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Quand la bactérie mourra, le cheval tremblera !

Chronique vétérinaire Tous les équidés, qu’il s’agisse de chevaux, de poneys, de mules ou d’ânes vivent en symbiose avec des bactéries qu’ils hébergent dans leur cæcum.  Photo 1 sur 1

En fait, lorsque je parle de bactéries, il s’agit d’un raccourci de langage. Dans le cæcum (et le colon d’ailleurs), il y a toute une flore : entre 5 et 7 109 par gramme de contenu digestif comprenant majoritairement des bactéries (Streptococcus, Bactéroïdes, Lactobacillus) mais aussi des protozoaires, bref une microflore comparable à celle de la panse des ruminants. 
Cette population microbienne a pour principale action de dégrader les fibres comme la cellulose en acides gras volatils. Cette cellulose est un constituant des parois des cellules végétales, qui donnent sa rigidité à la plante. En se dégradant, elle libère l’azote contenu dans ces parois.  
Donc, si vous donnez du foin par exemple à votre cheval, sans ces bactéries, il ne pourrait pas le digérer. En effet, le cheval ne produit pas de cellulases (enzymes qui permettent de dégrader la cellulose). Ce sont les bactéries qu’il héberge qui ont cet équipement enzymatique.  
Pour vivre, ces bactéries doivent avoir de quoi manger. Elles le trouvent dans le contenu digestif qui arrive dans le gros intestin. Principalement, il leur faut de l’énergie et de l’azote.  
Les bactéries ont deux grandes sources d’énergie possibles : la cellulose et une petite partie de l’amidon car je rappelle que les lipides, la majeure partie voire la totalité de l’amidon et les sucres simples sont absorbés dès l’intestin grêle et donc n’arrivent jamais au niveau du cæcum.  
La cellulose n’étant pas dégradée avant, elle arrive dans le gros intestin. Les bactéries la dégradent en produisant des acides gras volatils avec libération de gaz et de chaleur. C’est pour cela qu’on dit classiquement que le fait de donner un régime à base de foin « chauffe » le cheval en hiver. 
Les rations qui contiennent un taux de cellulose insuffisant, le minimum étant aux alentours de 15 à 18 %, ont généralement par la même occasion un taux de céréales donc d’amidon élevé.  
Cette quantité importante d’amidon ingérée peut dépasser les capacités de traitement de l’intestin grêle. Dans ce cas, une partie importante va arriver non digérée dans le gros intestin. 
Les bactéries cellulolytiques ne sont pas adaptées pour la dégrader. En outre, cet apport massif d’amidon va  modifier les conditions de pH. Le milieu ne leur convenant plus, elles meurent en grand nombre. 
Leur mort libère des toxines. C’est le fameux « dysmicrobisme », le préfixe « dys » indiquant que quelque chose ne se passe pas normalement – dys-fonctionne. Cette mort massive des bactéries et le relargage d’une quantité importante de toxines est la cause de coliques ou de fourbures.  
Le cheval est malade de la mort de ses bactéries ! 
Si les bactéries meurent pour d’autres raisons, le même phénomène se produit. C’est pour cela que certains antibiotiques sont déconseillés chez le cheval... ils flinguent les bactéries du tube digestif et le cheval paie les pots cassés. 
Ce sont des cas classiques et tous les nutritionnistes équins les connaissent bien. 
C’est pour cela que lorsqu’on doit apporter des quantités importantes d’énergie à un cheval, on a tendance à préférer augmenter le taux de matières grasses plutôt que de pousser trop sur les céréales : pas de risque de dysmicrobisme et sauf pathologie particulière, aucun problème. 
Mais on m’a soumis, il y a peu, un cas beaucoup moins évident mais à la réflexion peut-être pas si rare que ça. 

Je vous le présente :  
Une shetland avec tendance à la fourbure. Elle est au foin seul. Mais sa propriétaire trouve qu’elle est quand même trop ronde et comme elle craint pour la santé de sa ponette, elle remplace la totalité du foin par de la paille. Aucun autre apport alimentaire, même pas un peu d’herbe volée ici et là. 

La ponette fait une fourbure. 

Conclusion de la propriétaire : la paille est trop riche puisqu’elle a déclenché une fourbure chez ma ponette. Raisonnement par analogie avec une augmentation brutale de la ration (cheval qui tombe sur le coffre à avoine ou transition non maîtrisée) ou de son taux de céréales (ration trop riche en amidon), qui provoque un dysmicrobisme. 

Impossible lui répond-on, la paille est moins riche que le foin. 

Examinons les chiffres : 
Foin : 0,45 UFC/Kg (énergie) ; 37 g de MADC/kg (azote)
Paille : 0,26 UFC/Kg (énergie) ; 0 g de MADC/kg (azote) 

Aucun doute sur la question. Mais alors pourquoi la ponette a-t-elle fait une fourbure ? 

Je suis sûre que vous avez la réponse... mais si ! Oui ? Non ? Peut-être ? 

Et bien c’est très simple. Pour vivre, les bactéries ont besoin d’énergie ET d’azote.  

Or la paille contient 0 g de MADC. Pas d’autres aliments pour compenser. Bon, il y a bien le cycle de l’urée en interne mais cela ne va pas chercher loin et cela s’épuise vite sans apport extérieur. 

Pas d’azote apporté aux bactéries = mort des bactéries = libération de toxines = fourbure. 

Évident, mon cher Watson ! 

Catherine Kaeffer
http://techniques-elevage.over-blog.com

 

 

14/03/2013

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