Les Coudrettes : la trajectoire aventurière d’Emmanuèle Perron-Pette
Emmanuèle, comment êtes-vous arrivée dans les chevaux ?
Je suis arrivée à 4 ans parce que j’avais une sÅ“ur plus âgée qui montait à cheval et donc comme je l’accompagnais au centre équestre, ma maman m’a également inscrite. A 12 ans, la passion était là et je suis arrivée au centre équestre de l’Etrier de Claye-Souilly.Â
Quelles ont été les étapes pour arriver aux Coudrettes ?
Eh bien très simplement. Ce centre équestre dirigé par Bernard Bouton était dans le ressort de ce que l’on appelait à l’époque la Ligue de Fontainebleau. Ma génération est celle d’un bon cru : celle de Patrice Delaveau, Roger-Yves Bost, de Philippe et Thierry Rozier que je côtoyais sur les concours cadets et juniors. Donc j’ai fini par devenir totalement passionnée comme beaucoup de jeunes le sont aujourd’hui et ça a été ma vie jusqu’à 18 ans, tout en allant à l’école. Contrairement à Patrice, Bosty et Philippe, j’étais meilleure à l’école qu’à cheval. Petit à petit la vie m’a un peu éloignée des chevaux parce que j’ai fait des études, en France et à l’étranger, puis j’ai commencé à travailler … et finalement ce sont mes enfants qui m’ont ramenée vers les chevaux. Je suis partie un week-end en vacances à Pompadour avec eux et je me suis remise à cheval après 17 ans d’arrêt. Mais c’est comme le vélo, ça ne se perd pas complétement. La passion est quant à elle revenue immédiatement, c’était fulgurant … et six jours plus tard je suis repartie en ayant acheté un cheval de 4 ans, Muscat Doré. J’allais le monter tous les week-ends à Pompadour en attendant une place à l’Etrier de Paris (sans succès). C’est alors que ma rencontre avec Julie Gadal, monitrice-instructrice, a été décisive. Après avoir fait l’acquisition « impulsive » (rires) de trois chevaux avec mon mari aux ventes de Fences et surtout de Pompadour, nous avons cherché un endroit pour y installer nos chevaux. Il y a eu Poète de Preuilly puis Qurack de Falaise qui a fait beaucoup parler de lui et qu’on a toujours, c’est notre mascotte. C’est donc en cherchant un lieu pour nous poser que nous sommes arrivés en Normandie où une propriété de campagne sur un lieu-dit appelé Les Coudrettes était à vendre. C’était une maison avec des paddocks et pas grand-chose d’équestre d’ailleurs sur 5 hectares. On a relevé nos manches et on a tout retapé, agrandi et voilà on a démarré comme ça. Nos enfants se sont mis à monter aussi beaucoup, plutôt bien, et l’aventure familials a commencé. Un soir, au gré d’un dîner chez nos amis et voisins, André et Annick Chenu, je retombe sur Patrice 25 ans après. Comme il était un peu dans un passage à vide et que nous avions fait entre temps l’acquisition de Baritchou, je lui ai proposé de le prendre dans son écurie et de venir coacher Julie qui faisait du concours. A l’époque il avait Ornella Mail qu’il préparait et en laquelle il croyait beaucoup mais Bernard Le Courtois avait besoin de la vendre, ce qui était une catastrophe pour Patrice, parce que tout l’espoir de son renouveau dans le grand sport c’était Ornella. Nous avons alors acheté Ornella pour Patrice. L’aventure du haut niveau a commencé comme cela dans les années 2009-2010.
La grande chance du Haras des Coudrettes c’est d’être installé dans un petit village où nos voisins sont André et Annick Chenu. Ils sont devenus notre famille, et à la même période il y avait chez eux un cheval de 4 ans qui s’appelait Orient Express. L’histoire d’amour que l’on a tous ensemble a fait qu’ils ont décidé de nous vendre Orient Express plutôt qu’à d’autres et l’aventure a continué avec Patrice et Orient. C’était sûrement à ce moment-là que l’aventure Haras des Coudrettes a pris son envol.
Vous êtes passés du sport à l’élevage sans transition ?
Pas tout à fait. C’est encore une histoire de passion avec Armand. Nous n’avons jamais eu de plan stratégique de type concours, étalons, élevage… simplement quand vous avez la chance d’avoir à la retraite dans vos paddocks sous vos fenêtres un Orient Express et une Silvana, alors oui forcément vous avez envie, vous avez vraiment très envie, d’avoir des poulains de ces deux cracks-là et vous vous lancez dans cette deuxième vie d’éleveur qui est absolument passionnante. C’est vraiment un coup de cÅ“ur. On a donc commencé à faire naître, d’abord très peu, un ou deux poulains par an qui ont 6-7-8 ans dont Call Me Express*HDC qui est meilleure jument de France cette année, on a Divine Express qui est vice-championne de France à 6 ans. Ce sont des poulains d’Orient nés à la maison, et là c’est encore une autre aventure, un bonheur d’arriver à faire naître, valoriser, travailler et créer une vraie structure autour de ces chevaux-là . Et puis la dernière étape c’est … maintenant : une structure 100 % professionnelle construite autour de nos activités d’éleveurs, étalonniers et propriétaires de chevaux de sport. On y met 200 % de notre énergie avec une équipe de professionnels de talent. Le Haras des Coudrettes fait naître depuis 3 ans une quinzaine de poulains par an dans notre site de 40 hectares dédié à l’élevage à l’entrée du village.Â
Et justement, cette équipe *HDC dont vous parlez souvent ?
Depuis 2014, c’est Delphine Perez qui est en charge de la valorisation de tous les chevaux de sport. Elle dirige une équipe de cavaliers – soigneurs sur le site des Coudrettes, Milena a pris en main l’élevage au Lys et Patrice Delaveau règne sur le Haras de la Forge … et je fais en sorte que toute cette équipe travaille en parfaite harmonie main dans la main. L’arrivée de Nicolas Touzaint dans cette équipe qui nous a emmenés dans le Complet nous apporte aussi beaucoup, beaucoup de bonheur. Cette discipline est aussi magnifique.Â
Avec combien de chevaux ?
Deux chevaux aujourd’hui sélectionnés pour participer aux Jeux Olympiques avec Nicolas et deux jeunes nés à l’élevage qui sont maintenant chez lui. Il y a Demoiselle Platine (Quite Easy et Platine du Rouet x Robin II Z) qui est 3e du Championnat de France cette année et 4e aux Championnat du Monde du Lion d’Angers et Fifty Jump (Carinjo 9*HDC et Caretina Alia Z x Caritano Z) qui vient d’arriver chez Nico.Â
L’écurie sport se trouve à côté de Deauville ?
Tout comme les Coudrettes avec Delphine, la Forge où est Patrice est une structure 100 % sport que l’on met à la disposition de la Fédération Française pour l’entrainement de tous les cavaliers de l’Equipe de France qui sont dans la région. Patrice et sa fille Valentine ont une vingtaine de chevaux de sport. Patrice à la responsabilité toute la structure.
En fait notre activité est sur trois sites : les Lys au Mesnil Mauger à l’entrée du village avec 40 hectares où se trouve la pouponnière pour les chevaux de 0 à 3 ans. En fin d’année de 3 ans, pour le débourrage, ils passent de l’autre côté du village et montent aux Coudrettes sous la direction de Delphine, et là ils grandissent grâce au talent de toute une équipe (Claire, Sylvain, Audrey, Sébastien, Enzo, Manon) participent au cycle classique … Puis certains sont commercialisés (cela devient une activité importante du haras car nous avons maintenant 15 naissances par an), d’autres restent sous la selle de Delphine pour faire du haut niveau, et d’autres sont confiés plus tard à Patrice à la Forge. Il faut reconnaître que le commerce de nos chevaux devient un axe majeur de notre développement. Kevin monte encore For Joy en piste pour nous sans pour autant être domicilié sur place. Â
Qu’est-ce qui fait courir les Coudrettes ?
La même passion qui vous fait courir vous, et tous les hommes et femmes de cheval, c’est exactement la même. Je crois que c’est la même passion qui fait courir 95% des gens qui évoluent dans le sport, je ne parle pas des courses que je ne connais pas. On est quand même dans une relation avec les chevaux qui est hallucinante. Imaginez-vous un moment, ce que je ressens le jour où Call Me Express*HDC, cette fille d’Orient que j’ai fait naître et qui m’est tombée dans les bras dans la paille, devient meilleure jument de France à Fontainebleau, ça me fait presque le même effet qu’une médaille d’or aux Jeux Olympiques.
Alors je fais peut-être un peu trop de sentiments, c’est mon défaut, il faut que j’apprenne à en faire moins mais oui j’aime vraiment mes chevaux. Nos poulains qui naissent sont tous issus de juments et/ou étalons avec lesquels on a vécu une histoire d’amour, alors forcément…Â
Vous voilà maintenant dans le gotha des étalonniersÂ
On vend les saillies des étalons que vous connaissez, qui étaient sous la selle de Delphine, Patrice et Kevin, qui le sont pour certains encore comme Silver ou Fibonacci. D’autres sont retraités comme Carinjo et Orient Express. Ce qui m’amuse beaucoup maintenant c’est d’avoir deux fils d’Orient et de Carinjo que j’adore qui étaient à Bordeaux et à St Lô chacun avec leur père, les quatre étant approuvés SF bien sûr. C’est quand même très sympathique que les gens puissent approcher leurs étalons de cÅ“ur qu’ils ont vus en piste et qu’ils ont aimés, parce que je crois que franchement Orient Express aura marqué les passionnés de ce sport. C’est chouette aussi pour le public de voir que : UN on continue à les aimer, DEUX ils sont toujours aussi beaux, soignés et bien traités (c’est un vrai sujet), et TROIS qu’ils ont maintenant des fils de 4-5-6-7 ans. C’est cela qui nous fait tous nous lever le matin. C’est l’avenir.Â
Et que fait Mme Perron-Pette quand elle ne s’occupe pas de ses poulains ?
Elle a plusieurs vies Mme Perron-Pette (rires). Je suis entrepreneur de travaux publics, c’est cela ma vraie vie, ma première passion et ma grande fierté. Les entrepreneurs de travaux publics sont des gens formidables, courageux, innovants au service de l’aménagement du territoire. Je suis aussi très impliquée dans le monde portuaire notamment via le Grand Port Maritime du Havre, parce que c’est un merveilleux outil de développement et de rayonnement pour la France, j’en suis aussi très fière. Donc du lundi au vendredi Mme Perron-Pette s’occupe de ses activités de travaux publics, industriels et portuaires puis le vendredi, samedi, dimanche, elle s’occupe de ses chevaux.Â
Une vie bien remplie ?
Madame Perron-Pette ne prend pas beaucoup de vacances (rires).
Etienne Robert
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