Presentation BLH : qualité, variété, professionnalisme
Après l’ouverture par Cornets’Stern,  le très prometteur Nijinsky de Kalvarie, confié pour la saison par Christian Ahlmann a été présenté  à l’obstacle par le cavalier maison, Anthony Gruet. Bien que ce soit leur première rencontre, et malgré un terrain détrempé de pluie, ce bel alezan qui compte dans sa lignée Diamant, Darco, For Pleasure, a fait une très belle démonstration. Place ensuite à l’expérience avec, en présence de son éleveur venu d’Allemagne, le fils d’Argentinus , Asti Spumante, toujours très demandé. Puis les « locaux » : venu de Saône et Loire toute proche, Alexis Bouillot son naisseur et cavalier présentait Canabis d’Albain (Baloubet X Kannan), meilleur 5 ans et meilleur 6 ans par l’indice et les gains et dont le premier fils qui prend 2 ans sera présenté dès cette année aux qualificatives étalons.
Deux « jumeaux » de 1 an, produits de Clarimo et d’une mère par Casall ont assuré un intermède très apprécié, commenté par Lisa Mäder, venue présenter le SB Holstein. Ils ont laissé la place à Romanov, présent « en vrai » sur la carrière, et en vidéo sur de grands écrans où les spectateurs ont pu revivre l’exceptionnel barrage de la finale de Coupe du Monde de Bordeaux avec Bertram Allen. Laurent Guillet a présenté ensuite Dexter de Kerglenn (Mylord Carthago X Diamant de Semilly), et  confiait à cette occasion les qualités requises, selon lui, pour la commercialisation : chez un jeune, il place en tête la génétique, puis le modèle (chic, sang, énergie, regard) et enfin les qualités physiques (force, réactivité, respect), qualités dont l’ordre s’inverse avec le temps. Et pour une bonne préparation, pour lui, l’essentiel est la patience : il faut savoir observer et attendre !
C’est ensuite Cocoshynsky, la très bonne jument d’Emanuele Gaudiano qui a fourni à Sébastien Neyrat l’occasion de présenter la nouvelle activité d’ICSI mise en place cette année à sa demande en collaboration avec Avantea en Italie. Cette fille de Cornet Obolensky a donné par cette technique un embryon congelé de Cassini qui, mis en place dans une receveuse, vient d’être adjugé 40 000€ à Hong Kong. BLH a mis au point un catalogue dédié, avec des paillettes de Chacco Blue, Nabab de Rêve, etc.
Puis, tout juste revenu d’Ukraine, Cooper Van De Heffink, présenté en main avant Cartani, monté, qui a servi 300 juments en 2018, et la vedette du jour, Cristallo (Cornet Obolensky /Cassini), premier mondial des pères de gagnants de 11 ans et moins en 2018, qui a procuré quelques émotions au personnel de piste.
Pour clore cette belle présentation, avant le tirage au sort de la tombola et la présentation de l’équipe, un hommage était rendu à Tinka’s Boy, toujours alerte malgré ses 30 ans, et qui reçoit régulièrement la visite de Markus Fuchs, et le « Lando d’Or » a été remis à Pascal Bouvet, en remerciement de son engagement inaltérable, d’une grande ouverture et totalement bénévole.
Vint ensuite le moment très apprécié d’ouverture des écuries, où tout le personnel se tient à disposition des visiteurs dans les boxes des étalons pour répondre aux questions plus ciblées et éventuellement donner des conseils de croisement.
Sébastien Neyrat : « ponction ovocytaire et ICSI, les nouvelles stratégies »
Entretien avec Sébastien Neyrat qui prend de plus en plus de responsabilités dans l’importante structure familiale BLH.Â
« Le métier d’éleveur prend du temps, il s’étend sur plusieurs générations de chevaux, mais aussi, souvent, d’hommes. Par ailleurs, il est indissociable de celui d’étalonnier. Si l’on veut obtenir la confiance de ses clients, il faut avoir un élevage propre qui ait une certaine reconnaissance afin d’acquérir de la légitimité pour conseiller les croisements. Les gens ont envie que ce soit une personne reconnue qui les conseille. Tout ceci prend du temps, et il n’est pas question d’une passation entre mon père et moi. Mon père est encore jeune, et surtout passionné. Il n’a pas spécialement envie d’arrêter sa présence dans l’élevage et fréquente assidûment les gros concours. Si progressivement il délègue les aspects techniques, la partie gestion proprement dite et la stratégie me sont de plus en plus dédiés ; il conserve les aspects relationnels, la prospection des étalons dans les 5 étoiles, l’accueil des clients. La transmission doit être progressive, surtout que, lorsque l’on est « fils de.. » on a encore plus de preuves à fournir ; d’autre part mon père a une reconnaissance internationale et il me faudra quelques années pour m’imposer dans ce milieu. A 38 ans, je me sens prêt, je contribue aux nouveaux recrutements, aux mises en place de nouvelles stratégies comme la ponction ovocytaire et l’ICSI cet hiver. Et à ce sujet, je remercie mon père qui a accepté de se lancer dans un projet de cette envergure, avec ce qu’il comporte de remise en question et de formation. Si nous en sommes arrivés à ce niveau de maîtrise technique avec si peu d’entraînement, c’est grâce à son expérience. Il est indispensable à Béligneux Le Haras qui est devenu une grosse entreprise familiale, et c’est un gage de confiance de travailler en famille, au moins dans les postes à responsabilité. Mon épouse, Laure, qui est comptable de formation, commence également à s’investir, mais sans l’aide logistique de mes parents, ce serait très lourd. Le gage de réussite, c’est la progressivité du processus.
Le rôle de l’IFCE
Ma mère continue, avec l’aide de Laure, à gérer toute la partie administrative, notamment les dossiers IFCE. C’est très lourd, mais très sécuritaire pour l’étalonnier, et pour l’éleveur. C’est ce qui a permis à la France de se démarquer de certains pays très commerçants comme la Hollande ou la Belgique pour accueillir des étalons de prestige. Les propriétaires d’étalons savent que via les Haras Nationaux et leur système de cartes de saillie et de déclaration de naissance, ils ne risquent pas de problème sur d’éventuels poulains nés par-ci par-là avec des doses non répertoriées. C’est un point sur lequel ils sont très sensibles. C’est un système qu’il serait bon d’étendre à l’Europe et au monde en essayant d’intégrer la WBFSH qui est la fédération des Stud Book mondiaux car finalement il serait bon que ce soit elle qui assure ce travail de déclaration de naissances pour qu’on soit sécurisés au niveau mondial. Actuellement, on vend de la semence dans certains pays sans avoir aucun retour sur le nombre de poulains qui ont pu naître.
Sportif et biologiste
En ce qui concerne mon parcours personnel, j’ai commencé par des études de biologie spécialisée dans les biotechnologies et la génétique, très utiles en ce qui concerne l’andrologie dans le métier que j’exerce maintenant. Je me suis ensuite consacré un temps à une carrière de sportif de haut niveau en triathlon, avec des participations en Coupe du Monde en équipe de France pendant une dizaine d’années avant de « prendre ma retraite » sportive vers 28 ans et d’intégrer ce qui était ma passion originelle. J’ai monté à cheval, à un niveau moyen avant mes études et je suis revenu tout naturellement rejoindre l’équipe de BLH. Je me suis occupé d’abord de la gestion de la semence des étalons et du développement du réseau de réfrigéré transporté, puis de la congélation. Toutes choses qui avaient commencé à être développées par les Haras Nationaux au niveau régional avec leurs voitures qui sillonnaient la région. Nous avons élargi ce transport à la France entière grâce à des transporteurs logistiques reconnus, ce qui a beaucoup boosté notre activité et a constitué un cap pour accueillir de nouveaux étalons de renommée internationale, parce que nous étions capables d’envoyer de la semence partout en France, puis partout en Europe. Je suis arrivé dans l’équipe la première année de Tinka’s Boy et de Lando qui ont été les deux premiers grands étalons que nous avons eus. Auparavant, nous distribuions beaucoup de semence congelée, comme celle de For Pleasure. Bien sûr, pour être « dans les clous », surtout au niveau administratif, je suis passé par la formation d’inséminateur qui m’a permis de me familiariser avec tout l’aspect législatif de ce qu’on appelait « la monte publique ». Mais le plus gros de ma formation s’est fait ensuite de manière volontaire.Â
Choix des étalons ?
Sur le choix des étalons à notre catalogue, bien sûr, la sélection est primordiale. C’est ce qui va déterminer toute la saison de monte. On travaille à cette sélection entre octobre et janvier, sans bien sûr s’interdire de réagir si une opportunité se présente. Nous établissons une liste d’étalons que nous aimerions distribuer, qui nous paraissent à la fois complémentaires avec notre catalogue actuel car il ne servirait à rien d’avoir plusieurs fois le même cheval et complémentaires entre eux pour couvrir un panel de juments le plus large possible. Nous choisissons quelques jeunes, puis des chevaux actuellement en compétition, 5 étoiles de préférence, des retraités du grand sport qui ont fait de longues années de compétition, et enfin des pères très confirmés qui ont déjà un bon nombre de produits qui ont permis un testage sur descendance avancée et qui sont maintenant parmi les 10/20 meilleurs étalons mondiaux. Une fois que nous avons catégorisé ces étalons, nous essayons, par catégorie, de rentrer des nouveautés. La nouveauté est primordiale; le monde équestre est très médiatisé. Certains chevaux sont mis en avant par leur descendance, leurs performances ou leur génétique. La nouveauté, c’est aussi le progrès génétique. Si nous trouvons un très bon père, nous essaierons de le recruter, mais en même temps un de ses très bons fils car c’est lui qui a la capacité de se trouver dans les tout meilleurs mondiaux dans les années qui suivent. C’est un métier où il faut être très pro-actif : il faut deviner qui sera numéro 1 mondial dans 10 ans et essayer de le recruter. En revanche, ceux qui sont très bien classés aujourd’hui sont voués, par le progrès génétique, à se déclasser rapidement et il n’y a pas grand avantage à les recruter. Cela n’a plus de sens de croiser une jument avec le numéro 1 d’il y a 10 ans. Jamais un étalon n’est resté numéro 1 pendant 10 ans. Darco, Argentinus, Quidam n’apparaissent plus en pères alors qu’il y a 10 ans ils ont servi 800 juments chacun. Le travail de sélection, c’est d’anticiper, d’autant plus que la concurrence est sévère.
Techniques de reproduction ?
Les techniques de reproduction dans le domaine équin sont très en retard par rapport au bovin. Les espèces bovines sont moins fragiles, les enjeux financiers sont beaucoup plus importants, même si individuellement les individus sont plus cotés dans l’espèce équine que dans l’espèce bovine. Mais les choses changent et les innovations qui se mettent en place sont capitales pour l’avenir de notre filière. D’ailleurs, cela suit d’une certaine manière le cours du développement de l’élevage. Depuis une dizaine d’années, moins de juments sont saillies, mais des juments de meilleure qualité, quitte à réaliser plusieurs embryons sur la même jument. C’est vraiment un challenge pour qui aime la science, et très motivant pour la suite.
L’ICSI c’est quoi ?
En ce qui concerne l’avenir, notre grand projet phare, c’est l’ICSI. J’y crois vraiment et nous y avons beaucoup investi. Nous assurons la ponction ovocytaire, et ces ovocytes sont ensuite envoyés chez le numéro 1 mondial, à Crémone, en Italie, l’entreprise Avantea qui a actuellement plus de 10 ans d’avance sur tous les autres laboratoires pour ce qui est de la qualité des embryons. C’est bien beau d’obtenir des embryons, encore faut-il qu’ils soient de qualité pour que la réimplantation soit favorable. Cesare Galli fait çà depuis 15 ans, il est littéralement en train de révolutionner le monde de la reproduction. Nous récupérons ensuite les embryons, dont nos clients peuvent faire ce qu’ils veulent : les réimplanter, les vendre… C’est une considérable ouverture du champ des possibles : on réconcilie des vieilles juments stériles avec des étalons dont la semence est très rare et très contingentée, ou sub-fertiles. C’est l’exemple de la jument que nous avons présentée : Cassini 1 n’a jamais rempli une jument en semence congelée, Cocoschinsky a 22 ans ; sans la technique de ponction ovocytaire, jamais cet embryon n’aurait été possible.
« Grande implication »
C’est un métier passionnant, qui demande une grande implication. On ne frappe pas à la porte d’un cavalier ou d’un propriétaire en lui disant « je veux distribuer ton étalon ». On demande l’exclusivité. Le cavalier ou le propriétaire va donc faire son choix entre tous les haras, et les critères seront le nombre de saillies, le confort de l’étalon, la notoriété et le sérieux de la structure, C’est pourquoi il y a un très gros travail de remise en cause pour faire en sorte que notre haras ait l’image de marque la plus flatteuse possible par un bon retour satisfaction clientèle, fournisseurs, étalonniers. C’est un travail de sensibilisation de nos employés, de présentation du catalogue, de recherche constante de la qualité, pour faire en sorte que ce soit du grand professionnalisme ».
Propos recueillis par Véronique Robin
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