Tapis rouge et nuages noirs
Plus ça va, moins ça va. La grande fête du selle Français laisse un goût amer. Pourtant, les équipes d’Yvon Chauvin ont mis le paquet. Elles méritent toutes 20/20 dans le modèle, les allures, la capacité à réagir vite et l’imagination. Une manifestation comme celle-là , pensée, préparée, peaufinée, tire indubitablement la machine vers le haut. L’ANSF y a mis les moyens : 340 000 euros indique Yvon Chauvin, tout inclus, y compris la communication et la location du CPE. Alors pourquoi ce sentiment d’inachevé ?
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Les ventes. Elles ont plombé l’ambiance dès le vendredi. Un vrai coup de blues pour ceux qui avaient un poulain à vendre. Pas d’acheteurs donc pas de marché. Et ce n’est pas du top price à 50 000 euros de Very Berlin du Castel que peut venir une lueur durable. Il semblerait, selon les milieux autorisés, qu’organiser une vente aux enchères soit un métier. Manifestement ici, et pour la seconde année, la formule spécifique à l’association nationale de race ne fonctionne pas. Le moral en prend un coup.
La fréquentation. Moins de public du fait du décalage d’une semaine du CSI, moins de public éleveur, c’est une réalité. Le master des étalons n’a pas passionné les foules. La partie spectacle, dense en émotion avec le retour d’Eric Levallois et son complice Diamant, son décor tapis rouges et lumières tamisées, aurait mérité d’être raccourcie. Il n’y avait plus grand monde à 1 heure du matin pour s’intéresser au passage du dernier des étalons de 7 ans. Même défection populaire dimanche avec l’impression très nette que tout s’arrêtait après les foals.
Surprise et... méprise. La soirée de samedi a doublement pris à la gorge. Emotion totale et surprise totale pour le retour d’Eric, Diamant et Jean-Maurice Bonneau. Emotion à son comble lorsqu’Eric entre en piste sur Diamant. Ovation, le public est debout. La suite fait un peu douche froide avec le long exposé technique d’Anne-Sophie Levallois. Intéressant, certes, documenté et plein d’enseignements. Mais était-ce bien le moment ? Le business a ses raisons que la raison ignore. D’aucuns ont vécu cela comme un dérapage, d’autant que le nom de feu Jules Mesnildrey, le créateur des Semilly, fut à peine prononcé.
Technique. Eternel débat. Faut-il une foulée, deux foulées dans la ligne d’obstacles ? Faut-il ajuster la barre de réglage en fonction des chevaux ? L’ANSF a choisi : cette année, il y avait deux foulées et on ne touchait pas à la barre de réglage. Tout le monde à la même enseigne. Ce ne fut pas toujours judicieux.
Que cherche-t-on pour le sport ? Réponse unanime : des sauteurs. Le système de notation actuel, 40% au modèle, 30% aux allures, 15% au saut en liberté, 15% au saut monté, privilégie la tendance « poupée Barbie ». La réflexion est ouverte, indique le président de l’ANSF. Ces pourcentages sont en discussion.
Pourquoi approuver à 2 ans ? Trop de 3 ans approuvés ? C’est la décision du studbook. L’éleveur a, dans cette configuration, une totale liberté de choix. C’est préférable à une approbation restreinte qui au final imposerait à l’éleveur les critères de croisements du studbook. A propos du testage, Yvon Chauvin n’est pas contre une évolution allant vers une sanction.
Reste que, dans un marché maussade (léger mieux dans les ventes Nash du CSI) prendre l’option « concours national de la race », quel que soit le niveau, devient un choix économique de plus en plus difficile à assumer. Faut-il dès lors s’étonner de la désaffection d’un public auquel rien n’est épargné : menace sur la TVA, suppression des encouragements, circuits de formation coûteux, malaise dans les institutions ? Etonnant contraste quand on connaît la (bonne) situation de l’équitation en France. Non, le cheval n’est pas tout à fait un animal comme les autres.
Etienne Robert
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