Les fibres et les aliments fibreux
Les fibres ont la côte chez les humains comme chez les chevaux. A coups d’arguments publicitaires, on vous vante les mérites des aliments riches en fibres qui sont supposés n’avoir que des qualités : meilleure digestion, alimentation plus naturelle, prévention des ulcères… tout on vous dit, un vrai sirop Typhon… !



Mais vous, pour votre cheval ou votre poney, est-il vraiment intéressant d’acheter un aliment riche en fibres ?



P’tet ben qu’oui, p’tet ben qu’non… Regardons ensemble la question.



Les fibres insolubles, ce sont les structures de soutien de la plante, ce qui permet à la tige de tenir debout, à la feuille de ne pas pendre lamentablement et au chêne de ne pas ressembler à un roseau. Sur un plan chimique, on a la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. Plus une structure est rigide, plus elle contient de lignine et moins elle sera digestible.



En France, on parle de cellulose brute. Dans d’autres pays, on utilise TDF (Total Detergent Fiber), ADF (Acid Detergent Fiber) et NDF (Neutral Detergent Fiber). Cela correspond à des méthodes différentes mais elles ont en commun de n’être qu’une estimation des différents types de fibres.



Voyons les contraintes que nous avons :



1. Pour être bien, un cheval doit recevoir une ration qui fait au minimum 15 à 18 % de cellulose brute.



2. Sauf pour les poulains de moins de 18 mois qui digèrent mal la cellulose, le taux de fourrage dans la ration ne devrait jamais descendre en dessous de 50 %.



3. Plus on élève le taux de cellulose, plus la digestibilité baisse et moins la ration sera énergétique pour un volume donné.



4. Au-delà d’un certain taux de cellulose, il peut devenir impossible pour le cheval de manger un assez grand volume pour subvenir à ses besoins. A l’extrême, on arrive à un cheval dénutri avec un gros ventre.



5. Un cheval doit mastiquer au minimum 6 heures par jour pour son confort digestif et psychologique… plus, c’est mieux.



Un foin, c’est environ 30 % de cellulose brute (/MS). Une herbe au stade pâturage, c’est légèrement moins.



Donc si vous avez un régime qui comprend 75 à 100 % de fourrage (critère 2), vous aurez largement l’apport en cellulose brute minimale pour une bonne digestion (critère 1) et un temps d’occupation suffisant (critère 5). Donc ajouter un aliment riche en cellulose brute ne vous apportera strictement rien. Au contraire, il peut vous diminuer la digestibilité globale de votre ration (critère 3) voire rendre votre cheval incapable de manger assez si ses besoins sont élevés (critère 4).



Par contre, si vous avez un taux de fourrage assez bas, un aliment riche en fibres devient intéressant.



Évidemment, donner un aliment riche en cellulose à un poulain de moins de 18 mois, est contre-productif puisque non seulement la cellulose, il la digère mal mais en plus cela va diminuer la digestibilité des autres constituants de la ration.



Ceci étant, j’ai eu la curiosité de vérifier les teneurs en cellulose de différents produits très connus qui revendiquent fièrement leur richesse en fibres et qui brandissent le mot « Fibres » dans leur nom commercial… et bien elle peut varier de 24 % ce qui constitue un apport conséquent, à 14 % ce qui les met légèrement au-dessus de l’avoine, voire à 9 % soit seulement deux fois l’orge…



Sachant que le taux classique pour des aliments qui ne revendiquent absolument rien est entre 10 et 15 %.



C’est dire si le terme fibres sur le sac doit être pris avec moult précautions.



Alors on vous parlera de la longueur des fibres qui augmente le temps de mastication, facilite l’insalivation et ralentit l’ingestion.



L’augmentation du temps de mastication est peu importante. Cela ne ramène pas le produit à un fourrage. Donc, si l’apport minimal en fourrage est suffisant, le bénéfice d’un tel produit est négligeable. Même remarque pour l’insalivation. A noter que pour le cheval, à l’inverse du ruminant la longueur des fibres n’est pas un paramètre indispensable à une bonne digestion.



Le fait est que cela ralentit l’ingestion des chevaux gloutons et sujets aux bouchons oesophagiens. Mais les vielles méthodes comme le caillou dans la mangeoire ou le mélange avec du foin, font le même effet bien qu’elles puissent d’avérer moins pratiques.



Et puis, il y a l’argument de l’obésité façon Weight Watcher qui affirme que sans un aliment riche en fibres votre poney gonflera comme un ballon de baudruche à la Foire du trône… Or lorsqu’on regarde les valeurs UFC des aliments fibres, on trouve des chiffres compris entre 0,75 et 1,1 UFC au kg ce qui correspond tout à fait aux aliments classiques.



Bref, utiliser un aliment riche en fibres pour un cheval pour lequel l’apport en fourrage est limité que ce soit pour des raisons de mastication (vieux cheval), de capacité d’approvisionnement et de stockage, d’habitudes alimentaires de l’écurie, ou qui est un spécialiste des bouchons oesophagiens peut être une excellente solution.



Mais si on apporte 2 litres d’aliment à un cheval au pré qui reçoit en outre du foin à volonté et qui n’a jamais fait l’ombre d’un bouchon, le choisir « riche en fibres » c’est acheter du sable en habitant au Sahara.



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