Mario Luraschi, un jeune homme de 60 ans
Mon cher Mario,Tout le monde sait que tu es un homme formidable. Tout le monde sait que tu as un ascendant extraordinaire sur les chevaux. [Sur les femmes aussi, mais ce n’est pas le propos ici]. Que tu sais obtenir d’eux ce que peu d’hommes
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de cheval savent en obtenir. Que tu as l’art de gagner leur confiance, et même leur soumission sans rien leur faire perdre de leur personnalité, de leur gaîté, de leur brio. [Avec les femmes, c’est pareil, mais ce n’est pas le propos ici].
Quand je vois des chevaux au cinéma ou à la télé, je sais tout de suite si c’est toi - ou non - qui as assuré la partie équestre du film. Si les chevaux sont brillants, je sais que ce sont les tiens. S’ils semblent roupiller, c’est que ce ne sont pas les tiens.
Tout le monde sait aussi que tu es un grand travailleur, un gars entreprenant; de ce qui n’était avant toi qu’un métier incertain et instable (ce n’était d’ailleurs pas un vrai métier : juste un bricolo pour loueur d’équidés et intermittents du spectacle), tu as fait une véritable entreprise, offrant un service complet et permanent, capable de fournir sans délai autant de chevaux « mis » que nécessaire, avec les cavaliers, les meneurs, les cascadeurs et tout l’attirail qui va ?avec : les selles, les harnachements, les attelages - chars romains ou diligences - , les costumes, les armures, les arcs, les épées : de quoi équiper des armées entières.
Tout le monde sait que tu es un type courageux. Que tu n’hésites pas à payer de ta personne, à réaliser toi-même les cascades équestres les plus compliquées, que tu as un physique d’athlète, une musculature de jeune homme, bien qu’ayant bientôt la soixantaine.
Si j’ose donner ainsi ton âge, c’est que tu ne t’en es jamais caché. Tu n’as d’ailleurs pas hésité à organiser toi-même ton jubilé ! Et comme tu ne fais jamais les choses de façon mesquine, comme tu ne joues jamais la fausse modestie, ce 50e anniversaire n’a échappé à personne : jumelé au 30e anniversaire de ta carrière cinématographique, il a eu lieu au Palais omnisport de Paris Bercy, devant 15 000 personnes !
Remplir les 15 000 places du POPB pour ton anniversaire prouve qu’au moins tu as beaucoup d’amis. Et je me flatte d’être - depuis longtemps - l’un d’eux.
Mais tu as fait mieux encore tout récemment, en remplissant les 50 000 places du Grand Stade de France, où la France entière est venue voir comment tu reconstituais « in vivo » la formidable course de chars de Ben Hur, ne laissant à personne d’autre le soin de tenir les guides du quadrige lors de la cascade la plus périlleuse : celle où le char fait un bond de deux mètres au-dessus du sol.
Voilà : tout le monde sait ça.
Mais ce que peu de gens savent, c’est que tu es aussi un amateur de jolies choses. [De jolies femmes aussi, mais ce n’est pas le propos ici]. Un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’art des Indiens d’Amérique, par exemple. Je me souviens de ce jour où nous sommes allés ensemble à Saint-Pétersbourg, visiter les réserves - réputées inaccessibles - de la Kunstcamera, l’ancien cabinet de curiosité de Pierre le Grand, qui possède d’extraordinaires collections d’objets, parures et autres pièces ethnographiques indiens : tu en savais plus que la conservatrice qui nous les montrait !
Peu de gens connaissent le trésor que tu as accumulé chez toi. Peu de gens ont vu tes prodigieuses collections non seulement d’art indien, mais d’art tout court : des bronzes, des tableaux, des raretés. Sans compter une bibliothèque de livres anciens de toute première qualité.
Je me souviens, lorsque j’ai édité, en 1991 - voici 15 ans ! - la première version de ton livre « Mes secrets de dressage » , tu avouais n’avoir ouvert pour la première fois de ta vie un traité d’équitation qu’à quarante ans passés, et après plus de vingt ans de dressage. Le moins qu’on puisse dire est que tu t’es soigné depuis, toi qui possèdes aujourd’hui - en édition originale - tous les grands classiques de la littérature équestre, dans lesquels je t’ai vu te plonger avec délectation.
De la même façon, tu n’as pas honte (et tu as bien raison de ne pas avoir honte) de reconnaître que tu n’es pas resté longtemps à l’école. Mais, curieux de tout, vif, intelligent, tu as beaucoup appris de la vie, et notamment du cinéma.
Une anecdote, pour illustrer mon propos, et pour finir. J’étais, un jour - je crois que c’était en 1996 ou 97 - chez toi. Nous bavardions lorsque le téléphone se mit à sonner. C’était Luc Besson, le fameux réalisateur du ‘‘Grand Bleu’’ et de ‘‘Nikita’’. Il venait te proposer de t’occuper des séquences équestres de son prochain film.
- Ouais, et qu’est-ce qu’il raconte, ton film ? lui demandes-tu.
Besson, qui a le goût maniaque du secret, tergiverse, mais finit par lancer :
- C’est une vie de Jeanne d’Arc
- Ah bon ! Alors t’en fais pas. Je connais l’histoire. Des ‘‘Jeanne d’Arc’’, j’en ai déjà tourné une demi-douzaine.
Voilà comment et voilà pourquoi on t’aime. Ce n’est pas de l’italien, mais presque : c’est du latin. Cela pourrait être ta devise : Mario, mens sana in corpore sano.
Jean-Louis Gouraud
Quand je vois des chevaux au cinéma ou à la télé, je sais tout de suite si c’est toi - ou non - qui as assuré la partie équestre du film. Si les chevaux sont brillants, je sais que ce sont les tiens. S’ils semblent roupiller, c’est que ce ne sont pas les tiens.
Tout le monde sait aussi que tu es un grand travailleur, un gars entreprenant; de ce qui n’était avant toi qu’un métier incertain et instable (ce n’était d’ailleurs pas un vrai métier : juste un bricolo pour loueur d’équidés et intermittents du spectacle), tu as fait une véritable entreprise, offrant un service complet et permanent, capable de fournir sans délai autant de chevaux « mis » que nécessaire, avec les cavaliers, les meneurs, les cascadeurs et tout l’attirail qui va ?avec : les selles, les harnachements, les attelages - chars romains ou diligences - , les costumes, les armures, les arcs, les épées : de quoi équiper des armées entières.
Tout le monde sait que tu es un type courageux. Que tu n’hésites pas à payer de ta personne, à réaliser toi-même les cascades équestres les plus compliquées, que tu as un physique d’athlète, une musculature de jeune homme, bien qu’ayant bientôt la soixantaine.
Si j’ose donner ainsi ton âge, c’est que tu ne t’en es jamais caché. Tu n’as d’ailleurs pas hésité à organiser toi-même ton jubilé ! Et comme tu ne fais jamais les choses de façon mesquine, comme tu ne joues jamais la fausse modestie, ce 50e anniversaire n’a échappé à personne : jumelé au 30e anniversaire de ta carrière cinématographique, il a eu lieu au Palais omnisport de Paris Bercy, devant 15 000 personnes !
Remplir les 15 000 places du POPB pour ton anniversaire prouve qu’au moins tu as beaucoup d’amis. Et je me flatte d’être - depuis longtemps - l’un d’eux.
Mais tu as fait mieux encore tout récemment, en remplissant les 50 000 places du Grand Stade de France, où la France entière est venue voir comment tu reconstituais « in vivo » la formidable course de chars de Ben Hur, ne laissant à personne d’autre le soin de tenir les guides du quadrige lors de la cascade la plus périlleuse : celle où le char fait un bond de deux mètres au-dessus du sol.
Voilà : tout le monde sait ça.
Mais ce que peu de gens savent, c’est que tu es aussi un amateur de jolies choses. [De jolies femmes aussi, mais ce n’est pas le propos ici]. Un des meilleurs spécialistes mondiaux de l’art des Indiens d’Amérique, par exemple. Je me souviens de ce jour où nous sommes allés ensemble à Saint-Pétersbourg, visiter les réserves - réputées inaccessibles - de la Kunstcamera, l’ancien cabinet de curiosité de Pierre le Grand, qui possède d’extraordinaires collections d’objets, parures et autres pièces ethnographiques indiens : tu en savais plus que la conservatrice qui nous les montrait !
Peu de gens connaissent le trésor que tu as accumulé chez toi. Peu de gens ont vu tes prodigieuses collections non seulement d’art indien, mais d’art tout court : des bronzes, des tableaux, des raretés. Sans compter une bibliothèque de livres anciens de toute première qualité.
Je me souviens, lorsque j’ai édité, en 1991 - voici 15 ans ! - la première version de ton livre « Mes secrets de dressage » , tu avouais n’avoir ouvert pour la première fois de ta vie un traité d’équitation qu’à quarante ans passés, et après plus de vingt ans de dressage. Le moins qu’on puisse dire est que tu t’es soigné depuis, toi qui possèdes aujourd’hui - en édition originale - tous les grands classiques de la littérature équestre, dans lesquels je t’ai vu te plonger avec délectation.
De la même façon, tu n’as pas honte (et tu as bien raison de ne pas avoir honte) de reconnaître que tu n’es pas resté longtemps à l’école. Mais, curieux de tout, vif, intelligent, tu as beaucoup appris de la vie, et notamment du cinéma.
Une anecdote, pour illustrer mon propos, et pour finir. J’étais, un jour - je crois que c’était en 1996 ou 97 - chez toi. Nous bavardions lorsque le téléphone se mit à sonner. C’était Luc Besson, le fameux réalisateur du ‘‘Grand Bleu’’ et de ‘‘Nikita’’. Il venait te proposer de t’occuper des séquences équestres de son prochain film.
- Ouais, et qu’est-ce qu’il raconte, ton film ? lui demandes-tu.
Besson, qui a le goût maniaque du secret, tergiverse, mais finit par lancer :
- C’est une vie de Jeanne d’Arc
- Ah bon ! Alors t’en fais pas. Je connais l’histoire. Des ‘‘Jeanne d’Arc’’, j’en ai déjà tourné une demi-douzaine.
Voilà comment et voilà pourquoi on t’aime. Ce n’est pas de l’italien, mais presque : c’est du latin. Cela pourrait être ta devise : Mario, mens sana in corpore sano.
Jean-Louis Gouraud
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