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Séquençage du génome du cheval : sa justification et ses limites

Depuis novembre 2009, le code génétique du cheval est entièrement séquencé. Cette prouesse scientifique a nécessité plus de 20 ans de travaux et l'association de 100 scientifiques issus de 20 pays différents. Photo 1 sur 1

 En génétique, le séquençage concerne la détermination de la séquence des gènes, des chromosomes ou du génome complet. Cela signifie que l'on détermine quel est l'ordre d'enchaînement des nucléotides, ces petites « briques » qui composent la molécule d'ADN. L'enchaînement des nucléotides est important puisque cet ordre permet de « coder » les informations contenues dans l'ADN. La séquence d'ADN contient en effet « l'information » nécessaire aux organismes des êtres vivants pour croître, se reproduire et assurer toutes les fonctions biologiques internes. Déterminer cette séquence est donc indispensable pour les recherches visant à comprendre comment fonctionnent les organismes ainsi que pour certains domaines appliqués :
en médecine, elle peut être utilisée pour identifier, diagnostiquer et potentiellement trouver des traitements à des maladies génétiques. Ces maladies sont dues à des mutations dans les gènes, c'est-à-dire à des changements dans la séquence de nucléotides composant ces gènes. La protéine codée par le gène en question se retrouve donc « mutée » (c'est-à-dire qu'elle est non fonctionnelle), elle ne peut donc plus jouer son rôle au sein des cellules. Ceci provoque un dérèglement du fonctionnement cellulaire dans l'organisme entier et provoque la maladie.
en biologie, l'étude des séquences d'ADN est devenue un outil important pour la classification des espèces. En effet, plus les espèces ont des génomes proches plus on peut dire que leur ancêtre commun est proche. A l'inverse, plus les génomes de deux espèces sont différents et plus on estime que leur ancêtre commun est ancestral.

Une longue recherche...
Au 12 Novembre 2009, le nombre d'espèces mammifères dont le génome a été totalement séquencé est porté à 9 :
- L'Homme, Homo sapiens (abouti en 2003)
- La souris, Mus musculus
- Le rat, Rattus norvegicus
- Le chimpanzé, Pan troglodytes
- Le Macaque rhésus, Macaca mulatta
- Le chat domestique, Felis silvestris
- L'ornithorynque Platypus, Ornithorhynchus anatinus
- La vache, Bos Taurus
- Le cheval, Equus Caballus (abouti en 2009)
D'après le site officiel du projet (http://dga.jouy.inra.fr/horse.genomics/abthgp.html ) c'est en 1996 que le Département de l'Agriculture américain (USDA) invita les participants du projet « génome humain » à rejoindre les chercheurs travaillant sur la génomique des autres espèces d'intérêt agronomique, comme le cheval. L'objectif initial du projet du génome du cheval était limité à la construction d'une carte génétique équine, c'est-à-dire de déterminer comment était « organisé » le génome du Cheval : combien de chromosomes et de gènes fonctionnels le composaient. On découvrit ainsi que le cheval possède 32 paires de chromosomes, alors que l'espèce humaine par exemple n'en possède que 23 paires. Parmi ces 32 chromosomes, 17 sont similaires aux chromosomes humains, et les 15 autres correspondent à un assemblage de différentes portions des chromosomes humains. Ces données situent donc le génome du Cheval plus proche de l'Homme au niveau génétique que ne le sont ceux du chien ou de la souris par exemple.
L'autre objectif du projet était de révéler les bases génétiques de plusieurs caractères simples du Cheval comme la couleur de la robe et les caractéristiques de certaines maladies génétiques héréditaires. Des tests moléculaires ont ainsi été développés et sont maintenant disponibles pour les vétérinaires et les éleveurs de chevaux.
Mais les objectifs initiaux du projet furent modifiés en 2005. A cette époque l'Institut National de Recherche sur le Génome Humain (NHGRI) travaillait sur le séquençage du génome humain et de différentes espèces de mammifères pour comprendre leurs similitudes et différences. Les mammifères sélectionnés représentaient différentes branches de l'arbre phylogénétique des espèces, sorte d'arbre schématique montrant les relations de parenté entre des entités supposées avoir un ancêtre commun. La famille des Périssodactyles (comprenant le cheval, le tapir et le rhinocéros) ne faisait pas partie du projet initial. Les participants du projet « Cheval » soumirent alors une proposition de projet au NHGRI en décrivant les bénéfices potentiels apportés par le séquençage du génome du Cheval pour la recherche médicale et vétérinaire, et le projet fut accepté.
Les travaux entrepris révélèrent ainsi que les génomes animaux étaient à la fois plus simples et plus complexe que ce que l'on pensait.

Caractéristiques du génome équin
Premièrement, le génome équin ne compte qu'environ 20 000 gènes fonctionnels (codant pour les protéines indispensables au fonctionnement de l'organisme), soit environ dix fois moins que les estimations initiales. Parmi ces 20 000 gènes, 17 000 sont similaires à ceux de l'Homme, de la souris et du chien. Ces gènes ne représentent que 2% de l'ADN des chromosomes, et les 98% restants ne codent pas pour des gènes : il s'agit de « l'ADN non codant», qui est unique pour chaque espèce. L'ADN non codant joue un rôle dans la régulation de l'expression des gènes et dans l'organisation du génome. De plus, certaines séquences sont transcrites en ARN mais non traduites en protéines, et c'est l'ARN qui a un rôle fonctionnel dans la cellule. Il était donc nécessaire de connaître les séquences de « l'ADN non codant » du cheval pour comprendre comment les gènes s'exprimaient.
Le séquençage débuta en Février 2006 et moins de 6 mois plus tard le génome entier était découpé en quelques 30 millions de fragments. La séquence d'ADN de chaque fragment fut déterminée grâce au séquenceur, puis il fallut assembler les morceaux dans le bon ordre.
Cette dernière étape fut achevée en Janvier 2007.

Identification des « marqueurs » communs aux différentes races équines : pour quoi faire ?
Par la suite, le séquençage partiel du génome de plusieurs races différentes de chevaux permit d'identifier 1 million de « marqueurs génétiques » communs, et 54 000 d'entre eux furent déposés sur des « puces à ADN », outils biotechnologiques permettant l'analyse rapide de l'expression et de la variabilité de séquence de ces marqueurs. Ce sont donc 54 000 « points de repère » du génome qui sont désormais disponibles pour identifier des régions d'intérêt, comme par exemple celles responsables de maladies génétiques. Leur étude approfondie permettra de mieux connaître le rôle des facteurs génétiques dans les pathologies affectant la race équine, et le rôle de l'environnement dans leur apparition.
De plus, l'étude de ces marqueurs permettra aux chercheurs de déterminer les relations entre différents caractères héréditaires importants pour les éleveurs de chevaux : la taille, la couleur de la robe, la rapidité, la force, l'endurance...
Grâce à la connaissance du génome, c'est tout un pan de la sélection génomique qui sera facilité pour les éleveurs. Cette sélection, qui consiste à choisir des reproducteurs sur base de leur « valeur génétique », prédite à partir des 54 000 marqueurs précédemment cités, sera nettement plus fiable. Chaque éleveur pourra ainsi améliorer la qualité de son élevage.
Mais il faut raison garder : la génétique n'est pas seule responsable de la qualité sportive ou amélioratrice d'un animal. Si effectivement la connaissance du génome permet de diminuer l'apparition de maladies génétiques graves, représente un énorme pas en avant dans la connaissance de cette espèce et apporte un outil supplémentaire de sélection, les performances sportives des chevaux ne sont pas dictées par leur seul ADN mais tout autant par leur nutrition, leur entraînement, leur environnement de travail, et, enfin et surtout, par une grande part non maîtrisable dans la sélection génomique : le hasard.

 * Master de Biologie à l'Université de Nancy

25/08/2011

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