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Professionnel ou pas ?

Chronique juridique par Jean-Marie Charlot* C’est la question que se pose la majorité des éleveurs de chevaux puisque 97% d’entre eux possèdent moins de 2 juments. Photo 1 sur 1

L’harmonisation européenne a introduit dans le droit de la consommation les articles L211.1 et suivants, qui stipulent notamment que le vendeur professionnel est tenu de délivrer au consommateur (amateur) un bien conforme au contrat et répondre également des défauts de conformité existants lors de la délivrance du bien.
Le cheval étant un bien meuble, il tombe sous le coup de cette ordonnance.

• La définition du consommateur amateur a été facilement dégagée par quelques décisions de jurisprudence : celui qui achète un cheval pour ses besoins personnels par opposition à celui qui achète un cheval pour le valoriser et le vendre.
Il y a toutefois quelques exemples choquants (Cour d’Appel de Limoges 09/08/2006) où la propriétaire de 7 chevaux est considérée comme un amateur, alors que le travail quotidien de ses 7 chevaux ne doit lui laisser que peu de temps pour faire autre chose…, ou encore cette monitrice d’équitation qui s’estimait simple acheteur amateur, au motif qu’elle avait acheté un cheval pour son usage personnel. Heureusement le Tribunal d’Instance de Cambrai a rejeté sa demande (T I Cambrai 11/09/2011).

• Il en va différemment de la notion de professionnel -vendeur, qui, elle, fluctue au gré des jugements et de la qualité des avocats.

Il y a d’une part le courant maximaliste résultant de la décision de la Cour d’Appel de Caen du 29/04/2010 qui retient comme critères de qualification du vendeur professionnel, son implication dans le monde du cheval caractérisée par
- l’indication d’exploitation d’un « élevage »,
- la diffusion d’annonces de vente sur internet,
- l’existence de rapports financiers avec une écurie de course,
- la monte régulière de chevaux chez un entraineur, même si le vendeur a longtemps exercé la profession de déménageur …

Cette décision renforce, de manière sans doute excessive, la protection des acquéreurs car « l’implication » du vendeur dans le monde du cheval ne fait pas de lui un professionnel…

D’autre part, il y a la position minimaliste de la Cour d’Appel d’Angers du 16/03/2010, qui confirme une décision du tribunal d’Instance de Segré, où le vendeur a obtenu qu’il soit considéré comme non professionnel, du seul fait de l’absence d’une activité principale d’éleveur.
Et pourtant le vendeur était agriculteur, propriétaire de plusieurs poulinières dont il commercialisait systématiquement les produits
Son élevage portait un affixe mais le Tribunal a néanmoins estimé qu’il ne pouvait être considéré comme professionnel puisqu’il avait comme activité principale la qualité d’éleveur de vaches. Cet éleveur avait d’ailleurs astucieusement produit une attestation MSA confirmant son allégation.
Le Tribunal, confirmé par la Cour a estimé en outre que le fait d’être propriétaire de plusieurs chevaux et les commercialiser, n’était pas suffisant pour retenir la qualité de vendeur professionnel.
C’est donc le caractère professionnel de l’activité qui est pris en compte.
Ces 2 approches de la définition de vendeur professionnel sont donc apparemment contradictoires.

D’un côté la Cour d’Appel de Caen renforce la protection de l’acheteur et de l’autre la Cour d’Appel d’Angers recherche le critère économique qui fait d’un éleveur un professionnel tirant de son activité un revenu, qu’il soit éleveur, marchand, moniteur ou instructeur.
Il ya en fait une contradiction apparente mais pas réelle entre ces deux décisions.
Si le déménageur de la Courd’appel de Caen avait encore exercé cette profession au moment de la vente, l’arrêt aurait été tout autre et si l’éleveur de vaches avait pris sa retraite avant la vente la Cour d’Appel d’Angers aurait certainement apprécié différemment les choses …

Récemment le Tribunal d’Instance de Lons le Saunier avait à juger du caractère professionnel ou non d’un éleveur propriétaire de 2 poulinières, retraité de l’enseignement national, qui élevait par passion et, bien sûr, il a été considéré comme non professionnel.

Il faut en effet raison garder et présenter aux juges l’aspect économique de l’activité : l’éleveur tire-t-il un revenu suffisant pour être considéré comme un professionnel ?
Or la majorité des éleveurs ne sont propriétaires que d’une jument ou deux au plus, et ne peuvent se voir rechercher au visa des articles du code de la consommation, mais uniquement au titre du code rural, ou du code civil si une dérogation peut être démontrée.
Un seul cas peut faire exception à ce critère économique, c’est celui du moniteur d’équitation ou de l’instructeur qui eux possèdent la connaissance du professionnel, sans qu’intervienne nécessairement le profit résultant de la vente.
Mais dans la majorité des cas, les petits éleveurs doivent se défendre pour laisser aux éleveurs professionnels dépendants d’un syndicat professionnel, le soin d’assumer leur responsabilité à l’égard de l’acheteur amateur.

Jean-Marie Charlot*, Avocat au TGI de Chaumont et à la Cour d’Appel de Dijon
15/12/2011

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