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Nijhof, Sprehe, Schockemöhle : le triangle magique

Voyage au pays des Clinton, Heartbreaker, Diarado avec l’ARDCP (éleveurs de Champagne-Ardenne). Vingt-cinq éleveurs (représentant une soixantaine de juments) conduits par Jean-Marie Charlot et Jean Fourcart ont fait fin janvier le pèlerinage à Photo 1 sur 22
la Mecque de la génétique qui fascine le monde entier

Intéressant, instructif, éclairant, ce voyage mis sur pied par l’ARDCP et orchestré par Jean Fourcart, un marchand qui connaît l’Europe de Nord comme sa poche et qui est familier de la Côte Ouest américaine, qu’il pourvoit en chevaux de hunter. L’homme a les bonnes clés pour faire ouvrir les portes de ces énormes structures équines d’où sortent les cracks étalons du niveau mondial. Il a l’estime de leurs propriétaires qui livrent facilement quelques recettes-maison.
Recettes qui peu à peu, passé le choc visuel, transforment votre goût et vos aspirations. On ne revient pas indemne de ce voyage au pays des merveilles. Il se produit un déclic qui vous fait comprendre le sens de cette hégémonie sur le marché mondial du cheval, déclic qui montre le fossé existant entre notre culture et la leur. Inutile de comparer. Observons.
Plus le territoire est petit, plus la productivité est intense et plus il y a de chevaux. La manière d’élever ne s’encombre pas d’empathie envahissante. L’élevage apparaît ici comme un métier dont la passion s’appelle professionnalisme, méthode, efficacité, source de revenus, commerce. Les stud-books hollandais et allemands ont sélectionné un modèle qui a rencontré une massive adhésion de par le monde, adhésion favorisée par une démarche commerciale ‘‘béton’’. C’est vrai pour les grandes maisons, c’est vrai pour les particuliers. Le plat pays est parsemé de petites propriétés abritant un ou plusieurs chevaux. Les signes extérieurs significatifs ne manquent pas.
Nijhof : 1000 poulains achetés chaque année

Le périple champardenais a débuté par Geesteren, le site hollandais de l’étalonnier Nijhof. Les fils et petits-fils de Nimmerdor entretiennent la réputation de l’ancêtre avec entre autres Heartbreaker ou le gris de 4 ans NN qui réunit les courants de sang de Clinton, Lord Z, Nimmerdor, Almé, Gotthard.
Après un accueil convivial de Jeannette et Henk Nijhof, les étalons nous sont présentés en mains : Heartbreaker (Nimmerdor - Silvano), Clinton (Corrado (Cor de la Bryère- Masetto), Larino (Concorde - Armstrong), Zento (Quasimodo -Quidam de Revel), Caletto II (Cor de la Bryère), Manahattan (Burggraaf), Lord Z (Lord-Calando I).
Jeannette explique dans un français impeccable la vie et la philosophie de l’établissement. Tous les meilleurs poulains de Hollande sont achetés chaque année (1000 environ) et démarrent ici leur croissance. En stabulation par lots d’une vingtaine jusqu’à 3 ans. Selon leur potentiel et la demande, ils sont vendus ou valorisés. La structure est imposante et comprend plusieurs fermes toutes organisées selon le même schéma. La semence est exportée partout dans le monde. L’acheminement est rapide sauf… avec la France « où tout est compliqué » précise Jeannette en souriant.
Combien de chevaux sur les différents sites Nijhof ? 545 à l’inventaire 2007 dit-elle.
Schockemölhe : une machine de guerre

La force de frappe de Paul Schockemölhe, ce sont les 3000 chevaux répartis en Pologne à Lewitz, sur une ancienne ferme d’Etat de 3000 hectares, et sur le site de Mulhen en Allemagne, où nous sommes. Pour nous accueillir, Pierre-Jean Jolly, un jeune cavalier breton, salarié ici depuis dix mois et fier de cette immersion dans le bain exceptionnel du saut d’obstacles made in Germany.
Paul Schockemölhe régit son domaine comme un capitaine d’industrie avec 80 salariés. Il fait naître, achète, vend, organise les fameuses ventes aux enchères PSI, forment les cavaliers du haut niveau, loue des structures à des privés. Le concept est d’une efficacité remarquable et très certainement unique au monde. Pour clients fortunés certes. Mais chacun sait qu’à ce niveau, c’est l’argent qui fait la différence.
1000 poulinières sont stationnées à Lewitz où naissent en moyenne 800 poulains chaque année. Ils y restent jusqu’à 3 ans. En général, la moitié de l’effectif poulains est vendu là. Les autres viennent en ‘‘apprentissage’’ au centre de valorisation de Mulhen. 400 chevaux y sont en permanence, confiés à neuf cavaliers d’obstacle et deux de dressage. Chaque cavalier a la charge d’une vingtaine de chevaux.
Pierre-Jean prévient : « Ici ce n’est pas du luxe mais c’est très fonctionnel ». Effectivement, des écuries austères mais pratiques pour les chevaux au travail, des boxes spacieux pour les chevaux de concours et plusieurs unités genre trois étoiles pour les écuries privées, quatre manèges de travail, trois pour le travail en longe, une dizaine de marcheurs individuels et collectifs, une piste de galop et une piste de trot de 800 m couverte.
Au menu quotidien pour chaque cheval : marcheur et travail sous la selle pendant 45 mn. « Beaucoup de travail sur le plat, indique Pierre-Jean, du travail de fond obtenu avec beaucoup de galop. Les chevaux sont gymnastiqués en début de semaine sur quatre ou cinq obstacles en ligne. En fin de semaine, on enchaîne un parcours. La base du dressage ici, c’est le travail en ligne droite, les allongements au galop et le galop rassemblé. On cherche toujours à avoir un cheval en avant avec un bon engagement des postérieurs. »
Pierre-Jean a conscience de travailler dans un environnement exceptionnel. « Nous côtoyons les plus grands cavaliers ici. La terre entière vient y acheter des chevaux, voir les étalons. Nous avons toutes les gammes, capables de sauter 1,20 m à 1,60 m, bien dressés, utilisables tout de suite par les amateurs. J’ai débuté ici il y a dix mois comme assistant d’un cavalier espagnol et j’ai été engagé comme cavalier il y a trois mois. Je resterai ici tant que j’aurai quelque chose à apprendre. »
La visite se poursuit par les allées des étoiles : Chacco-Blue (Chambertin - Contender), Balou du Rouet, chic fils de Baloubet-Continue, Champion FP (Champion du Lys (Laeken) - For Pleasure), Cornet’s Stern (Cornet Obolensky - Pilot), Quicksilber (Quattro B (Qredo de Paulstra) - Restorator), Sarkozy (eh oui) (Sandro Hit - Weltmeyer) et la dernière vedette du Holstein, top price de la Körung de Neumunster, le beau noir Diarado (Diamant de Semilly - Corrado I -Cor de la Bryère). Le sang français est bien présent dans la plupart des souches.
Feu d’artifice Sprehe

Le temps fort de ce voyage fut la présentation des étalons de l’écurie Sprehe à Vechta, haut lieu du Oldenburg, le samedi soir. Trois heures d’un spectacle ‘‘géant’’ alternant saut en liberté, saut monté et reprise de dressage. Du pur bonheur. Des gradins combles avec au moins 2 000 personnes (à 12 € la place) et presque autant dans les espaces restauration devant des écrans géants. Une vraie fête et une organisation impeccable. Il fallait voir la cinquantaine de grooms, tous aux couleurs Sprehe, démonter et remonter la piste d’obstacles entre les séries sauts montés et reprise de dressage. En moins de trois minutes, le décor était en place.
Quarante étalons de 3 à 7 ans dont 16 de dressage ont ainsi été présentés au public. Parmi eux, Ashford (Ars Vivendi - Coupon), Carlucci (Contendro), Carré (Cassini II - Quinar), Cevin Costner (Chico’s Boy - Calvin), Chassot (Chacco Blue-Pilot), Stakkato Gold (Stakkato - Werther), Seal (Stakkato Gold - Rebel Z), Sanyo (Semper - Pablo), San Schufro (Sandro Hit - Don Schufro), Lehmann (Londonderry - Argentinus), Duino (Donnerschwee - Sion), Donnerball (Donnerhall - Alabaster).
Dimanche, le périple dans le Oldenburg s’est terminé par la visite du domaine Sprehe à Benstrup, temple de l’étalonnage et du sport de haut niveau.
Nijhof en Hollande, Show de Vechta, visite des écuries Schockemölhe et Sprehe, le rythme fut vif mais ô combien profitable. Indispensable ce regard vers cette vitrine et les méthodes des éleveurs du nord de l’Europe.
Texte et photos Etienne Robert

31/01/2008

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