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L’ICSI, le point sur cette biotechnologie de la reproduction

L’Intra Cytoplasmic Sperm Injection (ICSI) est une biotechnologie de la reproduction qui consiste à féconder un ovocyte en lui injectant directement un spermatozoïde dans son cytoplasme. L’ovocyte ainsi fécondé est mis en développement dans un milieu de culture pendant environ 5-6 jours afin qu’il atteigne le stade embryonnaire lui

L’Intra Cytoplasmic Sperm Injection (ICSI) est une biotechnologie de la reproduction qui consiste à féconder un ovocyte en lui injectant directement un spermatozoïde dans son cytoplasme. L’ovocyte ainsi fécondé est mis en développement dans un milieu de culture pendant environ 5-6 jours afin qu’il atteigne le stade embryonnaire lui permettant d’être transféré dans un utérus ou bien d’être congelé en vue d’un transfert ultérieur.


Cette technique n’est pas une spécificité de l’espèce équine puisqu’elle est utilisée dans les hôpitaux proposant la procréation médicalement assistée pour les couples ayant des problèmes d’infertilité, et donc de conception, pour lesquels la fécondation in vitro classique ne fonctionne pas. Le 1er bébé issu d’ICSI est né en 1991.


Dans l’espèce équine les études scientifiques sur le sujet ont débuté à la fin des années 90. Dans cette espèce, la fécondation in vitro classique ne donne pas de résultats satisfaisants d’où l’intérêt de développer l’ICSI pour les reproducteurs ayant une grande valeur génétique mais étant peu ou pas fertiles.


Il est possible d’avoir recours à l’ICSI dans le cas de juments ayant des problèmes d’ovulation (le follicule se lutéinise sans libérer l’ovocyte) ou de tractus génital (oviducte ou utérus) empêchant la remontée des spermatozoïdes vers l’ovocyte, le transport de l’embryon vers l’utérus ou le développement de l’embryon dans l’utérus. C’est aussi le cas pour des étalons ayant une semence de mauvaise qualité ou des étalons morts pour lesquels le stock de paillettes congelées ne permet pas de fournir un grand nombre de juments.


On pourrait également penser à l’ICSI pour une jument qui meure accidentellement. Ces ovaires pourraient être prélevés post mortem pour être amenés au centre de biotechnologie afin de prélever les ovocytes et les féconder par ICSI.





La technique d’ICSI présente plusieurs difficultés :





1) la microinjection peut créer des dommages sur les ovocytes qui perturbent le développement de l’embryon,





2) cette technique nécessite un matériel spécifique couteux et un personnel formé et expérimenté,





3) la microinjection ne peut être réalisée que sur un ovocyte à la fois, c’est donc une technique chronophage. Toutefois, bien que les rendements obtenus soient faibles et que la technique reste coûteuse pour un éleveur, l’ICSI reste la technique de choix pour produire des embryons équins in vitro si on compare avec la fécondation in vitro classique.





De la collecte des ovocytes au transfert de l’embryon





La collectes des ovocytes se fait par ponction transvaginale échoguidée sur la jument debout, sédatée et analgésiée. Le fluide folliculaire des follicules de plus de 10mm est aspiré et observé sous loupe binoculaire pour la recherche des ovocytes.


Si la jument est ponctionnée sur le lieu du laboratoire de biotechnologie, les ovocytes sont cultivés immédiatement après la collecte dans un milieu de maturation en incubateur à 38.5° pendant 26-28h afin qu’ils atteignent le stade nucléaire apte à la fécondation. Cette étape mime ce qu’il se passerait in vivo dans le follicule juste avant l’ovulation.


Si la jument est collectée dans une clinique vétérinaire qui est éloignée du laboratoire, les ovocytes sont transportés dans une enceinte maintenant une température de 20-22°C. Après le transport, ils sont mis en maturation dans un milieu de culture en incubateur pendant 26-28h comme précédemment.


Après cette étape de maturation, les cellules entourant l’ovocyte sont mécaniquement retirées puis l’ovocyte est observé sous microscope afin de visualiser son stade nucléaire. S’il a atteint le stade métaphase II, il pourra alors être fécondé par ICSI. S’il n’a pas atteint ce stade, il ne pourra pas être utilisé et sera alors perdu.


La semence (fraiche ou congelée) doit être préparée selon un protocole précis. Un spermatozoïde sera choisi « au hasard » et injecté dans un ovocyte. Cette étape se fait sous microscope à l’aide de joysticks et manettes de micromanipulation.





Les différentes étapes de l’ICSI :





• Aspiration du spermatozoïde





• Introduction de la pipette dans l’ovocyte





• Injection du spermatozoïde





• Retrait de la pipette





L’ovocyte est ensuite placé dans un milieu de culture, puis incubé à 38,5°C pendant environ 7 jours afin qu’il atteigne le stade blastocyste. Le pourcentage de clivage après injection du spermatozoïde peut atteindre 70% pour les manipulateurs expérimentés.


A ce stade 2 possibilités pour l’embryon : soit il est transféré immédiatement dans l’utérus d’une jument receveuse synchrone (J5-J6 de sa propre ovulation), soit il est congelé pour être transféré ultérieurement quand une receveuse synchrone se présente ou que les conditions d’élevage le permettent (saison de reproduction par exemple).





Où en est-on en France ?





La technique d’ICSI n’est pas encore développée en France bien que la filière équine soit de plus en plus demandeuse de cette biotechnologie de la reproduction. Le fait de ne pas proposer cette prestation en France engendre un coût supplémentaire pour un éleveur dont la jument est mise à la reproduction en utilisant cette technique.


Cependant, avant de se lancer dans ce genre de technologie pour mettre sa jument à la reproduction, il faut avoir plusieurs choses en tête et le centre de reproduction se doit d’informer les éleveurs sur ces sujets :





• Obtenir un poulain en utilisant cette biotechnologie représente un coût très important pour un éleveur. Le futur poulain doit avoir de la valeur pour justifier ce coût.





• La ponction transvaginale échoguidée pour récupérer les ovocytes est une technique assez invasive qui n’est pas sans risque. Même si ces risques sont faibles, il est important de les noter : atteinte de l’ovaire, infection de l’ovaire ou de l’abdomen, problème suite aux injections médicales.





• L’éleveur doit se renseigner auprès du studbook dans lequel il veut inscrire son futur poulain pour savoir s’il y sera inscriptible ou pas avec cette technique de reproduction.





Quels résultats attendre ?





Le pourcentage de maturation jusqu’au stade métaphase II dans l’espèce équine est d’environ 65-70% pour des ovocytes mis en maturation immédiatement après la collecte.


Il est de l’ordre de 55-60% pour des ovocytes ayant voyagés avant la mise en maturation.


Le pourcentage de blastocyste obtenu (par ovocyte injecté) est de l’ordre de 17 à 20% pour les laboratoires réalisant cette technique en routine.





Donc pour une séance de ponction, le nombre de blastocystes obtenus est en moyenne de 1. Individuellement, les séances de ponction peuvent donner de 0 blastocyste à 3 ou plus.





Le pourcentage de gestation après transfert d’embryon issu d’une fécondation par ICSI est de l’ordre de 60-70% (embryon « frais » ou congelé).


Cependant ce résultat peut varier en fonction de la qualité de l’ovocyte au départ mais aussi des conditions de transfert dans les centres de transfert.


Certains centres ont une plus grande expérience et de meilleurs résultats que d’autres.





Il faut savoir que le taux de perte embryonnaire (perte précoce avant 40 jours) est de l’ordre de 15% pour des gestations issues d’ICSI.





Ces résultats mis bout à bout amènent à un taux de gestation au-delà de 90 jours pour un embryon issu d’ICSI d’environ 60%.





Quels sont les facteurs qui peuvent influencer négativement la réussite de l’ICSI ?





• L’âge de la jument donneuse : au-delà de 20 ans la qualité des ovocytes des juments est moindre,


• Les causes de l’infertilité de la jument : certaines causes pourraient être reliées à la pauvre qualité des ovocytes,


• L’utilisation d’étalon subfertile : le pourcentage de développement embryonnaire est plus faible pour certains étalons,


• L’utilisation de plusieurs étalons pour une même session d’ICSI : ceci est probablement dû au temps nécessaire qu’il faut pour préparer les différentes semences, puisque les ovocytes attendent pendant ce temps !


• La saison : certaines études montrent un effet négatif sur le développement embryonnaire dans le fait de réaliser les ponctions pendant l’hiver.





Une technique très coûteuse...





Il faut distinguer plusieurs étapes dans la mise à la reproduction avec cette biotechnologie. Il y a d’abord la ponction des ovocytes et ensuite la maturation in vitro des ovocytes, puis l’ICSI, et le développement embryonnaire.


A notre connaissance, en Europe seul le laboratoire Avantea en Italie propose la prestation d’ICSI. Voici certains tarifs pratiqués par ce laboratoire :





o Suivi gynécologique de la jument donneuse (par séance de ponction) : 80 €


o La ponction transvaginale échoguidée d’ovocytes : 800 €


o La préparation de la semence et l’ICSI : 380 €


o Un supplément si plusieurs semences d’étalons différents sont utilisées : 200 €


o Blastocyste transféré immédiatement sur une receveuse ou blastocyste congelé : 420 €





En France quelques cliniques vétérinaires proposent la ponction transvaginale échoguidée en prestation comme la clinique du Livet dans le Calvados et la clinique Selarl de vétérinaires Gaëtan Gaullier à Guenrouet en Loire Atlantique.


Une fois ponctionnés, les ovocytes sont conditionnés dans un milieu fourni par la laboratoire Avantea et ils voyagent jusqu’en Italie pour être fécondés par ICSI ensuite.


Une fois les blastocystes congelés, ils peuvent revenir en France vers les centres de transfert et être décongelés en respectant un protocole fourni par le laboratoire Italien puis transférés dans des receveuses. Le taux de gestation après transfert de ces embryons peut atteindre 60%.





Quid de l’administratif ?





En résumé, de nombreux facteurs peuvent entrer en compte dans le succès de la ponction d’ovocytes équins pour l’ICSI mais encore plus dans le jugement et la satisfaction du client pour cette biotechnologie.


De plus, il reste encore une question à résoudre : comment gérer l’administratif et la gestion des saillies de poulains nés plusieurs années après la fécondation par ICSI ? Le SIRE travaille actuellement sur cette problématique...


12/04/2018

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