- Toute l’actualité du cheval et des sports équestres

René Lopez en toute intimité

PortraitPas la grosse tête René après sa victoire dans le CSI de St Lô et sa 3e place sur l'étape lyonnaise du circuit Coupe du monde; « Il faut garder les pieds sur terre, dit-il, et ne jamais oublier d'où l'on vient ». Sagesse extrême. Photo 1 sur 2
Mardi matin à St Pierremont, dans les Vosges. Un jour comme un autre. Enfin presque. L'oreille rivée au portable, René répond à des coups de fil le plus souvent de félicitations. « Ça n'arrête pas, c'est extraordinaire » puis avec un brin de malice « Je suis sûr que tu n'y croyais pas ».
Julian a ramené le camion, rentré puis soigné les chevaux. Pierre Vermillon ferre Opium des Forêts, le cheval de concours de Corinne. Claude, Alexia, Clément et Sophie, ses grooms et cavaliers sont occupés à leurs tâches respectives. René est de retour de balade avec Noblesse. « Elle est comme d'habitude, constate-t-il, calme, heureuse d'aller faire un tour dans la nature. C'est une extraordinaire jument, bien dans sa tête et guerrière; tu as remarqué, je la monte toujours sans éperons, même en concours. A Lyon, j'aurais pu aller plus vite s'il n'y avait pas eu un petit problème d'embouchure ».
C'est bien la victoire qu'il visait quand il partit en 2e position sur ce barrage d'enfer couru fond de train et magistralement maîtrisé. Etonnant René, vainqueur quinze jours plus tôt du Grand prix de St-Lô.
Matin calme donc dans l'automne rougeoyant de cette campagne vosgienne qu'il a investie il y a une quinzaine d'années; il n'y avait rien d'autre qu'une ancienne ferme et quelques parcs. D'un regard circulaire, il jauge le chemin parcouru : une structure très fonctionnelle avec boxes et manège, une carrière Toubin, les écuries attenant à la maison refaites, un espace douche-solarium, des espaces verts joliment aménagés et quelques hectares de parcs en plus tout autour. En permanence, une vingtaine de chevaux, à lui et ses propriétaires. « Des fidèles, dit-il, qui sont là depuis longtemps, et qui me font confiance comme Etienne Cournault, André Daloz, Roland Riedinger, Jean-François Morizot et plus récemment Martine et Bertrand Darier, les propriétaires de Noblesse des Tess. Je ne m'occupe que des chevaux que je monte en concours. Je ne prends pas de pensions et ne fais pas écurie de propriétaires, ce n'est pas mon métier ».
Voilà, c'est là, à St Pierremont, aux confins des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle, à quelques encablures de Lunéville, une autre célèbre cité du cheval, que René Lopez est installé. Cela écrit à l'intention de mes confrères journalistes qui ne savent pas très exactement où se situent la Lorraine et le Colombien « volant », « l'inattendu-René-Lopez » (comme ils disent) 3e de l'étape Coupe du monde à Lyon.

« Savoir attendre »

Sa journée-type en dehors des concours : à cheval le matin jusqu'en début d'après-midi (sans pause déjeuner); relationnelle ensuite avec très souvent du temps consacré à aller voir des chevaux dans les prés. « J'aime tous les chevaux, dit-il, les poulains comme les plus âgés et j'aime aller dans les prés détecter le bon cheval. Ça ne marche pas à tous les coups, mais j'aime ce temps passé dans les pâtures avec les éleveurs ».
La philosophie de René dans le travail des chevaux, c'est la patience. «  Ça ne sert à rien d'aller trop vite, il faut avoir de la patience, travailler sur le plat et savoir attendre le moment où ils sont prêts à aller plus fort et plus haut. Ce qui compte beaucoup, c'est le mental. Avec Bertrand Darier, nous avons longtemps hésité avant de prendre la décision de ne pas aller à Lexington. La jument aurait pu faire les JEM. Elle en a les moyens. Mais comme il m'a laissé seul juge de la décision, j'ai choisi de ne pas l'engager. Elle est jeune, je ne voulais pas lui faire courir le risque d'une grande perturbation, pour des tas de raisons, qui aurait pu nuire à son mental. On a le temps. Elle prend de l'expérience et de la maturité au fil des concours. Je ne regrette pas cette décision. Nous allons préparer les Jeux Panaméricains de 2011 puis les Jeux Olympiques de Londres pour la Colombie ».
Pour l'heure, le programme (copieux) comporte le CSI*** de Montpellier (10-14 nov), Stuttgart, Coupe du monde (17-21 nov), Audi Masters de Bruxelles (26-28 nov), Gucci Masters de Paris (3-5 déc), Genève, Coupe du monde (9-12 déc), Mekelen CDM (26-30 déc), Bordeaux CDM (4-6 fév 2011), Vigot CDN 10-13 fév). Les séjours à St Pierremont seront brefs d'ici à la fin de l'année.
Avec 15 points au compteur du classement de la Coupe du monde, René va tenter d'engranger des points pour la finale de Leipzig (28 avril-1er mai). Une grande aventure commence avec Noblesse des Tess, cette fille du grand Cumano née en Normandie chez Jacques et Vincent Brohier et sortie en classique par Vincent Brohier avant de passer sous la selle de Simon Delestre pour son année de 7 ans. Une Noblesse très convoitée aujourd'hui par les plus grands cavaliers internationaux mais que ses propriétaires ont décidé de garder malgré des offres importantes.
René est conscient de la difficulté de la tâche; ses concurrents du circuit Coupe du monde ont trois ou quatre chevaux de Grands Prix. Il peut néanmoins compter sur un piquet de qualité avec Chaparal, un Holsteiner de 8 ans, petit-fils de Contender; Nestcape (Quidam) et Nienzo du Mirador (Le Tot de Semilly), deux produits de la grande gagnante internationale Rienza de Loups, nés à l'élevage de Martine Darier; Nanny des Hayettes (Adelfos-Jouan de Frely aa);
Canagan du Mont (Kannan).

« Confiant »

Il l'avait dit à St-Lô au cours de la conférence de presse d'après concours. Il l'a répété à Lyon : « Je ne suis pas surpris d'être là aujourd'hui. J'ai toujours cru en cette jument comme j'ai confiance en moi. J'avais très envie de faire un résultat ici. C'est fait. Je suis bien à Lyon, je n'ai pas envie de bouger...(ndlr contrairement à Méredith et Gerco Schroeder, pressés par un avion à prendre).
Confiance et sérénité, c'est bien ce qui caractérise l'environnement du cavalier franco-colombien. Deux paramètres de vie essentiels qu'il trouve auprès de Corinne, sa compagne, auprès de Martine et Bertrand Darier qui partagent totalement sa vision et sa pratique du sport, auprès de Véronique Cournault qui planifie et tient scrupuleusement à jour le tableau de bord du compétiteur, auprès de son équipe de grooms qui fait tourner l'écurie lors de ses lointains et nombreux déplacements. Belle PME agricole et sportive, mine de rien, qui, sans tapage, tourne rond.

« J'ai 20 ans »

Il est loin, le temps où le petit Colombien débarquait à Paris sans une tune, avec un seul but en tête : la Normandie, Jean-Pierre Villaud et les chevaux. Son idéal et sa force de caractère n'ont pas pris une ride, à tel point que, lorsqu'on lui demande son âge, il répond invariablement « J'ai 20 ans ».
20 ans, de Palestro II à Noblesse des Tess, le compte y est. En passant par une foultitude de bons chevaux : de Quaprice Boismargot au temps de Quincy, Rufus, Ornella et tant d'autres, petits et grands qui sont passés sous sa selle.
Attachant ce garçon. Vraiment.

Etienne Robert


Bertrand Darier : « On garde la jument »

« Ce qui me le fait le plus plaisir, c'est la réussite de René. Il a monté beaucoup de chevaux différents et arrive toujours à en tirer le meilleur. Il y croit, c'est extraordinaire. Vous avez vu quand il jette son bras à l'arrivée, c'est fantastique; Il a une grande capacité de concentration et un mental très fort. C'est un battant. Je suis heureux qu'il récolte les fruits de son travail.
Nous avons été très sollicités depuis Lyon par l'achat de la jument. Mais c'est décidé, on la garde. Ma femme n'aime pas vendre ses chevaux et René encore moins. Alors on continue l'histoire. J'ai une femme solide, un cavalier solide. Il faut y aller. La jument répète ses sauts, elle a aussi un fort mental qui lui permet de supporter facilement le rythme. Elle va au feu et montre qu'elle est contente quand elle entre en piste. Sans cette petite gêne à l'embouchure - résolue maintenant avec CWD - qui l'a empêchée de galoper tout droit sur le dernier oxer, il pouvait gagner.
René a son style. Il s'en sert très bien et sait très bien monter à cheval. Quant à la jument, elle s'est bien adaptée à sa monte. Elle a vraiment passé un cap avec Simon Delestre.
J'ai eu un immense plaisir à Lyon. On me dit froid et distant - c'est vrai que je ne suis pas exubérant - mais vous savez, quand il entre en piste, j'ai chaud à la poitrine. Mon seul regret, c'est de ne pas voir mes chevaux plus souvent. C'est loin les Vosges... mais je me console en me disant que les meilleurs sont chez moi, à la maison, ceux que je monte tous les jours; C'est mon hobby. Ils me permettent de garder la ligne, de faire de belles épreuves et de gagner. Je me sens bien avec eux ».

09/11/2010

Actualités régionales