Serge Lecomte : « une ambition pour demain, réunir SHF et Fédé »
La ministre avait évoqué à demi-mots l’empilage toxique des structures qui font de la filière équine un millefeuille peu lisible et parfois en concurrence dans les financements publics. Il y a longtemps que le président de la Fédé a compris qu’il fallait parler d’une seule voix et marcher dans le même sens. « Les choses bougent, il va y avoir la loi sur le sport, l’organisation des fédérations. Nous, aujourd’hui, au niveau de l’équitation on veut avoir un projet ambitieux. Ce projet de demain c’est d’abord de réunir la SHF et la Fédération et faire en sorte que le mode des courses remplisse son devoir vis-à-vis de la filière équestre qui est la seule à apporter une plus-value au cheval grâce à la compétition. Nous devons trouver ensemble un moyen pérenne de financement des compétitions. Comme vient de le constater la Cour des Comptes, le monde des courses n’est pas à la hauteur de ses missions.
Notre ambition pour demain, c’est celle-là, que la SHF et la Fédé soient réunies dans une seule structure et que l’on trouve un financement pérenne pour ces deux organismes qui développent la compétition ».
En répondant à nos questions, Serge Lecomte explique sa vision de cette évolution.
Comment voyez-vous le fonctionnement FFE-SHF ? S’agit-il d’une OPA de la FFE sur la SHF ?
« Tout d’abord, il n’est pas dans mon idée de vouloir faire une OPA sur la SHF, ni de vouloir la présider ou de lui imposer un quelconque point de vue. Le fait de penser au rapprochement de ces deux organismes au sein d’une même et seule structure n’est qu’une question de bon sens afin que la filière équestre ait une stratégie de développement cohérente en phase avec la demande des publics. Si aujourd’hui, quelques effarouchements séparent ces deux organismes, leur fusion semblera évidente aux générations montantes, qui, déjà, comprennent mal cette séparation. Personnellement, je ne me place pas comme candidat à mener ce projet, mais comme porteur d’une réflexion qui s’imposera ».
Comment envisagez-vous la mutualisation des moyens ?
« Un seul organisme devra réduire les coûts de structure, mais surtout permettra une stratégie unique pour que le cheval reste dans l’intérêt du plus grand nombre de nos concitoyens, et ce afin d’assurer son avenir ainsi que celui de tous ceux qui le font vivre ».
Quid de l’organisation des compétitions ? Tout à Lamotte Beuvron ou Lamotte et Fontainebleau ?
« Déjà la SHF et la FFE utilisent le plus souvent les mêmes structures et les mêmes compétences pour organiser l’animation sportive de l’élevage et des cavaliers. Il conviendra, avec l’expérience de chacun, d’innover et de rendre nos compétitions encore plus complémentaires et de bien répondre au développement des sports équestres qui seuls permettent d’apporter une plus-value a l’élevage du cheval de selle. Sur le terrain, cette unité existe déjà au regard du nombre considérable de 5 et 6 ans qui sont sur les concours FFE.
Ni Lamotte, ni Fontainebleau n’ont d’exclusivité d’organisateur de nos grands événements. La qualité d’une organisation tient d’abord à l’engagement d’un «entrepreneur d’événement » qui sait créer la bonne synthèse entre le lieu, la date, le programme, l’accueil et la compétence de son équipe. Un seul de ces éléments est parfaitement insuffisant pour réussir. Personne ne maîtrise l’avenir ni les compétences qui en émergeront ».
L’idée d’une reprise du circuit jeunes chevaux par la FFE avait déjà été formulée il y a 22 ans par Pierre Durand. Etes-vous dans cette configuration-là ?
« J’observe simplement que le fruit de notre histoire progresse vers de nouvelles réalités sociétales et économiques que l’on doit savoir anticiper avant qu’elles nous l’imposent. Pierre Durand l’avait sans doute pressenti trop tôt ».
Quid de l’IFCE dans ce nouveau panorama? Disparition ?
« Je n’ai jamais dirigé une structure en espérant subsister grâce à une manne céleste. Nous devons imaginer l’avenir du cheval sans rien attendre que de nous-même. L’IFCE n’a pas pour vocation de nous faire vivre mais d’assurer les missions régaliennes de l’État ».
Le financement de tout cela, vous le voyez comment ?
« Bercy éparpille beaucoup d’argent pour le cheval sans résultats tangibles : agriculture, sports, mécanismes dits de « solidarité » etc.
Les accords qui créent ces fonds, aux distributions sans effets réels, doivent être réorientés, en particulier vers l’élevage du cheval de selle et la compétition en générale qui sont les seules activités d’avenir car elles génèrent de l’économie et de l’emplois et répondent à une demande que nous savons développer.
Le développement des activités cheval les plus porteuses bénéficie à tous, et, en particulier au monde des courses. La bonne image du cheval en France renforcera sa position en échange d’un réel soutien à la filière cheval, comme le précise l’article 2 de la loi du 2 juin 1891 et le décret n°97-456 du 5 mai 1997 ».
Cette loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, les sociétés-mères, en contrepartie de leur monopole, participent :
« au service public d’amélioration de l’espèce équine et de promotion de l’élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l’élevage chevalin ainsi qu’au développement rural […] Les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par le décret 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel qui précise que :
« La Fédération nationale des courses hippiques tient dans ses écritures un compte séparé dénommé « fonds d’encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux «(Fonds EPERON) destiné au financement d’actions et d’investissements au profit de la filière du cheval ». »
« Afin de répondre à l’esprit de la loi de 1891 qui vise au « développement rural », les fonds doivent donc être consacrés à des activités économiques viables dans les territoires et à des projets pourvoyeurs d’emplois, estime le président de la FFE.
En effet, la filière équine n’a de perspective que si elle bénéficie d’un débouché « aval » qui repose sur l’utilisation des équidés notamment dans le sports-loisirs et aussi pour l’utilisation des équidés de travail (indépendamment des courses hippiques non concernées par ce financement).
C’est pourquoi, une attention particulière doit être accordée aux activités conférant une plus-value au cheval, celles qui plus largement « valorisent » le cheval, son rayonnement dans les territoires et également au-delà de nos frontières grâce à une filière sportive équine reconnue au niveau international.
En dehors des courses hippiques, seule la filière sport crée une valeur ajoutée significative à la production du cheval en France.
Les circuits d’élevage doivent être un tremplin vers l’objectif sportif du cheval. Les aides financières du cheval doivent accompagner ce qui donne de la valeur à la filière sport, notamment en primant les compétitions comme c’est le cas dans la filière course.
La compétition équestre est l’unique plus-value apportée à l’élevage du cheval de selle. Elle permet aux éleveurs de bénéficier d’un marché seul capable de tirer leurs productions.
La compétition est le support indispensable aux calculs des indices génétiques et de performances de l’ensemble des poneys et chevaux de sport, indices qui conditionnent les stratégies des différentes races et qui contribuent à l’excellence et au rayonnement de l’élevage français.
Pour l’usage des fonds destinés à aider la filière équestre et au regard du devoir de solidarité de la filière course, il convient de récompenser les performances des chevaux gagnants en lieu et place de tout autre mode de subvention.
Les réflexions menées sur le financement et les mécanismes de solidarité au sein de la filière doivent conduire au soutien des seules activités qui apportent une plus-value en matière d’emplois et d’économie pour le développement rural ».
E. R.
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