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Pierre Baldeck, un homme, des chevaux, des cavaliers

(en ligne le 10 avril 2008) Rencontre avec le renommé alsacien, marchand hors pair et découvreur de talentTout a commencé il y a 70 ans à Morschwiller-le-Bas, dans le Haut-Rhin. Pierre Baldeck est le seul garçon d’une famille de cinq enfants. Son grand père, Photo 1 sur 3
artiste peintre qui avait côtoyé la cour de Russie au début du XXe siècle, décide de revenir en France à la fin de l’empire pour fonder un foyer en Alsace.
Son père, Paul Baldeck, créa le commerce de viande qui évoluait à son début dans la halle du marché de Mulhouse. Pierre est apprenti chez son père puis se perfectionne auprès des plus grandes institutions de l’époque. Il voyage alors entre Munich et Paris avant de prendre la relève de l’affaire familiale. A cette époque, le jeune homme rêve déjà de voyages et d’affaires. Attiré très tôt par les chevaux, il n’hésite pas à enfourcher les équidés des paysans et autres marchands du coin, et prend des leçons à la Société hippique mulhousienne qui se trouvait rue des Machines.
Il côtoie alors des jeunes gens issus de familles bourgeoises et aisées de Mulhouse, qui se retrouvent souvent autour d’un verre à la brasserie. Parmi eux, il y a notamment Pierre Barthlen, horloger bijoutier de métier, dont la candeur et le goût des belles choses fait rêver le jeune garçon boucher qui travaille dur.
Pierre Baldeck se marie ensuite à une jeune femme rencontrée au gré des concours hippiques auxquels il participe avec brio. Il se souvient des moyens de transport utilisés pour participer aux fêtes équestres de l’époque : « Nous embarquions les chevaux dans des camions bâchés et pour qu’ils puissent monter dans les véhicules, il fallait aller à un quai de gare. Toute une aventure que les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent même pas imaginer ! » Au regard des moyens techniques dont disposent aujourd’hui les jeunes cavaliers amateurs, on est en effet bien loin du contexte de l’époque...

Changement de cap

A la fin des années 50, suivant les conseils d’un ami, Pierre cède sa boucherie à la famille Tempé pour se lancer dans le courtage de chevaux. C’est par le biais de l’écuyer d’Alfred Wallach, industriel et politicien mulhousien de renom, qu’il a ses premiers clients, comme M. Grock, grand homme d’affaires bâlois. Ce dernier lui amène d’autres clients qui vont devenir la base de son carnet d’adresse, sans doute aujourd’hui l’un des plus remplis du milieu.
Sa réussite se renforce lorsqu’il accède au palmarès des meilleurs propriétaires de chevaux de l’élite suisse. Les meilleurs cavaliers helvétiques se succèdent alors sous les couleurs du Haras du Breuil, le nom de l’élevage Baldeck. Francis Racine, Thomas et Markus Fuchs, Jürg Friedli et bien d’autres montent des chevaux de renom appartenant au marchand alsacien.
La réputation grandissante de Pierre Baldeck lui apporte une clientèle des plus réputés, dont confiance est le maître mot. Des relations qui lui valent aujourd’hui la visite de personnalités, telles que le maire de New-York ou de nouveaux fortunés des pays de l’Est.
Les cavaliers professionnels internationaux, les marchands et les investisseurs se rendent chez Pierre Baldeck soit pour vendre soit pour acheter un cheval. Sa passion, c’est de trouver LE cheval pour LE client, ou l’inverse. Et il lui faut peu de temps pour trouver la monture qui fera le bonheur du cavalier, pro ou amateur, peu importe, à partir du moment où les choses sont claires quant aux moyens financiers mis en Å“uvre pour l’acquisition du bon cheval.
« Vous savez, ce milieu est particulier. On peut très vite faire une affaire. Ce qui est plus difficile, c’est d’en refaire ! Beaucoup de gens se font passer pour des professionnels alors qu’ils n’y connaissent rien ou ne sont pas faits pour ça. Ce métier repose beaucoup sur la confiance, et j’exerce depuis plus de 45 ans. Je ne dis pas que je n’ai jamais fait d’erreur, ça n’existe pas. Mais si je suis encore là aujourd’hui, c’est que je n’ai pas dû en faire de trop ! Si vous ne pensez qu’à faire de l’argent, alors il faut changer de métier. Bien sûr j’en ai gagné et j’espère faire encore quelques belles transactions, mais ma plus grande fierté, c’est de voir un des chevaux dont je suis ou ai été propriétaire, gagner une belle épreuve ou un Grand Prix international. Là je suis heureux de voir que je ne me suis pas trompé ! »
La preuve avec les récents résultats de chevaux passés par les mains Baldeck, à l’image de Kraque Boom, le cheval de Kevin Staut.

Kevin Staut, la réussite

Ce couple est sans doute l’avenir de l’équitation du haut niveau international. C’est sans doute aussi la plus belle image du ‘‘savoir faire Baldeck’’.
« Kevin est un excellent cavalier et je suis fier de sa réussite ! C’est un bosseur infatigable. Il est issu d’un milieu aisé mais s’est toujours refusé à la facilité. Tous les matins aux aurores, il est le premier aux écuries. Vous ne pouvez que respecter et apprécier un gars comme ça ! »
On sent chez Pierre Baldeck une profonde amitié, presque filiale, envers Kevin Staut. « Aujourd’hui, tout le monde reconnaît en lui un vrai champion et certains ont des ambitions et des projets avec lui. Tant mieux, c’est le juste retour des choses. Mais il y a encore trois ans, il n’y avait pas grand monde au portillon pour lui accorder des faveurs ! »
Il se souvient de son arrivée au Haras du Breuil sur les conseils d’un marchand italien. « Ce qui l’intéressait avant tout, c’était de monter des chevaux en Grand Prix mais il n’était pas équipé pour le faire. Il est arrivé avec quelques-uns de ses chevaux et je lui en ai trouvé d’autres que nous avons revendu au fur et à mesure de leurs progressions pour arriver au cheval de Grand Prix. Cela prend du temps, surtout quand vous n’avez pas les sponsors et donc les moyens financiers qui en dépendent. Tout s’est enchaîné après sa victoire dans le Grand Prix d’Arezzo en mars 2007. Balanda l’a sélectionné en équipe de France et malgré sa faible expérience à ce niveau, il a réussi des parcours décisifs. »
Kevin Staut est aujourd’hui sponsorisé par Xavier Marie du Haras de Hus. Xavier Marie, fondateur-PDG en 1996 de la chaîne de magasins de décoration et petit ameublement Maisons du Monde, a investi plusieurs millions d’euros pour l’achat de chevaux. La vie de cavalier international éloigne donc de plus en plus Kevin de Morschwiller, mais il profite de chaque occasion qui lui est donnée pour rencontrer son ami auquel il n’hésite pas à témoigner toute sa reconnaissance.

Aujourd’hui, Pierre Baldeck est quelque peu désabusé par les nouvelles générations. « Les jeunes croient tout savoir et pensent avant tout aux 35 heures et à l’argent. Dans ce métier, si vous compter vos heures, ça ne va pas être payant ! Il faut savoir faire les bons choix et s’entourer de gens compétents, c’est ce qui devient de plus en plus difficile. »
Mais il peut compter sur ses amis fidèles et sa famille. Son fils Bertrand a pris la même voie que son père : il est installé dans la Manche à Sainte-Mère-Eglise, haut lieu de l’élevage français, car sa femme est originaire de Normandie. Bertrand est loin de son Alsace natale mais est en contact journalier avec son père pour traiter des affaires. Et c’est en alsacien qu’ils discutent.
Si l’Alsace est une terre d’élevage et de cavaliers, c’est donc aussi un peu grâce à cet homme qui a su faire venir les gens qu’il fallait, et à son incroyable sens pour dénicher aujourd’hui les talents qui feront les grands chevaux et cavaliers de demain.

Christian Gerhad

10/04/2008

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