Sébastien Mourier : « Ténacité et lâcher-prise au cœur de la performance »
Notre dernière entrevue date de 2018, quelles nouvelles ?
« En 2018, je dépendais d’un seul sponsor qui était mon employeur, et le sponsor au niveau des chevaux, j’étais complètement dépendant de lui. Son départ cette année-là a mis un point d’arrêt à ma carrière de sportif de haut niveau. Je suis alors parti en Hollande collaborer avec Boyd (ndlr : Boyd Excell, l’australien triple champion du Monde, et n°1 mondial au classement FEI en 2020). Cela m’a permis d’acquérir une autre expérience, de voir ou de confirmer certaines choses. Ça a été très enrichissant ».
Quelles types de compétences notamment ?
« Dans la gestion de la compétition principalement, dans la préparation des chevaux. Il est à croire que je travaille trop sur la construction du cheval et pas assez sur l’approche de la compétition dans l’efficacité du cheval sur le concours. J’ai toujours eu de jeunes chevaux pour la plupart, donc sans ou avec peu d’expérience. L’attelage avec lequel je suis arrivé 5e à Windsor en 2018 (ndlr : 11e au classement mondial à l’aube des JEM de Tryon), j’avais les chevaux depuis 18 mois à peine. Travailler avec Boyd m’a ouvert les yeux.
Ensuite, j’ai eu l’occasion de partir travailler au Canada pour apporter mes compétences et mon savoir-faire, pour la préparation des meneurs en général et des chevaux. Reste que je gardais en tête de revenir dans le haut-niveau.
En 2019, alors que je venais assister au CAI de Saumur, je reçois un appel qui m’indique que deux chevaux gris sont en vente à quelques kilomètres. En rentrant, je me suis arrêté et j’ai retrouvé l’une des paires de mon attelage à 4. Une semaine après, une autre opportunité se présente, et je récupère alors mes deux autres chevaux.
Désormais, j’ai plusieurs partenaires privés qui me soutiennent. Ces soutiens m’ont permis de racheter le matériel, le camion, tout ce qu’il faut pour repartir en concours. En marge de cela, j’ai Patricia Nidam Jones, qui m’a confié des chevaux. Nous sommes à la veille du premier confinement. Par voie de conséquence, une seule sortie en concours l’année dernière. Blessé en automne, j’ai été arrêté tout l’hiver. Tout cela a permis aux chevaux de souffler au pré durant cette période. J’y ai vu une occasion de partager davantage avec eux que sur une saison classique, ce que j’ai beaucoup apprécié. Aujourd’hui, je suis de nouveau opérationnel et l’envie est toujours là ».
Quel programme dans les mois à venir ?
« Mon objectif est d’essayer de participer au championnat d’Europe de Budapest à la rentrée 2021. Maintenant le côté financier revient sur le devant de la scène, puisque j’ai d’ores et déjà beaucoup investi. A court terme, je recherche encore des partenaires prêts à apporter leurs contributions.
La Hongrie est une nation d’attelage, et l’échéance promet d’être un vrai grand rendez-vous. Tout ce qu’ils ont préparé est vraiment magnifique. Je sens que beaucoup de choses se mettent en place. C’est une occasion unique de partage ».
Combien coûte en gros une année d’attelage à quatre chevaux ?
« Je dirais que ça dépend des meneurs, mais il faut compter une base de 150 000 à 200 000 € par an. La fourchette peut bouger beaucoup, les déplacements sont pris en compte, mais cela ne prend pas en compte la dimension salariale de personnel complémentaire, ni l’achat des chevaux… A ce jour, nous avons réuni la quasi-totalité de la somme, un apport de 20 000 € supplémentaire contribuerait à la concrétisation, la sérénité et la performance.
Reste que j’ai été groom auparavant, j’aime garder le contact avec mes chevaux. J’apprends à déléguer parce qu’il est impossible de tout faire sur un concours. Reste que s’occuper d’eux me permet de les ressentir avant le départ. Sur la compétition de Genève (2015) où je suis 2ème, je suis parti seul avec le camion et les cinq chevaux. J’ai des amis qui sont arrivés juste pour monter sur la voiture. C’est aussi une bonne aventure, on vit autrement. Chacun est différent, mais tous contribuent au résultat de l’équipe ».
Un sujet sur lequel vous aimeriez vous exprimer ?
« J’ai à cœur la compétition et les valeurs de la compétition que nous pouvons transmettre. Nous avons un sport moderne tout en étant allié à la tradition. J’ai l’impression qu’il n’existe pas que peu de sports qui nous permettent de garder la tradition dans le temps. Au travail du cheval s’ajoute aujourd’hui le sport et l’adrénaline, et qu’on ait 15 ou 60 ans, on ne s’attend pas à avoir à ces nouvelles sensations que l’attelage version sport procure. D’assister au fait qu’ils vivent l’instant est un vrai cadeau.
Nous sommes dans un sport de glisse, un sport d’équipe, que ce soit avec les chevaux où avec les hommes avec lesquels on évolue de concert. Un bon meneur ne suffit pas, il faut aussi de bons grooms derrière, sur la voiture ou à pied. Il faut une alchimie qui se créée tout de suite, comme si cela avait toujours fonctionné. La force est dans le fait de se comprendre sans mot dès la première action ».
C’est la connexion avec le cheval qui vous ramène vers l’humain ?
« Par nature, depuis enfant, je suis né avec les chevaux. Le cheval est un vecteur social, personne n’est insensible face au cheval. Le cheval, à mon sens, est une école de la vie qui est importante. L’animal nous transmet des règles de vie qui devrait faire partie de l’éducation des plus jeunes ».
Le vrai à la place de la culture de l’image ?
« Tout à fait. La rencontre entre une personne et les chevaux au pré, leurs réactions, apportent beaucoup d’éléments quant à la personnalité et le mode de fonctionnement de chacun. Le cheval est un miroir. Je le constate lorsque je suis en compétition. Sans lâcher-prise, sans connexion, ça ne passe pas. Certains jours, en une seconde, on change une dimension, et de suite, ça passe. Après un renversement sur un marathon, plus rien ne fonctionnait avant la maniabilité, c’était à mes débuts à quatre chevaux, je cherchais comment nous remettre en route. D’un seul coup, j’ai accepté de laisser aller, de faire confiance, d’avancer. En quelques instants, l’attelage s’est métamorphosé, j’ai trouvé une légèreté et une sérénité bien réelles. Ce moment-ci m’a permis de comprendre ce que je cherchais … Je devais faire sortir mes appréhensions. Il faut accepter de prendre du recul sur soi-même et ouvrir les yeux sur ce qu’on n’a pas envie de voir ou d’entendre. C’est comme lorsque l’on ne voit pas le bout du tunnel et que l’on se dit, je reste calme, je reste patient, je continue à avancer, et puis un jour, ça s’enclenche. Il faut y croire jusqu’au bout. Un ami me disait La ténacité est la clef de la réussite. Certains seront très doués sur certaines compétitions, mais pourront perdre une partie de leurs moyens face à la pression des grosses épreuves. Il m’a fallu des années pour comprendre qu’être plus libre, me laisser aller était un sésame. Mieux vaut tard que jamais ».
La sérénité par rapport au financier permettrait donc également de participer à la performance sur les terrains ?
« Exactement. Après un peu plus d’un an, avec les partenaires qui me soutiennent actuellement, qui ont vraiment investi pour me voir revenir, j’ai envie de leur offrir ce partage, ces moments de l’intérieur, c’est une autre vision, un réel plaisir, qui nous permet de plus de continuer à véhiculer les valeurs dans lesquelles on croit, et contribue à faire découvrir notre sport ».
M. Guillamot
Vous devez être membre pour ajouter des commentaires. Devenez membre ou connectez-vous