Le Haras des Coudrettes, une histoire de rencontres
 C'est en plein cœur du Pays d'Auge, à quelques kilomètres au sud-ouest de Lisieux, qu'est installé le Haras des Coudrettes. Dans cette campagne verdoyante et vallonnée pullulent les haras, qu'ils soient de trotteurs, comme celui du Nouveau Monde à quelques centaines de mètres, de pur-sang, avec les prairies de l'Aga Khan qui jouxtent celles des Coudrettes, ou encore de chevaux de sport, il suffit de traverser la rue pour entrer au Haras du Plessis d'Annick et André Chenu. C'est ici qu'Emanuèle Perron-Pette, son mari Armand et ses deux enfants Chrystal et Dorian, ont établi leurs quartiers équestres en février 2006 : « Nous cherchions un endroit qui soit entre Fontainebleau et la Bretagne et qui soit vraiment une terre de cheval et nous nous sommes arrêtés sur la Normandie. On est tombé assez rapidement sur cette propriété là , qui était une jolie propriété normande, mais qui n'avait que 3 ou 4 boxes et des terres. », explique Emanuèle.
Après avoir monté en juniors avec Bosty, Jean-Charles Gayat ou Patrice Delaveau, Emanuèle Perron arrête l'équitation pendant une vingtaine d'années, pour se consacrer à ses études puis à TSO, l'entreprise familiale spécialisée dans la pose de voies ferrées et notamment pour les lignes à grande vitesse, dont Emanuèle a pris la direction en 1996.
Passion, quand tu nous tiens !
Mais un jour, la passion la rattrape, presque malgré elle : « Nous étions en vacances à Pompadour, où les enfants faisaient un stage d'équitation, et, pour ne pas m'ennuyer, je me suis également inscrite au stage, sans savoir quel serait mon niveau après autant de temps sans monter. Mais le cheval, c'est comme le vélo, ça ne se perd pas ! ». La monitrice de Pompadour, Julie Gadal, lui confie alors un 4 ans : Muscat Doré. « Et j'en suis tombé amoureuse, explique Emanuèle. À la fin du stage, je l'ai acheté. Je n'avais nulle part où le mettre, donc il est resté à Pompadour dans un box de Julie et, pendant 3 ou 4 mois, je faisais les allers-retours Paris/Pompadour le week-end pour aller monter mon cheval. »
Comme chacun sait, la passion n'est pas raisonnable et, quand elle a été longtemps contenue, peut se transformer en boulimie lorsqu'elle réapparaît...
Un petit tour à Fences, un autre à Pompadour, et ce n'est plus un, mais quatre chevaux qu'il faut désormais trouver à loger. Le choix est fait de trouver une propriété pour y créer un haras. S'étant liée d'amitié avec Julie Gadal, Emanuèle lui propose de les suivre dans cette aventure. Ce qu'elle accepte.
Les recherches s'accélèrent et, très vite (comme la majorité des choses qu'ils font), Emanuèle et Armand jettent leur dévolu sur une propriété située au Mesnil-Mauger, dans le Calvados, où tout était à faire : « Nous sommes arrivés en février 2006, avec de la neige partout, en montant les chevaux avec Julie sur une ancienne voie ferrée transformée en allée cavalière et on n'avait rien d'autre, les travaux étant en cours. » C'est alors que se produit la deuxième rencontre : « Sur cette allée cavalière, nous rencontrons Annick Chenu, qui se trouve être notre voisine. Annick nous a invités à venir travailler dans leur manège, parce que nous étions SDF dans la neige. »
Une nouvelle rencontre, et une nouvelle amitié, qui ne sera pas sans incidence sur l'avenir du Haras des Coudrettes.
Car, à ce moment, l'avenir du haras n'est pas vraiment défini : « Au départ, c'était la passion, pas de business plan. » Ils se portent ensuite acquéreurs de Pepper Blue Sebioune et Poète de Preuilly et s'essayent à l'étalonnage. « Au départ, nous étions partis sur cet idée d'étalonniers et nous nous sommes rendus compte que ce n'était pas le chemin qui nous amusait le plus. Et puis, il y a tellement d'étalons, qu'il faut vraiment qu'ils soient exceptionnels pour bien saillir ».
Changement de cap, les étalons deviennent hongres : « Poète, on l'a castré pour des raisons de caractère, mais, comme Pepper, on a gardé des paillettes. Poète est chez Jeroen Swartjes, il l'adore, il le démarre sur les 145 et pense qu'il n'est pas au bout du cheval. C'est un cheval très fort, il avait pris le dessus sur Julie, qui a pensé que Jeroen pourrait bien s'entendre avec Poète. Avec lui, le cheval n'a jamais bougé une oreille. Au début, on avait pensé le vendre, mais comme il va bien, nous allons le laisser à Jeroen. Il fera la prochaine saison avec lui et on verra bien... ».
Un dîner avec Patrice Delaveau
La petite propriété devient progressivement un vrai haras, avec une grande carrière, un beau manège, rond de longe, marcheur, paddocks... Puis intervient une nouvelle rencontre.
« Lors d'un dîner, nous avons fait la connaissance de Patrice Delaveau. C'est un cavalier que j'ai toujours admiré, mais je ne le connaissais pas vraiment, même si nous nous étions croisés sur les terrains en juniors ». Une première collaboration débute par le coaching de Julie, puis, fin 2009, Patrice se voit confier Baritchou DBT (Kannan), alors âgé de 8 ans. Même si le cheval n'a pas la pointure pour le très haut niveau, il se montre très efficace sur les épreuves intermédiaires. Emanuèle et Armand se piquent au jeu, se lient d'amitié avec Sabrine et Patrice Delaveau et décident de l'aider lorsque l'occasion d'acheter une partie d'Ornella Mail se présente : « Ornella, c'est une jument qu'on avait vue à Saint-Lô dans les 6 ans ; il y avait elle et les autres. A l'époque, on ne connaissait pas encore Patrice, mais on suivait la jument. L'année dernière, Bernard Le Courtois a été vendeur d'un bout de la jument, on ne voulait vraiment pas qu'Ornella quitte l'écurie de Patrice et donc on a essayé de bloquer un peu la jument pour Patrice ». Ils achèteront ensuite une autre partie de la jument, puis la totalité il y a quelques mois.
Mais, entre-temps, ils font une autre acquisition, celle d'un fils de Quick Star très remarqué en jeunes chevaux et vainqueur du Championnat Pro1 à 8 ans : Orient Express. « Notre histoire, c'est une histoire de rencontres avec des personnes, mais également avec des chevaux. Orient, on l'a rencontré la première fois en donnant un coup de main à André Chenu pour faire sauter des 3 ans, parmi lesquels il y avait Orient. Je voulais l'acheter à l'époque, mais André n'était pas vendeur et, finalement, 6 ans après, nous l'avons eu quand même, ce qui prouve qu'on a de la suite dans les idées. (rires) Depuis 6 ans, on part en trotting avec Orient et nous avons suivi son parcours en concours avec Jonathan Tirard. C'est un cheval que nous avons toujours côtoyé et toujours aimé ».
Une acquisition qui n'a pas vocation a être amortie, ni par les saillies, ni par une vente ultérieure : « Ce n'est pas du tout un investissement financier, c'est un investissement de cœur, de passion, et ça nous fait plaisir de savoir que ces chevaux exceptionnels restent en France et sous la selle de Patrice, car ça rajoute du sens ».
Étalon pourtant très demandé, Orient Express n'a que peu sailli, essentiellement pour les Chenu et Patrice Bourreau, ses anciens propriétaires, et maintenant pour le Haras des Coudrettes, mais au compte gouttes : « Nous faisons de l'élevage de façon parcimonieuse, explique Emanuèle. Moi, je suis plus compétition, mais Armand est plus intéressé par l'élevage. Il en fait, mais de façon maîtrisée. Nous avons deux poulinières : Over Speed du Plessis (Kannan et Rapide du Plessis x Brilloso) et Giralda du Clos (Paladin des Ifs et Cherry Tree PS x Carmarthen), auxquelles nous mettons Orient Express, mais on ne fait pas d'autres saillies avec Orient, pour privilégier sa carrière sportive. A 3 ans, il n'était pas congelable; comme ça évolue, on réessayera sans doute l'an prochain, mais pour l'instant, ce n'est pas l'objectif. On a le temps. On va lui laisser sa carrière sportive, nous ne sommes pas dans une démarche commerciale ».
Prendre du plaisir
Aucune démarche commerciale au Haras des Coudrettes, qui compte désormais trois employés. Julie Gadal débourre, travaille, monte les chevaux en concours et coache également Dorian, 17 ans, et Chrystal, 15 ans, ainsi que leur père Armand, directeur d'une agence de communication, qui s'est mis à l'équitation en suivant ses enfants au poney-Club. Sarah Kohl, fait également partie de l'équipe en tant que groom, « Elle est vraiment super, c'est un pilier du haras », ainsi que Rémi Morteau, 25 ans, arrivé au départ juste pour donner un coup de main à Comporta : « Nous cherchions quelqu'un pour venir avec nous à Comporta. Rémi nous a accompagnés et, comme nous trouvions que ce garçon était vraiment chouette, nous lui avons proposé de venir travailler avec nous. »
Ici, l'objectif est que chacun prenne du plaisir et y trouve son compte : « Il y a entre 12 et 14 chevaux au travail et une vingtaine de têtes au total sur le haras. Il faut arriver à n'en garder qu'une proportion raisonnable pour que ça reste un plaisir. Nous essayons que nos cavaliers - Julie, Rémi, Dorian, Chrystal et Armand - soient heureux avec leur piquet de chevaux et que chacun y trouve son compte. Nous avons la chance d'avoir 2 adolescents qui sont vraiment mordus et avoir le plaisir de venir ici du vendredi au dimanche, avec les enfants qui sont contents de passer le week-end avec leurs parents, c'est formidable, non ? Ça fait aussi partie de l'aventure ! ».
Une aventure qui évoluera encore sûrement, au gré des rencontres, la dernière en date étant celle de Jean-Maurice Bonneau, qui vient régulièrement au haras, depuis le début de l'année, pour faire travailler tous les cavaliers.
Une histoire de rencontres, de coup de cœur et de plaisir : « Nous avons envie de bien faire les choses. On apprend, on loupe des trucs, mais on essaye de ne pas commettre deux fois les mêmes erreurs. Nous avons formé une équipe vraiment extra, ce qui fait une grosse partie du plaisir d'être tous ensemble. Et dans tout ça, il y a la bonne humeur et le sourire... », conclut Emanuèle.
Marc Verrier
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