Notre hommage à Bernard Lesage
Il n’aurait pas aimé qu’on le nomme ainsi, Bernard, mais il était un grand monsieur dans l’équitation. Il faisait partie de ces hommes passionnés, imprégnés dans le milieu depuis toujours et qui ont donné beaucoup. Car il s’est engagé, alors que ce n’était pas vraiment son « truc » au départ. Lorsqu’il succède à Thierry Morlière en 2004, à la Présidence de l’AECCP (alors encore AECC, Association des éleveurs de la circonscription de Compiègne), nous commentons cette élection en ces mots dans la rétrospective de l’année : « Bernard Lesage président de l’AECC. » :
L’éleveur
« Basé à Verquigneul, aux portes de Béthune, où il avait créé les Ecuries de la Loisne, Bernard Lesage acceptait pour la première fois de se présenter à une élection. Et c’est à une large majorité que les adhérents de l’AECC ont élu cet homme de terrain et éleveur éclairé (Une de Launay, Jeux de Munich sous couleurs italiennes; Espoir de la Haye, vainqueur en Coupe du Monde pour l’Espagne; ou encore Vespysy du Bocage, alias Magic Carpet, monté par Mickaël Withaker). Objectifs du nouveau président, entre autres : développer les débouchés pour les éleveurs et augmenter le nombre d’adhérents. »
Le meneur d’hommes
Ce qu’il fit tout au long de sa vie d’homme engagé. En installant un stand aux couleurs de la nouvelle l’AECCP (en ajoutant ‘‘P’’ comme ‘‘propriétaires’’ à son sigle - déjà l’homme politique) dès 2005, sur la « butte », aux côtés des autres associations à la Grande semaine de Fontainebleau. Là il sera toujours présent pour ses adhérents, entraînera une vraie équipe autour de lui, mais tissera également des liens forts avec les institutions et ses hommes, Lorsqu’on l’interroge sur son impression à l’issue de cette Grande Semaine 2005. Il met en avant chevaux, cavaliers et éleveurs, son maître mot : « C’est exceptionnel. Au niveau des résultats et de la qualité des chevaux, nous n’avons plus rien à envier à la Normandie ! Mais, outre les chevaux, il faut également souligner la qualité de l’équitation proposée par les cavaliers de la région… » C’est l’année où Luccianno*HN (Burggraaf Holst et Away Pierreville par Almé), monté par Nicolas Delmotte, remporte le championnat des 6 ans.
Le défenseur des éleveurs
Une affaire rondement menée que ses assemblées générales. Pas de temps morts et un style très particulier, dynamique et efficace, à l’image d’un bureau qui va droit au but. La réunion technique du matin fait salle comble. Le midi, autour d’un repas généreux, se succèdent les projections des grands moments de l’année et la remise de primes aux éleveurs et aux cavaliers qui ont porté haut les couleurs de la région, à Fontainebleau comme à Saint-Lô, au Pin et sur les concours régionaux. Une manne inespérée qui remettait du cœur au ventre en ces temps de réduction, voire de suppression de primes. Bernard Lesage lors de l’Assemblée Générale de 2008 pique une colère noire à propos de la répartition des subventions à partir du Fonds Eperon. Rien pour l’élevage. « On nous oublie, dit-il, nous n’existons pas. Les éleveurs sont de plus en plus sollicités pour cotiser à des associations dont ils ne voient pas l’intérêt. La notion de filière reste pour la plupart une nébuleuse mangeuse de cotisation, très chiche en retour. Et pourtant, l’AECCP est toujours debout et distribue, elle, des primes à ses adhérents. »
L’organisateur de concours
Tellement heureux de recevoir chez lui, comment Bernard a-t-il pu rester 20 ans derrière un comptoir de pharmacie ? Président très actif de l’AECCP et membre du Conseil interrégional du cheval, Bernard a le don de faire partager sa passion. Et comme il le dit fréquemment, « tant que ça m’amuse, je continue ». En 2009, dans le fief du président des éleveurs du Nord-Pas-de-Calais-Picardie, on retrouvait Eric Navet, Philippe Rozier, Edouard Couperie, Thierry Pomel, Olivier Jouanneteau, Grégory Wathelet à la tête d’une forte délégation belge et luxembourgeoise. Et une très belle victoire dans le Grand Prix de Guillaume Foutrier/Klaire d’Honvault.
L’homme politique
Bernard Lesage tissait des liens avec les hommes, mais n’avait rien perdu de sa lucidité vis-à -vis des institutions, les fustigeant quand il fallait. « L’éleveur est tondu en permanence : à  la production par une augmentation importante des coûts, à la commercialisation par des visites d’achat de plus en plus pointues et par la garantie de conformité, à l’exploitation par les coûts élevés des engagements et des boxes ». Et de repartir en guerre contre « une pléthore de structures toutes aussi inutiles les unes que les autres, dévoreuses de subventions publiques. Le fonds Eperon, mal utilisé, devrait soutenir les dotations de toutes les épreuves équestres ».
Il appelle les éleveurs à se mobiliser, à se structurer pour réduire les coûts de production : Cuma, coopérative d’achat de saillies par exemple. De ses vœux les plus fervents il appela la création d’une société-mère du cheval de sport. Voeux exaucés.
En 2011, il réussit le tour de force de réunir les responsables des principales associations nationales et régionales dans la salle des fêtes de Verquigneul avec plus de 230 convives : Marc Damians Président de la SHF, Yvon Chauvin Président de l’ANSF, Philippe Martin Président de la FENECSO, Geneviève de Sainte Marie directrice adjointe du GIP, Nicolas Dugué Directeur territorial IFCE, Hervé Delloye CIC, Edith Cuvelier présidente du CRE et Daniel Boudrenghien Président de l’AHECS (l’association des éleveurs du Hainaut belge).
Il s’est battu sur tous les fronts, en défendant les concours poulinières un temps menacés s’il fallait un exemple : « Il y a un intérêt à encourager les poulinières, cela oblige l’éleveur à entretenir sa jument. De plus, une belle jument fait un beau produit, donc identifier et suivre la qualité de ces juments a un intérêt global pour l’élevage. »
Sa dernière olympiade
En 2013, Bernard n’a pas fait ses adieux « à la scène » mais c’est tout de même la gorge nouée par l’émotion qu’il avait annoncé qu’il ne briguerait pas dans trois ans un nouveau mandat. Il préside l’AECCP depuis 10 ans et estime que dans 3 ans, il est temps de passer la main à de nouvelles têtes. Le Nord-Pas-de-Calais-Picardie est une des plus fortes associations régionales. Elle porte l’empreinte d’un président emblématique qui a mis et maintient sa région au plus haut des valeurs. Sa décision a été saluée par de chaleureux applaudissements. Mais difficile de lui succéder... En 2021, Bernard n’avait pas quitté son poste. Parmi « ses » éleveurs, personne ne le voulait.
Adieu Bernard, tu vas terriblement nous manquer...
C. et E. Robert
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