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Les Français avancent dans la génomique du cheval de sport

  • L’embryon est récolté lorsqu’il a 7 jours par voie naturelle
 , (Photo Inra, Science et impact)
    L’embryon est récolté lorsqu’il a 7 jours par voie naturelle
 , (Photo Inra, Science et impact)


Des poulains venus du froid
Mai 2014, une première en Europe : la naissance de quatre poulains cryoconservés et génotypés en mai 2014 montre qu’il est aujourd’hui possible de produire des embryons équins in vivo, d’en prélever quelques cellules, de les cryoconserver, puis de les réimplanter sur une autre jument. Une grande

Des poulains venus du froid


Mai 2014, une première en Europe : la naissance de quatre poulains cryoconservés et génotypés en mai 2014 montre qu’il est aujourd’hui possible de produire des embryons équins in vivo, d’en prélever quelques cellules, de les cryoconserver, puis de les réimplanter sur une autre jument. Une grande avancée technologique pour la génétique équine. Cela s’est passé au sein de l’unité expérimentale équine de l’Inra en Indre et Loire, et cela leur a pris sept ans : la naissance de quatre poulains cryoconservés (dans l’azote liquide) et génotypés en mai 2014. Là, nous pouvons réellement parler de révolution...


Comment ? Mode d’emploi...


170 poneys Welsh, le plus grand troupeau expérimental d’Europe, 40 hectares de pâturages, deux ingénieurs de recherche et six techniciens... But du jeu : améliorer la fertilité des troupeaux et les techniques de reproduction in vitro et in vivo.


Plus l’embryon est gros, plus il est difficile à cryoconserver, car le liquide dans lequel il baigne tend à se cristalliser au grand froid ; au dégel l’embryon n’est plus viable.


En extrayant l’ADN, à deux jours (2 à 8 cellules disjointes) c’est facile, mais sur des embryons de 7 jours (entre 300 à 3 000 cellules selon les cas), beaucoup moins ! De plus, les embryons équins sont entourés d’une capsule qui gêne leur bonne cryoconservation. On plonge l’embryon dans une cuve d’azote de -196°. Il est essentiel de le congeler ultra-rapidement. En quelques secondes il passe de l’état liquide à l’état amorphe.


Délicat sur le cheval...


« C’est une technique délicate sur le cheval qui nous a pris sept ans à maîtriser, surtout l’étape de cryoconservation », explique Florence Guignot, ingénieur de Recherche à l’Inra. Elle travaille au sein d’une unité qui étudie le développement des toutes premières divisions de cellules de l’embryon chez les mammifères. Et rien n’est simple : alors que congeler un embryon est une chose aisée chez l’homme, la vache ou la brebis, cela devient très compliqué chez le cheval ou le porc voire quasi impossible chez l’âne : chez ce dernier, on ne maîtrise même pas encore l’insémination artificielle! » On est capable, depuis les années 80, de conserver de la semence de certaines espèces pendant longtemps dans de l’azote liquide à -196°C. On a pu dégeler au bout de trente ans de la semence de bélier et obtenir un petit agneau parfaitement sain ! Il est aussi possible de conserver les cellules reproductives femelles, les ovocytes, mais la technique, très délicate, est inapplicable à grande échelle. L’alternative est de conserver l’embryon, qui permet une restauration encore plus rapide du patrimoine génétique qui nous intéresse », détaille Pascal Mermillod, directeur de recherche à l’Inra.


L’intérêt ?


Il est aujourd’hui possible de prélever des cellules sur un embryon équin pour analyser sa génétique, de le conserver dans le froid, puis de le faire naître avec succès, c’est à dire des années plus tard, par exemple. L’intérêt est essentiel : autant la voie mâle est facilement préservée puisque les paillettes de sperme se conservent très bien, autant la voie femelle est lésée, les ovocytes étant très difficilement cryoconservables. Difficile donc de réellement conserver la diversité génétique des espèces.


Quelles perspectives ouvre cette première
européenne ?


La possibilité de conserver des embryons au froid présente plusieurs intérêts. On pourra par exemple maintenir la biodiversité des races, et notamment celles à petits effectifs comme le poney landais ou le cheval de trait Poitevin mulassier. D’autre part, la limite actuelle à l’essor du transfert d’embryon est liée au coût élevé, pour un centre de transfert, d’entretenir un troupeau de juments receveuses, celles-ci devant être synchrones avec les juments donneuses. La cryoconservation permettrait donc de différer le transfert dans le temps et de l’effectuer uniquement lorsqu’une receveuse synchrone est disponible. Enfin, la régénération des troupeaux qui auraient subi des pertes suite à des problèmes, sanitaires ou autres, devient également envisageable directement sans passer par des croisements avec une autre race.


Et maintenant ?


Florence Guignot n’en n’a pas fini : pour elle, l’essentiel est maintenant de simplifier tout ce processus pour le rendre accessible à toute la filière équine. Le génotypage des embryons avant implantation permettra en effet de détecter leur prédisposition à certaines maladies, leur robe, comportement, ou aptitude à courir.


Des socioprofessionnels demandeurs d’éléments concrets


En France, des études sur le génome ont déjà commencé avec deux importants programmes de recherche en partie financés par le COST (comité d’orientation scientifique et technique) de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) : Genequin, qui porte sur les maladies à composante génétique, et JUMPSNP, dont le but est de chercher les marqueurs génomiques de l’aptitude au saut d’obstacle, et leur application à la sélection génomique.


• GENEQUIN porte sur les anomalies de l’ostéochondrose et du cornage, projet mené en collaboration étroite entre les spécialistes de la médecine sportive du CIRALE (Pr. Jean-Marie Denoix porteur du projet), de la génétique moléculaire de l’INRA (Gérard Guérin), sur les sites de Jouy-en-Josas, Toulouse et Evry et de la génétique quantitative de l’IFCE (Anne Ricard). Ce projet a été labellisé par le Pôle de compétitivité filière équine et a obtenu un co-financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), du Fonds Eperon, de la région Basse-Normandie et de l’IFCE. La méthode sera d’identifier les marqueurs génétiques de ces affections, d’identifier les gènes impliqués, de préciser les mécanismes moléculaires. Les populations étudiées sont constituées de 278 sujets sains, contre 241 sujets atteints, et 93 intermédiaires. Issues de 134 étalons avec PS (+42 mères), dont 68 ont 200 descendants sains, et 180 atteints. La collecte des données dura de 2008 à 2010, les analyses de 2009 à 2011. Trois cent individus ont été génotypés.


• JUMPSNP porte sur l’étude de la possibilité d’améliorer la précision de l’indexation génétique pour le sport grâce à une sélection génomique, en clair « chercher les marqueurs génomiques de l’aptitude au saut d’obstacle, et application à la sélection génomique ». Ce projet est mené conjointement par Anne Ricard et Gérard Guérin. Ce projet est en partie financé par le Fonds Eperon grâce au soutien de la FNC, de l’ANAA et de l’ANSF pour les travaux de recherche.


L’Ifce résume ainsi le sentiment des professionnels : « Les socioprofessionnels sont très demandeurs d’éléments concrets permettant de mieux comprendre certains problèmes rencontrés en élevage (infertilité, maladie,…) ou lors de l’utilisation des chevaux (intolérance à l’effort, boiterie,…). L’ensemble des professionnels équins est tout à fait partant pour que la recherche française avance dans ce domaine et apporte son réel soutien au bon déroulement de ces projets (mise à disposition de matériel biologique et phénotypage des équidés). En contre partie, ils restent réservés quand à l’intérêt des outils pouvant découler des études génomiques sur la « performance » en course ou compétition. »


En réalité des découvertes dues aux recherches existent déjà, que ce soit dans d’autres espèces, comme les bovins, où la génomique aide déjà les éleveurs dans la sélection des vaches laitières, ou dans d’autres pays, plus avancés que nous dans la recherche. L’Ifce donne un exemple concret : « Une scientifique irlandaise vient de publier les résultats de son étude sur la mise en évidence d’un lien entre un changement de base ADN dans un gène de la myostatine (responsable de la croissance musculaire) et l’aptitude à la distance chez les Pur sang (différentiation des «sprinter», « milers», et des « stayers »). Elle propose déjà un test moléculaire pour prédire cette potentialité (http://www.equinome.com/: Equinome™ Elite Performance Test v2.0. L’article de cette scientifique irlandaise a été accepté dans une revue internationale reconnue. Certes, il n’est pas certain que le test proposé soit plus précis qu’une évaluation génétique classique à partir des performances et des généalogies mais comme il n’est pas possible d’envisager
une telle évaluation chez le Pur sang, c’est une façon de contourner le problème ! »


SoGen, un nouveau projet sur la génomique des chevaux de sport


A l’invitation de l’Institut français du cheval et de l’équitation (Ifce), des représentants de la filière sport se réunissent depuis 2014 pour proposer des axes de travail sur la sélection du cheval et du poney. Dans le cadre de ces réflexions, le projet SoGen a émergé, conduit en partenariat entre la SHF, les associations de race SF, AA, PFS, CSAN, les représentants des éleveurs, l’Inra et l’ifce. Il vise à une meilleure caractérisation du cheval de saut d’obstacles en utilisant les outils de la génomique. Au-delà du projet, le groupe de travail poursuit ses réflexions sur les outils de sélection à proposer à la filière équine.


Ce projet de recherche SOGEN, porté par Anne Ricard, chercheur ifce/Inra, va débuter en 2015. Deux étapes sont nécessaires à sa mise en place :


- mesurer de façon détaillée le cheval pour obtenir des informations précises sur différents caractères : c’est le phénotypage,


- analyser les caractéristiques des gènes de ces mêmes chevaux : c’est le génotypage.


Le projet prévoit d’analyser les liens entre les 2 types d’informations collectées sur les chevaux. Les mesures effectuées dans ce cadre portent sur la morphologie, les allures et les résultats en compétitions.


Il deviendra alors possible d’obtenir de nouveaux outils permettant de caractériser objectivement et précocement les chevaux de sport et ainsi d’informer tout propriétaire le désirant, des caractéristiques génomiques de son poulain. Les éleveurs pourront alors :


- raisonner leurs accouplements sur davantage de critères en fonction des objectifs qu’ils se fixent,


- prévoir dès la naissance, le potentiel sportif d’un cheval et d’orienter rapidement chaque individu produit.


Le projet SO-GEN a été labellisé par le conseil scientifique de la filière équine. Il bénéficie du cofinancement de l’ifce et du Fonds Eperon et s’appuie sur le soutien logistique de la Société Hippique Française et la contribution des propriétaires de chevaux selle-français.


Les perspectives


Les discussions ont été l’occasion de débattre d’autres phénotypages envisageables en parallèle de ce projet, ouvrant ainsi des perspectives plus larges de caractérisation des chevaux de sport.


Notamment, il sera possible de caractériser les chevaux lors des concours des 3 ans en septembre :


- notation de la morphologie et des allures via une grille pointage,


- accélérométrie sur les chevaux en liberté pour tester l’aptitude précoce au saut,


- comportement avec les tests de tempérament simplifiés.


Il est également prévu de réfléchir sur quels critères de santé il serait opportun de noter.


Financements :


Les outils issus de la génomique se développent dans toute l’Europe. Il est important que la France soutienne la recherche dans ce domaine afin de conserver la maîtrise des informations objectives susceptibles d’être diffusées. En effet, les Allemands ont déjà génotypé 3 500 chevaux de sport, les Suédois ont breveté un gène d’allure dont l’intérêt est indéniable dans l’aptitude au trot et les Irlandais commercialisent des tests génomiques pour les chevaux de courses.


Sur quels critères porte cette étude « SoGen » ?


Au cours de ce projet, la morphologie et les allures de chevaux sortant en épreuves de 4 ans et 5 ans (cycle classique et cycle libre) de la SHF seront mesurées. Nous disposerons aussi des résultats sportifs de ces chevaux dans ces épreuves.


Enregistrement des données de morphologie par la technique de la morphémétrie 3D


Pour mesurer les allures, la technique d’accélérométrie selon la méthode Equimetrix du Dr Eric Barrey (vétérinaire et chercheur à l’ INRA) sera utilisée. Elle consiste à enregistrer à l’aide d’un capteur fixé à la sangle du cheval tous les mouvements de celui-ci et d’en déduire des dimensions telles que la cadence, la régularité, la symétrie, l’équilibre entre propulsion des postérieurs et des antérieurs dans chacune des 3 allures. Techniquement il se compose d’un boitier de mesure comprenant des accéléromètres, et permettant d’enregistrer les mouvements du dos, les appuis latéraux, les diagonales etc… Suite au mesure un logiciel d’analyse des données nous permet de chiffrer les mesures et d’établir précisément les caractéristiques locomotrices d’un cheval.


Pendant les périodes de concours 2015 et 2016, les mesures selon chacune des techniques seront réalisées sur environ 2 000 chevaux au cours des épreuves SHF qui fourniront en parallèle les performances de ces mêmes chevaux.


Membres du groupe : Maurice Barbezant – Président du Conseil scientifique de l’ ifce ; Florence Mea – Directrice DAFAT ifce ; Jean-Louis Bourdy Dubois – SB SF ; Pascal Trassart – SB SF ; Michel Guiot – SB SF et Président Commission élevage SHF ; Pascal Cadiou – SB SF ; Eric Palmer – Académie d’agriculture ; Roland Le Fustec – SB SF ; Guillaume Blanc – DN Sport – DAFAT ifce ; Sophie Danvy – DCOI ifce ; Marie-Dominique Saumont Lacoeuille – ANPFS ; Bernard Morhain – Adeclor – Ancien Institut de l’élevage ; Albert Hardy – CSAN Eleveur de Chevaux de sport ; Xavier de la Raitrie- ANAA ; Jacques Lavergat – SB SF ; Benoît Chaigne – SB SF ; Arnaud Evain - GFE ; Yves Gay – SHF ; Yves Chauvin - SHF


07/05/2015

Actualités régionales