Le SEC : pour une autre organisation de la filière
Combien comptez-vous d’adhérents et avez-vous le sentiment que ratisser large correspond aux besoins du terrain ?
Nous avons dépassé les 230 adhérents, majoritairement des éleveurs et des cavaliers. Ils sont représentatifs du milieu professionnel et sont généralement issus des élevages et des écuries les plus importants de notre pays. Notre filière est dirigée par des associations où les intérêts des amateurs et des professionnels sont confondus. Pourtant, si les amateurs élèvent et montent à cheval pour leur plaisir, les professionnels, eux, le font pour vivre, d’où la nécessité impérieuse de créer un syndicat dédié aux professionnels.
L’analyse attentive des statistiques comparée entre l’élevage des chevaux et poneys de sport en France et dans les autres pays démontre une évidence : nous sommes très inefficaces. Les dirigeants de la filière, devant cette analyse, devraient se remettre en cause. Ils ne le font pas.
Depuis sa création, le SEC a suscité beaucoup d’espoir chez les professionnels et beaucoup de mépris chez les responsables de la filière. Ils protègent leur petit fonds de commerce au lieu de protéger la filière !
ON (généralement les responsables d’association) vous fait passer au mieux pour un « diviseur », au pire, pour un « casseur ». Que leur répondez-vous ?
C’est exactement le contraire. Un syndicat est nécessaire pour que la voix du peuple soit entendue. Les patrons de la filière sont issus généralement du monde associatif. Leur mode d’élection et la gouvernance pratiquée sont archaïques. Ils sont coupés du monde réel. Ce sont souvent des amateurs au service des amateurs. Ils sont trop dépensiers et ont perdu de vue les besoins de ceux qu’ils sont censés organiser.
Le SEC ne doit se substituer à personne. Les responsables de la filière pourront, grâce à notre syndicat, bénéficier des critiques et des suggestions venant des professionnels de la filière.
La filière se meurt sous les erreurs stratégiques, associées au désinvestissement du Ministère de l’Agriculture. Les responsables de la filière pensent que nous agissons en diviseurs, en casseurs ! Nous sommes là pour les réveiller, peut-être, mais surtout pour les aider. Ils doivent se réformer.
Nous croulons sous les frais excessifs imposés par une organisation obsolète, qui ne tient pas assez compte des contingences commerciales et de gestion.
Où en est votre recours contre la SHF et quel est aujourd’hui votre cheval de bataille ?
J’ai assigné la SHF à titre personnel, car seul un éleveur membre de la SHF pouvait le faire. Mon assignation a été déposée au TGI. La SHF doit répondre au TGI. J’attends leurs conclusions à l’assignation. Le tribunal jugera. Une fois la discrimination reconnue, nous agirons pour être indemnisés.
Aujourd’hui, notre cheval de bataille est d’expliquer aux hommes politiques que la filière représente une chance économique pour le pays. On ne nous voit pas, car nous sommes composés de milliers de toutes petites entreprises atomisées, mais notre poids économique est considérable, largement plus important que les chantiers de l’Atlantique ou Arcélor Mital dont on nous rebat les oreilles.
La filière, c’est 2 millions de personnes, dont près de 10 % de professionnels qui élèvent, dressent, forment, organisent, cavaliers, concours, et chevaux pour permettre à cette filière d’exister. Ils représentent un apport économique considérable et sont une part non négligeable du PNB.
Le SEC a pour mission principale d’en informer les politiques pour que les aides accordées aux autres sports soient aussi, et en même proportion, accordées à notre filière.
Les dotations doivent être augmentées, les frais de concours diminués, pour que les pratiquants de notre sport puissent le pratiquer sans se ruiner et surtout que les professionnels de la filière puissent vendre leurs chevaux ou leurs prestations au juste prix.
La banque publique d’investissement (BPI) doit se pencher sur cette filière pour nous aider à financer nos investissements. Savent-ils que nous existons ? A l’ENA, on leur a parlé du charbon et de l’acier, mais leur a-t-on parlé de la filière du cheval et du poney de sport ?
Qu’est-ce qui différencie le SEC des autres organismes de défense comme la FNC par exemple ?
La filière est complexe car elle est située au carrefour de l’élevage, du sport et du commerce ! Cette complexité est une des causes du désintérêt des pouvoirs publics.
La FNC est le syndicat des éleveurs d’équidés. Le cheval de sport, l’âne, le mulet, le cheval de boucherie, etc. Ce spectre très large, associé au fait qu’elle est absente du monde du sport, la rend inefficace à résoudre nos problèmes. Pour le problème pourtant simple de la TVA, la FNC a été incapable de défendre tous les acteurs de la filière. Elle a, néanmoins, obtenu, avec le GHN, le maintien provisoire de l’ancien taux de TVA, pour certains secteurs, hélas pas pour tous...
Le GHN est préoccupé par les clubs mais pas par les éleveurs et les cavaliers professionnels. Il joue un rôle de conseil très important et utile, mais incompatible avec le caractère nécessairement revendicatif d’un syndicat. Vous imaginez le MEDEF donnant des conseils de gestion ! ou la CGT expliquant comment remplir une feuille de paye. Chacun son rôle !
Vous êtes aussi éleveur, étalonnier, valorisateur, compétiteur, marchand. Quelle est votre vision de l’évolution du monde du cheval de sport à moyen terme dans le contexte de crise économique et de désengagement de l’état ?
Très globalement, je suis confiant car en période de crise européenne, si les produits manufacturés ont tendance à être fabriqués dans les pays à bas salaires, par contre les services, le tourisme, la culture et le sport seront des domaines en grande expansion dans les prochaines années. On assiste à ce phénomène aux Etats Unis, ce sera à l’identique en Europe. A nous de nous organiser.
Les stud-books français devront prendre une dimension mondiale tournée vers le marketing et le commerce. Ils devront effectuer leur travail de sélection à moindre coût en réformant radicalement leurs méthodes d’un autre âge. La prime au naisseur, abandonnée, devra être rétablie.
La SHF devra revenir à sa fonction première qui est d’organiser la formation du cheval et du poney de sport en adaptant ses programmes pour former, certes, mais sans ruiner les propriétaires de chevaux avec une diminution des coûts et une augmentation des dotations.
Les conseils généraux et régionaux devront prendre en compte la filière du cheval de sport dans les aides qu’elles accordent localement. Cela se pratique déjà dans certains départements où les présidents de départements et de régions ont tout compris. (Vendée, Orne, etc ) Il faut faire un travail d’explication auprès des autres. Pourquoi le sport hippique serait-il le parent pauvre parmi les autres sports ?
Enfin le Ministère de l’Agriculture devra négocier avec les syndicats professionnels pour une meilleure efficacité. Pour cela, il faut que le Ministre de l’Agriculture prenne conscience de la chance que nous avons d’avoir cette filière capable de donner du bonheur, des emplois et du PNB. Nous représentons un gisement de croissance. Il faut l’expliquer, le justifier et le faire savoir. C’est la mission principale du SEC.
L’Etat doit nous aider à nous réorganiser. La misère de la filière est telle que, si nécessaire, nous manifesterons bruyamment en bons syndicalistes…
Les politiques doivent comprendre que plus de 2 millions de personnes - tous passionnés par les chevaux et l’équitation - c’est une force économique non négligeable. Les hommes politiques doivent en prendre conscience.
Nous sommes déterminés à coopérer avec les responsables de la filière afin de leur faire remonter les revendications des professionnels et suggérer les mesures de réorganisation indispensables ».
Propos recueillis par ER
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