Tout sur le Barbe par Jean-Louis Gouraud
J’ai même contribué, soit dit sans me vanter, à la création, en 1987, à Alger, de l’Organisation Mondiale du Cheval Barbe (OMCB), une sorte de sympathique machin regroupant les représentants des pays du berceau (Algérie, Maroc, Tunisie), des pays limitrophes (Libye, Sahel) et des pays européens dans lesquels le barbe a laissé des traces profondes (péninsule ibérique, France, Italie, île de Malte, etc.)
Pour m’aider dans cette folle entreprise, j’avais fait appel à un très grand monsieur, Denis Bogros (1927-2005). Ancien écuyer du Cadre Noir de Saumur, ce militaire cultivé connaissait mieux que personne le cheval barbe, pour l’avoir abondamment utilisé au cours de son long séjour en Algérie, où il résida comme officier de cavalerie, aux temps de la présence française au pays de l’émir Abd el-Kader (1808-1883), éminent connaisseur, lui aussi, lui surtout, du cheval en général, du barbe en particulier.
Aussi, grande fut ma joie de découvrir qu’en Algérie même, le souvenir de feu le colonel Bogros, qui participa si activement à la renaissance de la race, était toujours vivace, et n’avait donc tombé, Dieu merci, ni dans l’oubli, ni dans l’ingratitude, ni dans l’indifférence. Au contraire, il lui est rendu un hommage appuyé en ouverture et en fermeture d’un ouvrage qui vient de paraître à Alger, sous la signature de Ahmed Rayane, qui fut, dans les années 1990, le très efficace directeur technique de l’Office National de l’Élevage Équin (ONDEE) avant d’être admis comme membre du comité exécutif de l’OMCB.
Intitulé « Le Barbe dans sa première grandeur » (et sur-titré « L’Histoire du petit cheval d’Afrique du Nord »), ce bel album (29 x 26 cm) de 144 pages réunit une impressionnante quantité de documents historiques. Même s’il omet de citer explicitement les nombreux ouvrages que, tantôt comme éditeur, tantôt comme auteur, j’ai consacrés au sujet (je ne lui en veux pas, et me réjouis au contraire qu’il en ait fait si bon usage dans son album), il a le mérite de n’exclure aucune source, fut-elle coloniale.
Toutefois, la plus grande originalité, la plus grande richesse, le plus grand intérêt de cet ouvrage réside dans son abondance iconographique. Je ne sais pas où Ahmed Rayane est allé chercher toutes ces extraordinaires photos anciennes - mais il faut le congratuler au moins pour son formidable travail d’archiviste et de documentaliste.
Le meilleur moyen de l’en féliciter et l’en remercier consiste évidemment à se procurer son livre. Ce qui est paraît-il possible en s’adressant à l’Association Française du Cheval Barbe (afcbarbe.fr).
Le Barbe vu par Balzac
Connaissant ma passion pour le cheval barbe, mon ami Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, homme de haute culture, m’a adressé cet extrait du roman de Balzac « Le Médecin de campagne » (1833). On y trouve, en effet, un très bel éloge inattendu du petit cheval d’Afrique du Nord, qui avait déjà conquis les campagnes françaises.
- Il faut que j’aille maintenant là -bas, dit le médecin à Genestas en lui montrant un endroit où s’élevaient des ormes.[…] Là demeure cette femme pour laquelle un garçon est venu me chercher hier au moment de dîner, en me disant qu’elle était devenue blanche.
- Était-ce dangereux ?
- Non, dit Benassis, effet de grossesse. Cette femme est à son dernier mois. Souvent dans cette période quelques femmes éprouvent des spasmes. Mais il faut toujours, par précaution, que j’aille voir s’il n’est rien survenu d’alarmant ; j’accoucherai moi-même cette femme. […] Le chemin est beau, voulez-vous galoper ?
- Votre bête me suivra-t-elle, dit Genestas en criant à son cheval : Haut, Neptune !
   En un clin d’œil l’officier fut emporté à cent pas, et disparut dans un tourbillon de poussière ; mais malgré la vitesse de son cheval, il entendit toujours le médecin à ses côtés. Benassis dit un mot à sa monture, et devança le commandant qui ne le rejoignit qu’[…] au moment où le médecin attachait tranquillement son cheval au pivot d’un échalier.
- Que le diable vous emporte ! s’écria Genestas en regardant le cheval qui ne suait ni ne soufflait. Quelle bête avez-vous donc là ?
- Ha ! répondit en riant le médecin, vous l’avez prise pour une rosse. Pour le moment, l’histoire de ce bel animal nous prendrait trop de temps, qu’il vous suffise de savoir que [c’est] un vrai barbe venu de l’Atlas. Un cheval barbe vaut un cheval arabe. Le mien gravit les montagnes au grand galop sans mouiller son poil, et trotte d’un pied sûr le long des précipices.
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