L’alimentation du cheval : une histoire de volume ? Poids ? Apports ? Temps ?
Ces questions peuvent paraître bêtes, mais elles permettent de mettre en lumière notre mode de raisonnement de l’alimentation.
Mon cheval a assez à manger quand : ... le seau est bien rempli... j’ai donné une grande brassée de foin
Oui, pour la distribution, le litre, le pli ou la demi-botte, c’est bien pratique. Mais au-delà de ça, beaucoup de personnes auront le sentiment que le cheval aura faim si le seau n’est pas assez rempli.
Sans vouloir vous offenser, c’est un raisonnement humain. Nous faisons un nombre limité de repas par jour. Nous nous mettons à manger et lorsque notre estomac est environ à moitié plein, nous arrêtons en disant : « J’ai bien mangé, j’ai bien bu. J’ai la peau du ventre bien tendue... »
Lorsque nous regardons notre assiette, nous jugeons si elle est bien pleine ou non. Nous avons même développé la notion de quantité pour une personne : une part de tarte ou une truite-portion.
Pour faire maigrir quelqu’un, on peut utiliser des aliments qui gonflent dans l’estomac et donc qui le remplissent à peu de frais, si je peux m’exprimer ainsi. Dans les cas les plus graves, on diminue la contenance de l’estomac par la pose d’un anneau gastrique pour que la sensation de ventre plein arrive plus tôt.
Mais pour un cheval, ce raisonnement est inepte. En effet, lui, il vidange son estomac souvent 2 fois au cours d’un repas pour n’en garder que le dernier tiers. Donc, l’estomac plein, en termes équins, cela ne veut strictement rien dire.
Mon cheval a assez à manger quand :... le seau est suffisamment lourd... j’ai du mal à soulever la brouette de foin
Toutes les tables, tous les calculs de ration sont basés sur le poids de la nourriture distribuée. Cela pose d’ailleurs toujours le problème de convertir les litres usuels en poids. Et je ne vous raconte pas la conversion du « pli » ou de la demi-brouette en kilos. Question casse-tête, cela vaut les monnaies sous l’Ancien Régime !
Par contre, cela élimine bon nombre de facteurs qui font considérablement varier la densité comme l’aplatissage mais aussi l’effet de la machine de récolte qui tasse plus ou moins le foin ou la paille. Sur les aliments usuels, les différences de densité peuvent aller du simple au double pour un même aliment. Les aliments industriels sont plus constants et la conversion kg/litre est généralement indiquée dans un coin de l’étiquette... vous savez, les petites lignes que l’on ne lit jamais !
Pour les mélanges, c’est une source sans fin d’erreurs. Si vous mettez un litre d’orge aplatie et un litre d’avoine aplatie, vous avez le sentiment d’avoir fait un mélange 50/50. Et non ! Les densités sont différentes. 1 litre d’avoine aplatie pèse 330 g et 1 litre d’orge aplatie 460 g. Donc en fait, votre mélange contient 40 % d’avoine et 60 % d’orge et non pas 50/50.
Enfin, ça, ce sont des chiffres standard mais vérifiez dans votre cas, cela peut être très surprenant.
C’est pour cela que lorsque votre voisin vous dit qu’il donne 3 litres de floconnés et qu’il a le sentiment de vous avoir tout dit, en fait, le secret de son alimentation géniale est aussi bien gardé que s’il était inscrit à l’intérieur d’un cryptex digne du Da Vinci Code... tant que vous n’avez pas le mot de passe – que dis-je, la densité de son aliment – vous n’avez strictement aucune idée de ce qu’il donne réellement.
Pire, on a tendance inconsciemment à faire un rapport entre le poids de la ration et la taille de l’animal. Un poulain, c’est plus petit donc cela mange moins... logique non ? Les restaurants vous servent d’ailleurs des menus « enfants » avec des plats moins copieux. Ce « bon-sens » appliqué aux équins est la source de nombreuses erreurs d’alimentation des poulains surtout de grande taille.
Mon cheval arrête de manger quand :... l’apport est suffisant
Du point de vue du cheval, il semblerait que ce soit la présence dans le sang des produits terminaux de la digestion comme le glucose ou certains acides gras volatils qui entraîne la satiété. Lorsque ces produits, utilisés ou stockés disparaissent du sang, le cheval a de nouveau envie de manger.
C’est un système de régulation de l’appétit relativement lent puisqu’il faut attendre qu’une part notable de l’aliment soit digéré et se retrouve dans le sang pour que le stop s’allume. Il est très bien adapté à un animal qui mange quasi en permanence.
Par contre, si nous qui nous fions d’abord à l’estomac plein, nous nous mettions à grignoter toute la journée... bonjour les dégâts ! Donc si un cheval tombe sur le coffre à avoine, il va s’en goinfrer. Le temps que le signal stop s’allume, il aura été au-delà de ses capacités digestives. Cela peut être mortel alors qu’on a jamais vu un gamin mourir d’être tombé sur un pot de Nutella !
Lorsque la ration est moins nutritive, le signal stop s’allume plus tard et s’éteint plus vite, donc le cheval s’adapte facilement en mangeant plus.
Évidemment, tout cela est possible dans une certaine gamme. Au-delà , le volume des digesta notamment dans le colon entraîne une baisse de l’ingestion. L’animal n’arrive plus à couvrir ses besoins car sa capacité d’ingestion est insuffisante. On a ce problème dans deux cas : une alimentation très pauvre (ou très carencée) ou un animal qui a des besoins très importants (cas des jeunes poulains ou des juments allaitantes).
Mais pour vous, ce n’est pas évident de connaître ce qui coule ou pas dans les veines de votre cheval. On ne peut quand même pas lui faire des prises de sang plusieurs fois par jour façon diabétique qui surveille sa glycémie !
Comme le volume et même le poids distribués ne vous donnent que des indications sommaires et souvent trompeuses sur ce qui est important pour votre cheval à savoir ce qu’il a dans le sang, la seule méthode consiste à se référer aux tables d’alimentation pour estimer le plus précisément possible ce qui va y arriver.
Avec le cheval, plus encore qu’avec d’autres animaux, une ration, cela se calcule !
Mon cheval mange bien quand :... il y a passé une bonne partie de la journée
Anthropomorphisme oblige, on nourrit le cheval comme un homme... et encore un homme adulte : 3 repas par jour, voire 1 repas comme un chien.
On peut effectivement apporter à un cheval les éléments nutritifs nécessaires avec 2 repas. Mais on aura rapidement des problèmes... il n’est pas fait pour cela.
L’idéal, serait de le traiter comme un Hobbit : le premier petit déjeuner, le second petit déjeuner, le déjeuner, le goûter, le dîner, le souper... d’ailleurs les chevaux des omnibus parisiens faisaient leurs 9 repas par jour.
Au-delà de la plaisanterie, c’est tout l’intérêt du pâturage ou du foin. C’est pour cela aussi que mettre un cheval au pré, même en hiver avec valeur nutritive de l’herbe négligeable, se révèle excellent pour lui. A grappiller une feuille par ci et un brin d’herbe par là , il fait de multiples petits repas qui lui éviteront moult ulcères et problèmes digestifs.
Donc, quel que soit le mode d’alimentation de votre cheval ou de votre poney, y compris si vous souhaitez qu’il maigrisse, il faut absolument lui assurer 5 à 7 heures d’ingestion et une dizaine de repas par jour. Le maximum entre deux repas est de 5 heures, d’où l’intérêt du foin laissé à disposition le soir... à moins que vous ne souhaitiez sortir de votre lit douillet au milieu de la nuit pour aller le nourrir à la lampe de poche !
En conclusion, en humains que nous sommes nous pensons en volume ou en poids. Notre cheval lui se base sur les apports et le temps. C’est donc à nous de faire l’effort de penser comme lui. Il y va de sa santé.
Catherine Kaeffer http://techniques-elevage.over-blog.com
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