Le secret de la robe des chevaux Par Alice Persoons*
Rappel des fondamentaux
Les chromosomes composant le génome humain sont tous présents en 2 exemplaires : ce sont les chromosomes homologues, qui forment des paires. Les homologues sont identiques en taille et structure, à l'exception de la paire de chromosomes sexuels : X /Y pour l'homme et X/X pour la femme, où les chromosomes X et Y sont très différents et ne portent pas du tout les mêmes gènes. C'est le chromosome Y (présent seulement dans le code génétique des mâles) qui contient les gènes responsables de la masculinisation du fœtus et de la synthèse des hormones mâles (testostérone par exemple).
Comme les chromosomes, les gènes portés par ceux-ci sont également présents en 2 exemplaires : c'est ce qu'on appelle les allèles (les 2 copies d'un gène). Si les 2 allèles d'un gène sont identiques, on dit que l'individu est homozygote pour ce gène. Si les 2 allèles sont différents, on dit que l'individu est hétérozygote pour ce gène. Chez un hétérozygote, les allèles codent pour le même caractère, mais pas pour le même type (ex : si un gène code pour la structure des cheveux, un de ses allèles ode pour des cheveux lisses, l'autre pour des cheveux frisés)
1. Dans le cas de l'homozygotie, soit les 2 gènes s'expriment, soit un seul des 2 s'exprime, mais le résultat à l'échelle de l'individu reste le même puisque les allèles codent pour des caractères sensiblement identiques.
2. Chez les individus hétérozygotes, c'est plus complexe :
soit un seul allèle s'exprime et l'autre pas : on parle alors d'allèles dominant (s'exprime, écrit en lettre majuscule) et récessif (ne s'exprime pas, écrit en lettre minuscule). L'allèle dominant empêche l'expression de l'allèle récessif et impose donc son caractère à l'échelle de l'individu (ex : l'allèle « cheveux raides » masque l'expression de l'allèle « cheveux frisés », donc l'individu aura les cheveux lisses. Cependant, comme il possède l'allèle « cheveux frisés », et bien qu'il ne s'exprime pas, il transmettra à sa descendance la capacité d'avoir les cheveux frisés).
soit les 2 allèles s'expriment et dans ce cas le caractère est codé à moitié par un allèle et à moitié par l'autre : il y a dilution du caractère (ex : les peaux « café au lait » issues d'un parent noir un d'un parent blanc)
Qu'en est-il pour le cheval ?
Il semble que 6 gènes différents soient responsables de la pigmentation de la peau et des poils (robe) de l'animal.
1) Gène W (White) : code pour une incapacité à former le pigment de la peau et des poils = albinisme.
En présence d'un allèle dominant W chez le poulain (W/w), il y a absence de pigments sur la peau et les poils. Sa peau sera rose, ses yeux bruns (parfois bleus) et son pelage blanc.
Le poulain est appelé blanc ou albinos, et il est totalement blanc dès sa naissance.
L'allèle W (dominant) est rare et la plupart des poulains sont w/w, c'est-à -dire que les 2 allèles de ce gène sont récessifs et ne s'expriment pas. C'est ce qui fait que peu de chevaux sont albinos.
2) Gène G (Grey) : code pour une perte de pigmentation des poils.
Comme chez les humains, qui voient leur chevelure grisonner avec l'âge, les chevaux peuvent acquérir progressivement une robe grise avec l'âge. Un poulain né avec un allège G (dominant, qui s'exprime) aura d'abord une robe de n'importe quelle couleur mais perdra progressivement celle-ci en vieillissant au profit d'une robe « blanche-grise» unie ou grise avec des taches rouges ou noires. Les premiers signes de « grisonnement » de la robe se remarquent généralement autour des yeux.
Le poulain à droite est de couleur « Tobiano », mais comme il possède l'allèle G dominant, il grisonne progressivement (on remarque les ronds gris autour de ses yeux).
Contrairement aux chevaux "blancs" (W/w), les chevaux "gris" (G/g) naissent pigmentés et, bien que passant par des stades d'éclaircissement progressifs du pelage, ils restent toujours pigmentés au niveau de la peau et des yeux.
Les chevaux gris sont G/G ou G/g, et les chevaux non gris sont g/g. Comme le pelage « gris » est dû à au moins un allèle dominant, au moins un des parents du poulain gris doit être gris lui-même (G /g ou G/G).
3) Gène E : code pour le pigment Noir pour les poils.
Si un cheval porte des poils noirs sur tout le corps ou sur une partie du corps, il possède l'allèle E dominant.
S'il porte l'allèle e (récessif), le pigment noir se trouve dans la peau mais pas dans les poils, et la robe prend une couleur « rougeâtre ». Un individu e/e porte une robe de châtain clair à châtain foncé (photo 2), voire châtain (photo 3) ou oseille (photo 4).
Cheval e/e : robe rouge « châtain foncé »
Cheval e/e : robe rouge « châtain »
Cheval e/e : robe rouge « oseille »
Les chevaux rouges n'étant ni gris, ni blancs, leurs allèles de couleur de robe pour les 3 gènes sont : g/g, w/w, e/e.
Le croisement de 2 parents « rouges » (g/g, w/w, e/e) ne peut donner que des descendants « rouges » g/g, w/w, e/e.
4) Gène A : il contrôle l'intensité et la localisation du pigment noir dans la robe.
Si un poulain porte les allèles A et E (dominants, s'expriment), il y a restriction des pigments noirs, le pelage aura peu de poils noirs et la robe sera « bai ».
Cheval avec allèles « A, E/e » : robe « bai »
Les chevaux « A,E/e » ont des couleurs de robe allant de « bai » à « bai foncé », en passant par le « marron », le « bai acajou », le « bai sanguin », le « bai cuivré » et le « bai clair ». Tous les chevaux « bai » sont A, E/e, w/w, g/g.
Cheval avec allèles « A, E/e » : robe « bai foncée », due à la présence de pigments noirs dans un plus grand nombre de poils.
Si le poulain porte l'allèle a en présence de l'allèle E (dominant qui code pour le pigment noir), il n'y a pas de restriction de localisation du pigment noir dans les poils, tous les poils sont donc noirs et la robe est uniformément « noire ». Ce genre de robe reste rare.
Robe « noire », allèles « a, E/e »
La plupart des chevaux noirs s'éclaircissent au soleil, surtout autour du museau et sur les flancs, et donc ces animaux peuvent parfois être considérés comme « marrons ». La robe marron peut donc caractériser des profils génétiques différents : chevaux rouges, bai, bai foncé et noirs.
Les allèles A ou a n'influencent pas la localisation et l'intensité du pigment dans la robe des chevaux e/e, pour lesquels le pigment noir ne se trouve que dans la peau.
5) Gène C : permet une dilution du pigment rouge.
Un des allèles du gène C, appelé Ccr, provoque une dilution du pigment (il perd de son intensité). Les chevaux totalement pigmentés portent les 2 allèles dominants C/C.
Les chevaux hétérozygotes C/Ccr voient leur pigment rouge devenir jaune, mais le pigment noir n'est pas affecté.
Ainsi, un cheval bai « A,E » devient un Bucksin « A,E,C/Ccr », photo 8.
Cheval bucksin (A, E, C/Ccr) dont la couleur rouge du corps est devenu jaunâtre, mais dont le pigment noir de la queue et de la crinière n'est pas affecté. Sa formule génétique est alors : g/g, w/w, A, E, C/Ccr.
Un cheval rouge « e/e » devient un palomino (photo 9)
Cheval palomino dont la couleur de la robe passe de rouge à jaune ; la crinière et la queue deviennent couleur « lin ». Sa formule génétique est alors : g/g, w/w, e/e, C/Ccr.
Chez les chevaux pour lesquels le gène C est homozygote « Ccr/Ccr », la dilution du pigment est encore plus forte, et concerne toute la robe. Les chevaux sont alors appelés cremello, perlino ou albinos. Les chevaux Cremello sont difficiles à distinguer des chevaux « blancs » : leur seule différence réside dans le fait que la robe des Cremello est couleur « crème » alors que celle des chevaux blancs est blanche.
Poney Cremello dont les caractéristiques sont une peau rose, une robe crème et des yeux bleus.
6) Gène D : permet une dilution des pigments rouge ET noir.
Le gène D permet un second type de dilution des pigments mais son effet peut être confondu avec celui du gène Ccr. Cependant, le gène D diminue l'intensité des pigments rouge et noir sur tout le corps mais conserve les pigments intacts sur certaines zones : des raies sombres sur les épaules, le dos et les jambes persistent.
De plus, la robe rouge passe à une couleur « rouge-rosée », « orangée » ou « jaunâtre », et la robe noire est changée en une couleur « gris-souris ».
Enfin, l'homozygotie « D/D » n'augmente pas l'effet de la dilution jusqu'à des robes « crème », contrairement à l'homozygotie « Ccr/Ccr » du gène C. Ce type de dilution de pigment est appelé « dun ».
*Master de Biologie
à l'Université de Nancy
Source : The Regents of
the University of California.
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