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Un oligo-élément peu connu, le sélénium

Chronique VétérinaireLe sélénium fait partie des minéraux qui sont à la mode à certaines périodes et totalement négligés à d’autres. C’est presque une question d’époque alors que cela devrait plutôt être une question de géographie. Photo 1 sur 1

En premier lieu, voyons le devenir de ce malheureux minéral une fois sadiquement ingéré par le cheval...

59 % de la quantité de sélénium ingérée arrivent effectivement dans le sang et vont se répartir entre le plasma et les tissus musculaire et cardiaque, le cerveau et les organes reproducteurs. L’élimination s’effectue essentiellement par voie rénale et, pour le sélénium sous forme volatile, par voie respiratoire.

Ses effets physiologiques sont nombreux sur :

La thyroïde : la iodothyronine 5’-deiodinase contient du sélénium. Cette enzyme permet la conversion de la T4 (inactive) à la T3 (active). La T4 et la T3 sont des hormones thyroïdiennes qui ne se différencient que par le nombre d’iodes (4 atomes d’iode pour la T4 et 3 pour la T3).

Le cœur et les os : par l’intermédiaire de la production de la T3.

Les muscles : ils possèdent la sélenoprotéine W importante pour leur fonctionnement.

Un autre effet physiologique est la protection anti-oxydante à l’aide de la GSH-Px3 (une glutathion peroxydase). La production de certains déchets appelés ROS (reactiv oxygen species) qui sont des oxydants forts.

Ces oxydations peuvent intervenir sur n’importe quel constituant cellulaire modifiant leurs structures et donc détruire la cellule si elles sont trop nombreuses.

Une protection est donc nécessaire via certaines vitamines (dont la vitamine E) et le glutathion peroxydase.

Récapitulons : le sélénium est important pour la transmission des informations de la thyroïde (dont au niveau du cÅ“ur et des os), les muscles et la protection cellulaire contre les oxydations intempestives. Il réduit ainsi les risques d’hémolyse (fragilité des érythrocytes) ce qui peut être un critère de diagnostic précoce des carences. Il réduit aussi la fragilité des capillaires prévenant ainsi les micro-hémorragies et les oedèmes. 

Un cheval au travail va produire plus de déchets et donc aura besoin de plus de sélénium qu’un cheval au repos. Nous verrons les chiffres un peu plus loin.

La carence est possible dans certaines régions de France avec un sol primaire (Massif central, Vosges, Ardennes, Massif Armoricain), pour ces régions, il vaut mieux vérifier que la ration journalière couvre les besoins. Un apport journalier est préférable à un apport en cures et n’expose pas de la même façon aux risques de toxicité.

A noter que certains types de chevaux (Islandais) s’en accommodent jusqu’à un certain point.

Il a été noté que ces chevaux supportent une concentration de 66 µg / L de sélénium dans le sang (avec la normale entre 140 à 250 µg / L) sans conséquence clinique. Des signes de carence chez ces chevaux seront donc forcément liés à une carence sévère. Par contre, avec une ration contenant suffisamment de sélénium, ils seront increvables !

La carence se diagnostique par un dosage sanguin du sélénium pour être sûr, archi-sûr.

Nous avons deux grands cas :

Chez l’adulte : dégénérescence musculaire, fragilité des globules rouges (due à la perte de la protection anti-oxydante du glutathion peroxydase), une sensibilité accrue aux raideurs et aux douleurs musculaires avec une complication possible, le « coup de sang » ou rhabdomyolyse.

Chez le poulain : la « maladie du muscle blanc » (raideur de la démarche, des troubles cardiorespiratoires et une mort brutale), la fragilité des globules rouges, troubles de l’ossification.

Le cas de la gestation et la lactation, les besoins en sélénium sont augmentés.

Voici pour un cheval de 500 kilos, les besoins journaliers en sélénium sont de :

 

Au travail

Gestation

Lactation

Repos : 1.7 mg

8e mois : 1.8 mg

4 premiers mois : 2.7-2.9 mg

Léger : 2.3 mg

11e mois : 2 mg

6e mois (sevrage) : 2 mg

Modéré : 2.6 mg

   

Intense : 2.3 mg

   

Le poulain, recevant du sélénium exclusivement de sa mère pendant les premiers mois de sa vie, sera très dépendant du taux de sélénium dans le lait, lui-même dépendant de sa concentration dans le sang de la jument.

Le risque d’intoxication est cependant le plus fréquent. 

Toxicité aiguë (surdosage important et brutal) : toxicité rénale, intestinale (diarrhées, colique) et cardiorespiratoire (augmentation du rythme respiratoire et cardiaque),

Toxicité chronique (surdosage plus faible mais sur long terme) : chute du poil de la queue, et des crins, une haleine avec une forte odeur d’ail, une déformation et une perte du sabot (le sélénium prend la place du soufre au niveau du sabot ce qui induit une déformation) et perte de la vue.

A noter que certaines régions peuvent avoir un taux de sélénium dans les sols qui expose les chevaux à un surdosage chronique. Dans ce cas, le choix d’aliments complémentaires non supplémentés voire l’achat de fourrage en provenance d’une région naturellement carencée, s’imposent.  

Une supplémentation abusive et répétée sous prétexte de prévenir les accidents musculaires sur des chevaux non carencés en sélénium, est donc une pratique à risques.  

Le sélénium est indispensable et toxique, un joli paradoxe qui n’arrange pas vraiment nos affaires. La manipulation du sélénium doit donc être rigoureuse afin d’être une source, à défaut de joie, du moins de santé.

François Kaeffer http://techniques-elevage.over-blog.com

27/06/2013

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