cette fois au championnat du monde nouveau. L’ancien monde, celui de 2014 à Caen est bien loin. C’était le temps de l’expérience, de la maturité. Les Patrice Delaveau, Bengtson, Dubbledam, Kraut n’étaient pas des perdreaux de l’année. Le champion du monde nouveau est une championne, Allemande, peu connue, Simone Blum, de 29 ans. Son second, le Suisse Martin Fuchs a 26 ans. Le 3e sur le podium, Steve Guerdat, 36 ans, médaillé d’or olympique, est le seul rescapé de la « vieille garde ». Sur les vingt-cinq finalistes, six avaient moins de 30 ans. Alexis Deroubaix était de ceux-là . Parfaitement dans le sens de l’histoire, parfaitement froid dans sa tête, parfaitement en confiance avec son cheval et ses propriétaires, les Chenu.



Peut-on tirer une leçon de ce championnat très particulier dans sa forme et dans son contexte où l’argent a fait une percée spectaculaire ? Si la formule des Jeux Equestres Mondiaux se maintient, va-t-on assister tous les 4 ans à l’éclosion d’une nouvelle génération de winners, cavaliers et chevaux, qui va enterrer la précédente ?



Pour durer, jusqu’à maintenant, il fallait du savoir-faire, du métier, de la constance, des maîtres, de la culture. Tout cela serait-il soudain devenu obsolète ? Ce serait dommage pour l’Histoire, les histoires et la grande saga équestre.

Pour ce qui nous concerne, la France a trébuché à Tryon. Sa 9e place ne la qualifie pas pour les JO de Tokyo. C’est la vie… C’est le sport avec ses hauts et ses bas régimes. Toutes les grandes nations sportives connaissent ce genre de passage à vide. Quel contraste avec Caen 2014 et Rio 2016.

Philippe Guerdat n’avait pas d’autre solution à proposer. C’est donc une équipe jeune qui est partie au feu avec son pilier expérimenté et trois mousquetaires qui avaient envie d’en découdre. Alexis et Timon ont surfé sur cette vague de jeunesse avec une incroyable aisance. C’est cet exploit qu’il faut retenir. Celui de cet audacieux et longiline cavalier, culoté. Celui des Chenu, d’avoir osé le challenge. Des horizons se sont ouverts pour nos deux surdoués des Ardennes. Nous les reverrons ailleurs, comme Kévin, comme Nicolas.



Saluons aussi le joli classement, au 5e rang mondial, de Carlos Lopez/Admara, le cavalier du haras des Grillons.



Alexis Deroubaix, retour d’expérience





Nous aurions signé quelques semaines auparavant pour une telle performance» indique André Chenu qui dit avoir réuni son épouse Annick à sa droite, le pilote, Alexis, à sa gauche au cours d’un dîner tripartite au lendemain du CSIO de Dublin cet été. «Alors qu’est-ce qu’on fait? On va à Tryon? On tente?». C’est finalement le patron qui a tranché. «J’ai dit on y va! J’ai même empoigné le téléphone et confirmé notre motivation au sélectionneur Philippe Guerdat sans même attendre le délai qu’il m’avait fixé pour réfléchir». Rien à regretter.

Sacré challenge pour un couple encore « vert ». Le rêve américain fut tenté et l’expérience éminemment positive. C’est peut-être un « bleu » (Alexis monte Timon depuis septembre 2015) mais le nordiste d’origine associé au gris Timon d’Aure a conquis le public français...et bien au delà . Un « bleu » qui n’est pas passé inaperçu ces derniers mois dans la sphère des grandes compétitions internationales. Quant à l’état d’esprit qui semble avoir prévalu, nul doute qu’Alexis incarne un certain renouveau, un petit coup de fraîcheur, en tout cas une bonne dose de culot au sein de l’équipe tricolore. Et toujours de la maîtrise. Self control. Le culot, l’humilité et le sang-froid... ça paie. Les réseaux sociaux ont fait l’éloge d’un couple en pleine possession de ses moyens qu’il faudra assurément suivre sur les prochaines échéances.



« C’était énorme ! »



Spécialiste des jeunes chevaux et ancien compétiteur avec l’Equipe de France (CSIO avec Impédoumi) André reconnaît avoir mis tous les atouts de son côté pour qu’émerge au (très) grand jour le talent d’Alexis. « On a bossé dur tout en respectant l’intégrité physique du cheval. Il n’était pas question de le mettre dans le rouge. Au lendemain du CSI***** de Genève (décembre 2017) j’ai pris conscience que Timon avait véritablement toute la classe pour envisager les plus gros parcours. Evidemment le jour « J » j’ai senti Alexis un peu stressé pour entamer la compétition mais progressivement il s’est détendu et Timon a livré son potentiel en sautant de mieux en mieux au fil des parcours ». Pas loin de l’exploit. Henri Prudent, coach émérite, était en appui de Philippe Guerdat pour l’évaluation technique et le débriefing des parcours à Tryon. « Les enchaînements proposaient des lignes courtes » explique André. « Or, Timon a une grande action mais le couple maîtrise toute la gamme pour s’adapter ». Seule petite variante dans les réglages, un changement d’embouchure. « Comme Timon a tendance à aller gaillardement vers les obstacles nous avons décidé de passer d’un simple filet traditionnel à une bride autorisant un meilleur contrôle ». Souple et très polie, la main d’Alexis permet ce genre d’ajustement.

André et Alexis conviendront de concert que «’c’était énorme ! Des oxers bien carrés et plutôt légers, des verticaux à 1.65m frisant même les 1,70 m. On a franchi un cap. Il fallait bien gérer la détente, six à sept sauts maximum, afin de préserver le capital ressources ». Quant au design des obstacles, si les JEM 2014 à Caen avaient révélé quelques originalités appréciées de tous «Tryon a versé dans un certain classicisme» d’après les Normands.

Des conditions de concours éprouvantes.

De retour au Mesnil-Mauger (14), base historique de la famille Chenu, Timon d’Aure a repris ses marques quarante huit heures après son dernier parcours dans le grand stade de Tryon. « Et il est frais comme un gardon» rapporte l’entourage. «Il a merveilleusement encaissé ses six parcours (dont une « warm up », ndla) et était ravi de reprendre ses quartiers normands. A Tryon la chaleur était écrasante. Impossible de rester plus d’une heure au soleil. Heureusement les chevaux pouvaient récupérer de leurs efforts à l’abri d’une grande structure où des brumisateurs fonctionnaient à plein régime ».

Désormais un programme très allégé attend Timon d’Aure qui se voit accorder « deux mois de repos au cours desquels alterneront ballades entre les pommiers du Pays d’Auge pour ne rien changer de ses habitudes et moments de détente au paddock ». Et si le meilleur du couple Alexis, Timon d’Aure était encore à venir ? « Rien n’est acquis, il faut continuer, travailler, se remettre en question » conclut Alexis Deroubaix qui semble sortir de cette expérience un peu comme si rien ne s’était passé. On le savait froid et discret. Le temps faisant son oeuvre, Alexis va sans doute prendre conscience qu’il vient de réaliser une performance.

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