Pour une équitation... hippologique (sic)
Tribune C’est une blague qu’on racontait, avant 14, dans les quartiers de cavalerie. Une jeune recrue, venue du fond de sa cambrouse, déchiffre au tableau le programme d’instruction suivant : « Tous les matins, cours d’hippologie; tous les après-midi,
exercices d’équitation ». Le mot hippologie le plonge dans une profonde perplexité. Il ose demander à un voisin de chambrée, un Parisien, qui dit avoir été à l’école : c’est quoi, l’hippologie ? Prenant un air supérieur, le bidasse des villes répond au bidasse des champs : c’est pourtant facile à deviner. ‘‘Hippo-’’, c’est la science, comme hypothèse. Et ‘‘-logie’’, c’est le cheval, comme dans maréchal-des-logis. L’hippologie, c’est la science du cheval.
On assiste aujourd’hui à quelque chose d’assez comparable, avec l’éthologie. C’est quoi l’éthologie ? Ben, c’est l’équitation facile, avec des chevaux gentils. C’est naturel, ça a été inventé par des Américains portant des chapeaux de cow-boy et c’est enseigné par des Européens portant des casquettes de base-ball.
Ben non.
L’éthologie n’est pas une équitation. C’est une science. Pas une science de l’équitation, non : la science qui consiste, en gros, à étudier le comportement du cheval, seul ou en groupe, à l’état naturel (resterait à définir ce qu’on entend par ‘‘état naturel’’ - à ne pas confondre avec ‘‘état sauvage’’ : puisqu’il n’y a plus de chevaux sauvages -, mais cela nous entraînerait trop loin...).
Que l’on tienne compte des observations des éthologues (et non des éthologistes) pour mieux approcher le cheval, créer un meilleur contact entre bipèdes et quadrupèdes, et un plus grand confort pour les deux espèces, on ne peut que s’en réjouir, s’en féliciter.
Mais prétendre qu’il y a une manière éthologique d’utiliser le cheval, c’est une autre affaire. Et créer, comme l’a fait la Fédération française d’équitation, une nouvelle discipline appelée ‘‘équitation éthologique’’ est une aberration.
Dans une lettre, fort bien tournée, adressée le 24 septembre par Nicolas Blondeau au président de ladite fédération, l’excellent dresseur propose fort opportunément qu’au lieu de créer une discipline qui serait éthologique (ce qui impliquerait que les autres - dressage, obstacle, cross, polo, attelage, endurance, rando et j’en passe - ne le sont pas), on intègre tout bonnement les Savoirs éthologiques aux Galops d’équitation. Proposition de bon sens, qui consisterait à remettre enfin un peu d’hippologie dans l’enseignement de l’équitation. Il serait temps !
De même que des apprentis-sorcier de la pédagogie ont cru pouvoir, autour des années 68, supprimer toute notion de chronologie dans l’enseignement de l’histoire ou toute notion de grammaire dans l’enseignement du français, on avait petit à petit réduit l’hippologie à presque rien dans l’enseignement équestre, sous prétexte que les angulations scapulo-humérales ou coxo-fémorales, c’est rasant, et qu’il ne fallait pas décourager nos chers petits en leur bourrant le crâne avec des notions inutiles. Que ce soit en histoire, en langue ou en équitation, on a vu le résultat !
S’il suffit de rebaptiser l’hippologie pour la rendre plus attrayante, va pour éthologie. Ce n’est pas le fait de dire que les aveugles sont des mal voyants qui leur a rendu la vue. Mais si le seul obstacle à la réintroduction de l’hippologie dans l’enseignement de l’équitation est un simple problème de vocabulaire, alors tous les mots sont bons. Même s’ils sont légèrement impropres.
L’hippologie d’autrefois se limitait à quelques bribes d’anatomie, à quelques notions de médecine vétérinaire (‘‘soins aux chevaux’’). Si, enrichie des intéressantes observations des éthologues (les vrais), elle devient soudain séduisante, tant mieux ! Si, du coup, éthologie devient synonyme d’hippologie, tant pis. L’essentiel est que celui qui approche, soigne, utilise le cheval améliore sa connaissance de l’animal. Car le cheval, en matière équestre, a tout de même, on avait un peu tendance à l’oublier, une certaine importance. En effet, comme l’a dit si justement un écuyer célèbre : en équitation, les vraies difficultés commencent à cheval !
Jean-Louis Gouraud
* On dit anthropologue, pas anthropologiste; philologue, pas philologiste; paléontologue, pas paléontologiste; ethnologue, pas ethnolologiste. La terminaison en -giste, comme dans écologiste, implique un certain militantisme, incompatible avec l’esprit scientifique.
On assiste aujourd’hui à quelque chose d’assez comparable, avec l’éthologie. C’est quoi l’éthologie ? Ben, c’est l’équitation facile, avec des chevaux gentils. C’est naturel, ça a été inventé par des Américains portant des chapeaux de cow-boy et c’est enseigné par des Européens portant des casquettes de base-ball.
Ben non.
L’éthologie n’est pas une équitation. C’est une science. Pas une science de l’équitation, non : la science qui consiste, en gros, à étudier le comportement du cheval, seul ou en groupe, à l’état naturel (resterait à définir ce qu’on entend par ‘‘état naturel’’ - à ne pas confondre avec ‘‘état sauvage’’ : puisqu’il n’y a plus de chevaux sauvages -, mais cela nous entraînerait trop loin...).
Que l’on tienne compte des observations des éthologues (et non des éthologistes) pour mieux approcher le cheval, créer un meilleur contact entre bipèdes et quadrupèdes, et un plus grand confort pour les deux espèces, on ne peut que s’en réjouir, s’en féliciter.
Mais prétendre qu’il y a une manière éthologique d’utiliser le cheval, c’est une autre affaire. Et créer, comme l’a fait la Fédération française d’équitation, une nouvelle discipline appelée ‘‘équitation éthologique’’ est une aberration.
Dans une lettre, fort bien tournée, adressée le 24 septembre par Nicolas Blondeau au président de ladite fédération, l’excellent dresseur propose fort opportunément qu’au lieu de créer une discipline qui serait éthologique (ce qui impliquerait que les autres - dressage, obstacle, cross, polo, attelage, endurance, rando et j’en passe - ne le sont pas), on intègre tout bonnement les Savoirs éthologiques aux Galops d’équitation. Proposition de bon sens, qui consisterait à remettre enfin un peu d’hippologie dans l’enseignement de l’équitation. Il serait temps !
De même que des apprentis-sorcier de la pédagogie ont cru pouvoir, autour des années 68, supprimer toute notion de chronologie dans l’enseignement de l’histoire ou toute notion de grammaire dans l’enseignement du français, on avait petit à petit réduit l’hippologie à presque rien dans l’enseignement équestre, sous prétexte que les angulations scapulo-humérales ou coxo-fémorales, c’est rasant, et qu’il ne fallait pas décourager nos chers petits en leur bourrant le crâne avec des notions inutiles. Que ce soit en histoire, en langue ou en équitation, on a vu le résultat !
S’il suffit de rebaptiser l’hippologie pour la rendre plus attrayante, va pour éthologie. Ce n’est pas le fait de dire que les aveugles sont des mal voyants qui leur a rendu la vue. Mais si le seul obstacle à la réintroduction de l’hippologie dans l’enseignement de l’équitation est un simple problème de vocabulaire, alors tous les mots sont bons. Même s’ils sont légèrement impropres.
L’hippologie d’autrefois se limitait à quelques bribes d’anatomie, à quelques notions de médecine vétérinaire (‘‘soins aux chevaux’’). Si, enrichie des intéressantes observations des éthologues (les vrais), elle devient soudain séduisante, tant mieux ! Si, du coup, éthologie devient synonyme d’hippologie, tant pis. L’essentiel est que celui qui approche, soigne, utilise le cheval améliore sa connaissance de l’animal. Car le cheval, en matière équestre, a tout de même, on avait un peu tendance à l’oublier, une certaine importance. En effet, comme l’a dit si justement un écuyer célèbre : en équitation, les vraies difficultés commencent à cheval !
Jean-Louis Gouraud
* On dit anthropologue, pas anthropologiste; philologue, pas philologiste; paléontologue, pas paléontologiste; ethnologue, pas ethnolologiste. La terminaison en -giste, comme dans écologiste, implique un certain militantisme, incompatible avec l’esprit scientifique.
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