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Le réseau de trafic de viande de cheval de 2013 sous les verrous

Le réseau criminel impliqué dans le commerce de viande de cheval illégale, à l'encontre duquel l'enquête a débuté en août 2013 par la procureur à Marseille, a été démantelé, grâce à l'agence européenne de coordination judiciaire Eurojust. Sept pays européens, dont la Belgique d'où est originaire le chef présumé du réseau, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, ont participé à cette opération et procédé à l'arrestation de vingt-six personnes ce 24 avril 2015. Retour sur le fils de l'enquête, menée depuis plus de deux ans aux quatre coins du pays, sur un réseau opérant depuis 2011.

On le sait depuis l’enquête et les révélations qui se sont succédées depuis 2013, le réseau, après avoir récupéré des chevaux de sport d’âge de manière frauduleuse,  falsifiait leurs documents,  les emmenait à l’abattoir, et les faisait « entrer, de manière frauduleuse, dans la chaîne alimentaire européenne », a indiqué l’agence européenne de coordination judiciaire Eurojust. Selon les estimations, au final ce sont près de 5 000  chevaux, dont les certificats ont été falsifiés, qui auraient ainsi été abattus puis commercialisés entre 2010 et 2013. Ils étaient acheminés depuis plusieurs pays européens vers des abattoirs du sud de la France, notamment à Marseille, d’où l’enquête avait débuté il y a deux ans.

Un Belge à la tête ?

Il s’agissait d’animaux de loisir, ayant parfois participé à des compétitions sportives, et qui avaient donc pu ingérer des médicaments, et notamment des antibiotiques. L’abattage de cette catégorie de chevaux pour la consommation par l’homme est formellement interdit.

Une dizaine de personnes, des industriels, éleveurs et vétérinaires, ont été interpellées dans les Ardennes dans le secteur de Sedan par la Section de Recherche de la gendarmerie de Reims dans le cadre d'une opération pilotée par Eurojust. Eurojust, dont la mission « consiste à renforcer l’efficacité des autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites dans les dossiers de criminalité transfrontalière grave et de criminalité organisée et de traduire les criminels en justice de façon rapide et efficace », a, en l’occurrence, parfaitement joué son rôle.

En tout, vingt-six personnes ont été arrêtées en Europe. Un Belge, originaire d’Arlon, à la frontière belgo-luxembourgoise, est considéré comme le principal suspect, et notamment le dirigeant du réseau originaire des Ardennes, a été interpellé avec « deux hommes de main (…) alors qu’ils descendaient vers le sud de la France », a précisé la source judiciaire.

Les interpellations en Europe ont eu lieu dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par la juge d'instruction marseillaise Annaïck Le Goff, du pôle de santé publique, qui mène l’enquête depuis 2013. Le parquet néerlandais a, lui, indiqué, avoir effectué une quinzaine de perquisitions et arrêté trois personnes "à la demande des autorités françaises", qui ont requis leur extradition. Celles-ci devraient avoir lieu "au cours de la semaine", selon une personne proche du dossier et désirant rester anonyme.

400 passeports, 4.700 chevaux

En France, "quatre cents passeports de chevaux présentant des anomalies ont été détectés", déclare Eurojust. « 200 chevaux seront examinés par des services vétérinaires. Suite aux informations fournies par les polices françaises et belges, la police britannique a également ouvert une enquête. »

Le fil de l’enquête

Plusieurs plaintes ont été déposées par des particuliers ou des centres équestres au cours des années 2012-2013, en Champagne-Ardennes, mais aussi dans le Nord du Pays, concernant une escroquerie perpétrée par des maquignons, comme à Rethel, dont le centre équestre avait été trompé par un éleveur qui s’était présenté au printemps après que le centre eût posté une annonce pour placer deux chevaux en retraite. L’homme aurait indiqué alors que les chevaux devaient encadrer des poulains dans un haras, mais le centre équestre a découvert que les chevaux avaient été revendus à un abattoir, selon l'avocat du plaignant. Le parquet de Charleville-Mézières, où une enquête était ouverte avait précisé qu’une quinzaine de plaintes étaient recensées « un peu partout » en France. Le magistrat instructeur avait précisé que, outre un transporteur de Carigan (Ardennes), « des transporteurs belges sont mis en cause, ainsi que des vétérinaires belges ou français qui auraient falsifié les carnets de santé des chevaux pour les faire passer en viande à consommer ».

Le 16 décembre 2013, quatre personnes sur les 21 interpellées devaient être déférées devant la juge d'instruction du pôle santé de Marseille. Le parquet signalait alors que, même si le trafic concernait 200 chevaux, la fraude devait être beaucoup plus importante, 50 chevaux étant abattus chaque semaine, rien qu’à Narbonne. L’Espagne était concernée par l’enquête, et l'abattoir de Gérone avait été perquisitionné.

La Fédération nationale des éleveurs professionnels d’équidés (FNEPE) dénonçait alors : « Un «réseau mafieux belge» serait parvenu «à contourner frauduleusement notre réglementation sanitaire» en rachetant à des centres équestres ou des particuliers des chevaux de selle pour les faire abattre après avoir soigneusement falsifié leurs carnets de santé ». La Coordination rurale (syndicat agricole minoritaire) dénonçait les mêmes faits, après de nombreuses plaintes de particuliers ou de centres équestres, à qui l’on avait fait croire que leurs chevaux allaient jouir d’une retraite paisible. Des maquignons complices promettaient aux propriétaires concernés une «retraite paisible» à leurs montures, qui finissaient en réalité à l’abattoir. Les animaux partaient alors en Belgique où leurs carnets de santé étaient alors falsifiés, puis ils revenaient en France pour y être abattus.

Déjà une condamnation...

Pendant trois ans, Jean Daubré a sévi dans le Nord-est de la France, promettant une retraite paisible à des chevaux en fin de vie sportive.
A 74 ans, il a comparu le 1er décembre 2014 pour abus de confiance et exécution d’un travail dissimulé devant le tribunal de Charleville-Mézières. Quatre cent vingt-trois chevaux étaient revendus pour un bénéfice certain à un boucher : quelque 131 500 € de bénéfice ont été empochés par le maquignon, sans qu’aucune entreprise n’ait été créée à cette occasion.
 L’accusé n’a pas convaincu ses juges en arguant du fait que les propriétaires savaient très bien où allaient leurs chevaux : il a été condamné à douze mois de prison dont neuf avec sursis et mise à l’épreuve pendant trois ans. Il devra indemniser les victimes et a interdiction d’exercer toute profession commerciale et de faire de la vente de biens et d’animaux.
 

C. Robert

27/04/2015

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