La filière «cheval de sport» a-t-elle encore un avenir ?
Â
I – Une tutelle toujours oppressanteÂ
L'Etat a conduit, dès 1999, une réforme des Haras nationaux afin de faire en sorte que ceux ci ne soient plus « juge et partie » et qu'une plus grande responsabilisation des acteurs soit effective.
Cette initiative devait également conduire les Haras Nationaux à se recentrer sur d'autres missions de service public et laisser aux acteurs privés les activités concurrentielles.
Le désengagement de l'Etat en matière d'étalonnage est en cours. Malgré des exercices constamment déficitaires, les manœuvres de France Haras vont à l'encontre de ce que les professionnels ont unanimement voté lors d'un Conseil d'Administration : transfert de l'activité concurrentielle.
En revanche aucune proposition concrète de l'Etat n'a aujourd'hui été formulée pour la reprise des étalons par les associations de Races ou les structures collectives associatives créées ou en formation.
Par ailleurs, il apparaît qu'aucune évolution du périmètre de l'IFCE ne soit engagée et l'ensemble des sites sont maintenus en justifiant leur existence par des activités qui laissent perplexe : Poney Club, Initiation à l'attelage, Hébergement de saltimbanques...
Les professionnels attendent de l'Etat que l'IFCE (personnels et infrastructures) soit mis au service de leurs organisations pour apporter expertise et appui.
Les missions de l'IFCE doivent se concentrer principalement sur
appui aux organisations professionnelles,
formation des professionnels dans le domaine du sport et de la reproduction,
observatoire économique,
contrôle à posteriori de l'identification chez les éleveurs et sur les lieux de rassemblement.
II – Une application contraignante des règles européennesÂ
La France a fait l'objet de la part de la Commission Européenne d'un avis motivé mettant en cause le monopole de l'IFCE en matière d'identification et réclamant le libre choix du Stud Book pour l'éleveur.
Si le rôle de l'IFCE doit être, autant que possible, préservé en tant de prestataire de service, il convient de profiter de cette opportunité pour permettre aux ANR d'assumer leur responsabilité et de faire des choix politiques indépendamment des structures de l'Etat. Ainsi elles seront en mesure de dégager des fonds propres et de ne plus être tributaires directement ou non des mannes de l'Etat.
Par ailleurs, alors que les races de sport, du fait de croisement répétés, présentent des similitudes en Europe sur le plan génétique, il est nécessaire (ce qui est souhaité par Bruxelles) de :
Laisser l'éleveur choisir la race de son poulain en fonction des possibilités offertes.
Permettre aux éleveurs qui le souhaitent de se regrouper au sein d'entité raciale définie et préservée.
Ceci sans alourdir les démarches administratives indispensables par des obligations dont le seul objet serait de justifier l'existence de l'IFCE. Il convient donc d'engager une démarche d'allègement et de simplification administrative afin de rendre le « système » français opérationnel et compétitif.
III- Des aides à la filière sans efficiences et saupoudréesÂ
La diminution des aides de l'Etat a été forte ces dernières années (- 75% en 3 ans) mais n'a pas été l'occasion de repartir celles-ci sur des bases saines et utiles.
Outre le fait que les aides à la production et celles apportées au fonctionnement des structures sont contraires aux règles européennes, leur mode d'application ne sont pas conformes à celles relatives à la « non distorsion de concurrence ».
Les aides de l'Etat doivent s'orienter vers :
Une aide à l'organisation de rassemblements liés à la caractérisation du jeune cheval (0 à 3 ans) permettant une classification zootechnique et génotypique.
Une aide à la mise en place d'un circuit de valorisation du jeune cheval (3 à 6 ans) permettant d'aider l'ensemble des éleveurs à apporter une plus value à leurs chevaux en vue d'une commercialisation optimale.
Une aide à la biodiversité et aux races en difficultés.
Une aide de l'IFCE au travers de la tenue de fichier central tant pour un rôle sanitaire que pour son exploitation par l'observatoire économique ;
Un apport de l'IFCE dans l'expertise intellectuelle et la fourniture de moyens (personnels et infrastructures).
Cela s'accompagne de recommandations :
La valorisation est fonction des performances ou du potentiel du cheval dans l'utilisation choisie et non de la race d'origine.
Une préférence peut être accordée aux produits nés en France, dans la limite de «l'euro compatible».
Ces choix rappellent la nécessité évoquée plus haut de permettre aux ANR d'assumer leur responsabilité en leur accordant une liberté de dialogue avec leurs éleveurs.
IV- Une structuration de la filière dévoyéeÂ
La création de la .société mère du jeune cheval et poney de sport autour d'une SHF rénovée ne conduit pas aux espoirs attendus pour deux raisons :
La main mise de l'ANSF sur la SHF fait de celle-ci une structure partisane excluant un bon nombre d'éleveurs français
Une mauvaise compréhension des éleveurs en région dans la mesure où il ne peut revenir à un organisme parisien de définir la représentation en région plutôt que de laisser aux éleveurs en régions le soin de choisir leurs représentants.
Ces écueils auxquels s'ajoutent les nouveaux statuts de la SHF qui ont permis la « cooptation » de sympathisants ANSF ayant entrainé la récente élection de son président à la tête de la SHF, mettent en péril l'avenir même de la Société Mère (je te coopte mais tu votes pour moi).
Il est indispensable de revenir aux principes de base :
A l'Etat de les rappeler clairement
A l'IFCE d'adopter une attitude emprunte de neutralité.
En conclusion, il est clair que l'Etat doit retrouver un rôle d'arbitre au service du bien commun et que l'IFCE doit aller enfin au bout de la réforme engagée. C'est à ce prix que le développement économique de la filière pourra se faire et que les acteurs, particuliers et organisations trouveront la possibilité d'exprimer leurs avantages et de prouver leurs compétences.
J.M. CHARLOT
AVOCAT ET ELEVEUR
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires. Devenez membre ou connectez-vous