TVA : La mort du p’tit cheval ?
La réunion de la dernière chance a échoué à Bruxelles vendredi 13 décembre 2013. Vendredi 13 de la malchance et ironie du sort, ce jour là , la Fédération Equestre Internationale proposait à l’Assemblée Générale des Nations Unies de désigner le 13 décembre, comme la Journée Internationale du cheval, rendant ainsi hommage à la contribution des chevaux dans l’économie mondiale, le patrimoine culturel et le sport. Jour de deuil national oui.
Il restait un mince espoir à la délégation composée des représentants des ministères concernés (Economie, agriculture, Sports) et des professionnels des centres équestres pour obtenir un moratoire. La Commission fut inflexible comme elle l’annonçait avant même de recevoir les protagonistes dans une dépêche AFP. C’est non dans l’état actuel du contexte. Un non que Baudoin Baudru, un des experts de la Commission, interrogé à ce sujet, avait clairement affirmé par écrit le 22 novembre dans la communication que nous reproduisons ci-dessous.
« • La possibilité d’appliquer un taux réduit de TVA a été harmonisée en 1992 (directive 92/77/CEE du Conseil du 19 octobre 1992) dans la perspective de la création du marché intérieur au lei janvier 1993.
La liste des opérations pour lesquelles les Etats membres peuvent appliquer un taux réduit figure à l’annexe III de la directive TVA (directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006), approuvée à l’unanimité par les Etats membres,dont la France.
Cette liste ne prévoit pas de possibilité d’application du taux réduit de TVA à la filière équine en tant que telle.
En revanche, elle autorise l’application d’un taux réduit de TVA pour les animaux normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires (point 1 de l’annexe III), et pour les livraisons de biens et prestations de services d’un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole (point 11 de l’annexe III).
En outre, elle ne prévoit pas non plus de taux réduit de TVA pour les activités sportives en général.
Seuls deux aspects spécifiques seraient susceptibles de bénéficier, le cas échéant, d’un taux réduit de TVA; « le droit d’admission aux manifestations sportives » (point 13 de l’annexe III) et « le droit d’utilisation d’installations sportives » (point 14 de l’annexe III).
Par contre, toute autre opération relative aux manifestations ou aux installations sportives, à leurs équipements ou au matériel qui y est utilisé, doit être soumise au taux normal de TVA.
Il n’est pas non plus prévu de possibilité de taux réduit de TVA pour les cours de sport, et notamment les cours d’équitation.
La notion de « droit d’admission aux manifestations sportives » vise le droit d’entrée que paient les spectateurs pour assister à une manifestation sportive (par exemple, le billet pour assister à un match de football).
Donc, si un centre équestre organise un concours hippique et qu’il fait payer les spectateurs, le droit d’entrée correspondant pourrait le cas échéant bénéficier du taux réduit.
La notion de « droit d’utilisation d’installations sportives » vise par exemple le droit d’entrée dans une piscine ou un gymnase. Dans le cas d’un centre équestre, on pourrait imaginer que le propriétaire d’un cheval paie un droit pour utiliser le manège ou la course d’obstacles. Dans un tel cas, le taux réduit pourrait le cas échéant être appliqué sur cet aspect spécifique.
En revanche, il est évident que la plus grande part des activités du centre équestre n’est pas couverte par ces termes, notamment les cours d’équitation, la mise à disposition des chevaux (qui ne peuvent certainement pas être qualifiés d’ « installations »), l’hébergement et la nourriture des chevaux appartenant à des propriétaires...
Il est utile de préciser également que l’article 132, paragraphe 1, point m de la directive TVA prévoit l’exonération de TVA de « certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique ». Toutefois, lesdites prestations doivent être « fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l’éducation physique ».
• Dans son arrêt du 8 mars 2012, la Cour de justice a jugé que la France avait manqué à ses obligations en vertu de la directive TVA « en appliquant des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée aux opérations relatives aux équidés et, notamment, aux chevaux, lorsque ceux-ci ne sont normalement pas destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole ».
Le recours de la Commission portait sur l’ensemble des activités de la filière équine en France bénéficiant d’un taux réduit de TVA, y inclus les activités des centres équestres.
• L’application du taux réduit de TVA, dans le cadre des possibilités offertes par la directive, est une possibilité laissée aux Etats membres. Ainsi, selon les informations de la Commission, la France n’utilise pas cette possibilité pour les droits d’entrée dans les piscines ou les gymnases (application du taux normal).
• La France est tenue d’exécuter cet arrêt de la Cour de justice, à savoir de modifier sa législation afin de se conformer aux règles de la directive TVA.
A défaut, la France encourt le risque d’une deuxième condamnation par la Cour de justice pour « manquement sur manquement », et du paiement à ce titre d’une amende et d’une astreinte.
Un tel arrêt n’est pas encore intervenu.
En revanche, la Commission a ouvert la procédure de « manquement sur manquement » pouvant aboutir à une saisine de la Cour de justice en la matière.
• Enfin, nous comprenons votre préoccupation et votre souhait de voir soutenu le secteur économique auquel vous appartenez.
Toutefois, en tant que « gardienne des Traités », il incombe à la Commission de veiller à ce que les Etats membres transposent correctement en droit national la législation de l’Union qu’ils ont adoptée à l’unanimité au sein du Conseil (s’agissant de dispositions fiscales), et qu’ils exécutent les jugements de la Cour de justice les concernant. Dans une Union de droit, comme dans un Etat de droit, la loi doit être respectée par tous.
Si la France souhaite soutenir l’équitation et l’activité des centres équestres, il lui appartient de trouver des solutions de soutien à ce secteur qui soient conformes au droit de l’Union européenne. »
Dans sa grande mansuétude, la Commission européenne annonce cependant « écouter les positions des représentants français du secteur du cheval, et les encourager à envisager d’autres options pour soutenir le secteur ». Elle rappelle que la loi de finances a été « adoptée à l’unanimité par les Etats membres » et que ceux-ci « ne peuvent pas en faire une interprétation large ». De plus, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République tchèque ont dû modifier les règlements fiscaux applicables aux opérations sur les équidés pour se mettre en conformité avec la législation européenne.
Riposte à l’échelle européenne
KO debout, dégoûtés, sonnés, c’est ce que ressentaient les dirigeants de centres équestres après l’annonce de cet échec. C’est moins la dégringolade économique qui les attend à partir du 1er janvier que l’aspect psychologique de la situation qui les bouleverse. « On est en train de tuer chez nous l’envie de faire » analyse un des organisateurs de la manifestation parisienne. C’est un arrêt de mort lente.
Les membres de « l’équitation en péril » ont choisi de mettre en responsabilité l’Etat, de tenter de l’envoyer à l’affrontement dans la fameuse procédure de manquement sur manquement qui serait une sorte de procédure d’appel juridique.Les dirigeants sont sur les dents car qui peut dire le taux de TVA qui sera appliqué en janvier ? L’Etat tiendra t’il sa promesse orale de maintenir le taux réduit au premier janvier (lequel !?) pour qui, comment ?
Mises en sommeil ces derniers temps pour ne pas gêner le climat des négociations, les manifestations ont déjà repris sporadiquement. Des actions d’envergure sont d’ores et déjà programmées dès lundi 23 décembre dans les grandes villes d’Europe : Amsterdam, Bruxelles, Turin,Stuttgart,Strasbourg, Paris. La Horde a relancé son opération « crottin pour tous » en direction des préfectures et des permanences des députés. Sûr que la déclaration de François Hollande qui assimilait les manifestants contre l’équitaxe à « la droite indécrottable, la même clientèle que celle qui manifestait contre le mariage pour tous » ne va pas s’oublier de sitôt.
Paradoxe, pendant que la rue cherche à créer un vrai malaise, la commission européenne consulte publiquement sur l’avenir des taux réduit pour les activités d’intérêt général dont fait partie le sport.
Affrontement, consultation, incertitude ingérable pour les centres équestres, qui peut dire si le p’tit cheval survivra ?
Etienne Robert
Une proposition de loi
Jacques Myard, Marc Le Fur, Éric Woerth,Valérie Pécresse et une vingtaine de députés de droite ont déposé le 5 décembre une proposition de loi à l’Assemblée Nationale, visant à permettre l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux prestations de services correspondant exclusivement au droit d’utilisation des installations équestres exploitées à des fins d’activités physiques et sportives. L’objet de cette proposition de loi est de réserver le taux de T.V.A. réduit aux prestations correspondant exclusivement au droit d’utilisation des installation équestres, à savoir les entraînements des clients utilisant leurs propres chevaux et les pensions de chevaux confiés aux centres équestres, ce qui correspondrait aux exigences européennes.
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