L’eclectisme décoiffant de Bernard Lecherbonnier
Selection Livres par Jean-Louis Gouraud Il y a des gens comme ça, qui savent tout, qui peuvent parler savamment de tout, passer d’une idée à l’autre, d’un sujet à l’autre sans jamais dire de bêtises - alors que tant d’autres, à l’inverse, profèrent une ânerie dès qu’ils
ouvrent la bouche ou prennent la plume (suivez mon regard…).
Bernard Lecherbonnier appartient à la première catégorie. Professeur agrégé des universités, éditeur, romancier, entrepreneur, essayiste, on pourrait lui appliquer la formule utilisée au XVIIIe siècle, je crois, pour désigner je ne sais plus quel encyclopédiste (Lecherbonnier, lui, le sait sûrement) : ?« un touche-à -tout de génie ».
Expert ès littérature africaine, ès télévision, ès à peu près tout, il se fait, selon les besoins, historien, linguiste ou politique, passant avec virtuosité non seulement d’une spécialité à l’autre, mais aussi d’un genre à l’autre, comme il vient de le prouver en publiant, coup sur coup, un roman et un pamphlet.
Le roman ? Une grandiose histoire d’amour(s) dans une France en pleine mutation industrielle, un Second Empire festif et libertin, un milieu où l’on croise de jolies femmes faciles et de beaux chevaux difficiles. L’Alezan de Crimée (éditions du Rocher), c’est son titre, propose tous les ingrédients nécessaires à la réalisation d’un grand film à costumes, d’un grand feuilleton, idéal pour à la fois émouvoir et cultiver, distraire et instruire. Bref : l’indispensable roman de vos prochaines vacances.
Le pamphlet ? Un plaidoyer, plutôt, écrit en collaboration avec Patrick Lozès, président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France, pour une collection (à dire vrai, chez Larousse) dans laquelle on ne déteste pas la polémique. Ici, cela commence dès le titre : Les Noirs sont-ils des Français à part entière ? Contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, Lecherbonnier n’est pas noir (!), mais cela ne l’empêche pas de défendre avec éloquence la cause de ces quatre ou cinq millions de Français d’origine africaine plus ou moins lointaine auxquels la République, qui prône pourtant l’égalité et la fraternité, tarde tant à donner une place. Non pas par charité, proclame-t-il : simplement par justice.
Dans ce libelle, on trouve (page 60) une phrase terrible d’un de ces touche-à -tout de génie du XVIIIe siècle dont je vantais tout à l’heure l’existence. Il s’agit ici de Buffon, qui aurait écrit quelque part que « le nègre est à l’homme ce que l’âne est au cheval ». Quelque peu troublé par cette assertion, j’ai demandé à Bernard Lecherbonnier d’où il sortait cette curieuse citation. Voici sa réponse :
« Vous avez raison de soulever le caractère ambigu (de cette phrase). Le texte authentique est plus nuancé. Buffon dit que le nègre serait à l’homme blanc ce que l’âne est au cheval si leur relation, en matière de reproduction, était de même nature. Quand on sait les rapports que peuvent avoir l’Âne et le Cheval, on est en droit de s’interroger sur le sens exact de son assertion.
De fait, Buffon a beaucoup varié au cours de sa vie au sujet de l’espèce humaine. Dans La Nomenclature des singes, il se range à la théorie du nègre comme maillon entre le singe et l’homme. Ensuite, il rejette cette conception au nom de l’Unité de l’espèce humaine. Cependant il considère que l’homme blanc de type méditerranéen est la souche unique des autres branches, dont celle des nègres. Comme il n’adhère pas à la théorie des climats, il voit plutôt dans la variation mélanique un effet de l’éducation et des moeurs. Et il suggère d’enfermer quelques nègres au Danemark pendant quelques générations : nul doute qu’ils «se laveraient» et blanchiraient. »
Je vous avais prévenu : Bernard Lecherbonnier sait à peu près tout sur tout. C’est un gars épatant. Et encore, je n’ai pas dit le plus beau : il est le père d’une fille magnifique, Maïna, qui fait preuve, comme son papa, d’un éclectisme époustouflant : après avoir conçu des ouvrages scolaires pour les élèves de Djibouti, importé du café d’Ethiopie, vendu des livres neufs à prix d’occasion, écrit quelques romans pornos et usé quelques montures, la voilà partie chercher du ?pétrole quelque part, je crois, dans les sables de la Mauritanie. Quelle ?famille !
Bernard Lecherbonnier appartient à la première catégorie. Professeur agrégé des universités, éditeur, romancier, entrepreneur, essayiste, on pourrait lui appliquer la formule utilisée au XVIIIe siècle, je crois, pour désigner je ne sais plus quel encyclopédiste (Lecherbonnier, lui, le sait sûrement) : ?« un touche-à -tout de génie ».
Expert ès littérature africaine, ès télévision, ès à peu près tout, il se fait, selon les besoins, historien, linguiste ou politique, passant avec virtuosité non seulement d’une spécialité à l’autre, mais aussi d’un genre à l’autre, comme il vient de le prouver en publiant, coup sur coup, un roman et un pamphlet.
Le roman ? Une grandiose histoire d’amour(s) dans une France en pleine mutation industrielle, un Second Empire festif et libertin, un milieu où l’on croise de jolies femmes faciles et de beaux chevaux difficiles. L’Alezan de Crimée (éditions du Rocher), c’est son titre, propose tous les ingrédients nécessaires à la réalisation d’un grand film à costumes, d’un grand feuilleton, idéal pour à la fois émouvoir et cultiver, distraire et instruire. Bref : l’indispensable roman de vos prochaines vacances.
Le pamphlet ? Un plaidoyer, plutôt, écrit en collaboration avec Patrick Lozès, président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France, pour une collection (à dire vrai, chez Larousse) dans laquelle on ne déteste pas la polémique. Ici, cela commence dès le titre : Les Noirs sont-ils des Français à part entière ? Contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, Lecherbonnier n’est pas noir (!), mais cela ne l’empêche pas de défendre avec éloquence la cause de ces quatre ou cinq millions de Français d’origine africaine plus ou moins lointaine auxquels la République, qui prône pourtant l’égalité et la fraternité, tarde tant à donner une place. Non pas par charité, proclame-t-il : simplement par justice.
Dans ce libelle, on trouve (page 60) une phrase terrible d’un de ces touche-à -tout de génie du XVIIIe siècle dont je vantais tout à l’heure l’existence. Il s’agit ici de Buffon, qui aurait écrit quelque part que « le nègre est à l’homme ce que l’âne est au cheval ». Quelque peu troublé par cette assertion, j’ai demandé à Bernard Lecherbonnier d’où il sortait cette curieuse citation. Voici sa réponse :
« Vous avez raison de soulever le caractère ambigu (de cette phrase). Le texte authentique est plus nuancé. Buffon dit que le nègre serait à l’homme blanc ce que l’âne est au cheval si leur relation, en matière de reproduction, était de même nature. Quand on sait les rapports que peuvent avoir l’Âne et le Cheval, on est en droit de s’interroger sur le sens exact de son assertion.
De fait, Buffon a beaucoup varié au cours de sa vie au sujet de l’espèce humaine. Dans La Nomenclature des singes, il se range à la théorie du nègre comme maillon entre le singe et l’homme. Ensuite, il rejette cette conception au nom de l’Unité de l’espèce humaine. Cependant il considère que l’homme blanc de type méditerranéen est la souche unique des autres branches, dont celle des nègres. Comme il n’adhère pas à la théorie des climats, il voit plutôt dans la variation mélanique un effet de l’éducation et des moeurs. Et il suggère d’enfermer quelques nègres au Danemark pendant quelques générations : nul doute qu’ils «se laveraient» et blanchiraient. »
Je vous avais prévenu : Bernard Lecherbonnier sait à peu près tout sur tout. C’est un gars épatant. Et encore, je n’ai pas dit le plus beau : il est le père d’une fille magnifique, Maïna, qui fait preuve, comme son papa, d’un éclectisme époustouflant : après avoir conçu des ouvrages scolaires pour les élèves de Djibouti, importé du café d’Ethiopie, vendu des livres neufs à prix d’occasion, écrit quelques romans pornos et usé quelques montures, la voilà partie chercher du ?pétrole quelque part, je crois, dans les sables de la Mauritanie. Quelle ?famille !
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