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Des interrogations autour du projet du domaine équin de La Cour

L'agglomération vichyssoise, qui possède déjà près de 550 hectares d'installations dédiées au sport, étudie actuellement un projet qui viendrait agrandir ses équipements déjà hors du commun. Photos 1 sur 2
Economie et sport sont intimement liés à Vichy et le symposium annuel, organisé depuis 2008 à l'initiative du Pays de Vichy-Auvergne, a permis d'établir des passerelles entre le monde du cheval, et plus particulièrement la recherche en sciences équines, et le cœur de métier de cette agglo, à savoir la santé et la remise en forme. Une agglomération qui a d'ailleurs connu, cette année, le retour du prestigieux CSI 3* sur le terrain du Sichon après une longue période de travaux. Pourtant le ciel des centres équestres locaux s'assombrit à l'évocation du projet du domaine équin de La Cour, porté par la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier. Se pourrait-il que le futur pôle équestre, projet structurant prévu sur la commune de Bellerive, à peine sorti des cartons, soit une source de vive inquiétude pour les professionnels du cheval ?

La source des maux
Une étude menée par le pôle Ingénierie des ex-haras nationaux en 2009 met en avant la volonté de la communauté d'agglomération Vichy Val d'Allier de donner un élan significatif au développement équestre. L'orientation du projet, validé par le comité de pilotage, s'articule autour de différents axes tels que la compétition, la formation, la recherche, et un volet social autour de l'accueil de handicapés sous responsabilité associative et le tourisme équestre. Le programme prévoit sur les 60 Ha du domaine, propriété de la communauté d'agglomération, d'excellents équipements permettant une importante activité hivernale, la création de 2 internationaux par an, d'événements nationaux en extérieur, un socle permanent de formation et un gîte d'étapes haut de gamme. Toutefois, les prévisions comptables laissent craindre un déséquilibre du compte d'exploitation, créé par le niveau des investissements d'une part et les besoins en personnel d'autre part, évoquant la nécessité d'optimiser l'équilibre d'exploitation.
Au conseil municipal de Vichy, Isabelle Réchard, du groupe d'opposition, s'est fait la porte-parole des professionnels le 22 juillet pour évoquer le malaise des centres équestres qui redoutent une concurrence déloyale, trouvant, semble-t-il, un écho favorable auprès de la majorité. Le maire UMP de Vichy Claude Malhuret a cependant jugé plus pertinent d'essayer de contrôler le projet pour éviter les dérapages plutôt que de voter contre.

Des professionnels en colère
Selon Nicolas Quivaux, du centre équestre du Coquet (03), « L'étude de faisabilité, qui a coûté plus de 40 000€, est une aberration du début à la fin et si l'on tient compte des études associées, ils en sont à plus de 160 000€. Qu'aurait fait un privé avec une telle somme ? pas une étude en tous cas. On nous parle d'une formation permanente de cavaliers jeunes chevaux, laquelle existe déjà chez un privé, mais tout le monde sait que les formations professionnelles sont financées par la région à la condition qu'il y ait des emplois à la clé. Qui aujourd'hui en Auvergne peut salarier un tel cavalier ? Il faut arrêter de former des jeunes pour un métier qui n'existe pas chez nous. Si l'on observe le circuit (SHF, ndlr), on se rend compte que ce sont en grande majorité des enfants d'éleveurs qui montent. » Nicolas Quivaux s'insurge contre cette opportunité de délocaliser une formation privée en accédant à des installations de ce niveau et juge déloyale cette possibilité de développement.« On parle de déficit annuels de l'ordre de 400 000 € et on nous dit qu'il n'y aura que des compétitions indoor hivernales, des compétitions de complet et de disciplines annexes, mais qu'il n'y aura pas de concurrence pour les professionnels locaux. Pourtant, les compétitions font aussi partie des activités concurrentielles ». On peut toutefois remarquer que, en Auvergne au moins, la grande majorité des concours sont organisés par des associations à but non lucratif.
« On nous dit qu'il y aura 2 CSI par an alors que l'on n'arrive pas à faire évoluer celui qui existe actuellement. Est-ce normal que le CSI de Vichy n'ait toujours que 3* ? Quel cavalier du Top Ten vient à Vichy ? On n'y voit que des seconds couteaux ! et quand un cavaliers de tête vient, il arrive avec son second cheval. Je n'ai pas vu un seul cheval de Grand Prix de coupe des nations à Vichy cette année. », lance Nicolas Quivaux avec agacement.
« Dans l'étude, on peut lire qu'il faudrait délocaliser certains événements qui se déroulent à Lamotte-Beuvron, pour soulager le site solognot, comme le meeting des propriétaires alors que le meeting est une des rares manifestations pour laquelle le parc fédéral est organisateur et non pas prestataire de service. Pourquoi les organisateurs accepteraient-ils de lâcher le bébé ? On nous parle d'accueil de handicapés et de social, mais les centres équestres de Vichy accueillent déjà du public handicapé. Quand on parle avec des éducateurs spécialisés compétents, ils nous expliquent que la place du handicapé est dans la société et pas dans un centre spécialisé. En résumé, on est sur un projet qui coûte une fortune, ils nous promettent qu'ils ne s'en serviront pas et qu'ils y feront une formation qui ne sert à rien ».
Les opposants au projet sont convaincus qu'à moyen terme, un gestionnaire privé s'orientera logiquement vers une activité plus rémunératrice afin de rentabiliser son investissement, ce qui l'amènera inévitablement à faire de la concurrence aux centres équestres locaux avec des installations contre lesquelles personne ne pourra rivaliser : « Comment ne pas être inquiets pour nos entreprises dans ces conditions ? Puisque personne ne nous écoute, nous avons décidé de prendre la parole en créant une association et nous avons demandé à faire partie du comité de pilotage. »
Même s'ils sont conscient des limites d'actions qui sont les leurs, les membres de cette association présidée par Christophe Mayer, propriétaire du centre équestre de la Forge (03), sont déterminés à se faire entendre en utilisant tous les moyens dont ils peuvent disposer.

Développer pour éclaircir
Interrogé par téléphone, le président du conseil du cheval d'Auvergne, Robert Maury, nous livre son sentiment : « On peut sans doute regretter l'insuffisance de communication faite auprès des professionnels. L'idée de départ était de créer en Auvergne un pôle régional de structures techniques permettant de faire évoluer nos professionnels par des stages, et de former nos cadres ainsi que nos juges. Il s'agissait de créer une maison du cheval pour rassembler les différentes structures, mettant en réseau les secrétariats. La volonté est d'avoir une garantie de non concurrence pour l'ensemble des professionnels et que cette structure serve à l'ensemble de la filière pour dynamiser le secteur d'activité.Le parc de Lamotte-Beuvron, qui accueille une multitude de clubs, est aujourd'hui à saturation à l'occasion des stages. Il y a donc une part de marché à prendre de ce côté, d'autant que Vichy est bien plus accessible par le sud avec l'autoroute de Montpellier. Le conseil du cheval a émis un avis réservé, concernant les fonds Eperon, sur la première présentation du projet par le service ingénierie des haras qui préconisait un fonctionnement en régie, ce qui ne nous permet pas d'avoir une garantie de non concurrence. Néanmoins, cet avis réservé peut se changer en avis favorable si la filière dans son ensemble est impliquée dans le fonctionnement. C'est le point clé de la garantie que l'on peut avoir. Nous avons, pour le fonctionnement, une multitude de professionnels, quel que soit le domaine d'activité, capables d'amener une dynamique et de contribuer à l'essor du pôle équestre. Concernant l'instruction, il n'est pas question de faire des formations redondantes, mais plutôt un enseignement d'un niveau supérieur n'existant pas pour l'instant. L'objectif est bien d'amener un développement sans entrer dans la problématique de la concurrence à l'ensemble des professionnels. Il est évident pour tous que pour séduire un partenaire, il faut avoir une dynamique de développement. Celle-ci passe, entre autre, par un manège suffisamment grand pour accueillir des sessions de travail hivernales et un hall attenant pour accueillir des manifestations, des séminaires ou des spectacles sans pour autant cibler exclusivement notre activité afin de générer des revenus. Ce site serait aussi un outil de progrès pour des disciplines moins médiatisées comme l'attelage qui n'a que très peu d'installations à disposition pour organiser des manifestations et l'endurance pour laquelle l'emplacement du site serait un atout. Nous avons aussi un secteur important à promouvoir au niveau du tourisme équestre et là, on peut mettre en place un gîte de départ d'une trans'Auvergne ».
Il convient de ne pas oublier la discipline du concours complet pour laquelle le positionnement géographique, la topographie des lieux et la surface prévue pour le cross permettent d'envisager toutes les audaces. L'Auvergne a une carte à jouer pour l'accroissement de la discipline et possède déjà quelques très bons élevages d'Anglo-Arabes, d'AQPS ou de Selles Français, mais la région souffre aujourd'hui du manque d'installations préalablement à tout développement même à des niveaux modestes.

Dépassionner le débat
Jean-Michel Guerre, président de l'agglomération Vichy Val d'Allier et vice-président du conseil régional, a accepté de nous recevoir et de s'exprimer sur le sujet : « La ville de Vichy entretient un partenariat avec la filière équine depuis plus de 100 ans, de la production à l'utilisation à haut niveau, en passant par tous les métiers. La volonté de donner une impulsion économique à la filière, à partir des équipements existants, a amené VVA à s'interroger sur les besoins structurels au service des professionnels et de la filière. Le rôle de VVA est d'initier un certain nombre de développements comme cela s'est fait pour la natation avec le stade aquatique. C'est dans cette même logique que s'est faite l'étude de la plate-forme équine du domaine de La Cour puisque les retombées sont essentiellement destinées aux professionnels de la filière, sans oublier l'attractivité générale de l'agglomération et son positionnement au niveau national et européen sur un projet de cette nature. Nous ne sommes pas en train de créer un immense centre équestre de plus, comme j'ai pu le lire dans la presse locale, mais sur le point de donner à la filière des moyens nouveaux pour développer son activité. La recherche, animée par Vet'agro Sup en liaison avec l'INRA, et la création d'un pôle «  recherche et développement » font aussi partie des axes majeurs du projet. Selon certains chercheurs américains rencontrés, la France aurait 20 ans de retard en matière d'équithérapie, retard que nous pouvons rattraper. Dans ce but, je me suis rendu à Turin pour visiter une plate-forme équine portée par des universitaires à laquelle celle de Vichy Val d'Allier pourrait ressembler si le projet aboutit. J'y ai rencontré des chercheurs et vu du tertiaire de haut niveau afin de mieux comprendre ce qui peut se faire chez nous. Globalement, il s'agit d'un projet d'envergure estimé à 10 millions d'euros. A titre de comparaison, le stade aquatique a coûté 25 millions d'euros. Porter un tel projet nécessite d'aller chercher des compétences spécifiques. Un partenariat public/privé présente le double avantage de mettre des pros dans l'opération et de partager les risques sur le plan financier. Nous sommes actuellement dans la phase d'appel à candidature et le fait que plusieurs investisseurs privés soient intéressés prouve que le modèle économique n'est pas aussi nul que certains le disent. Le partenaire devra ensuite présenter son projet qui sera débattu en conseil d'agglomération. Voilà pourquoi les détails du projet ne peuvent pas être connus puisqu'ils dépendent du candidat ».
Le projet présenté par le futur partenaire devra néanmoins répondre à un cahier des charges très précis établi par le comité de pilotage. « Dès lors que le partenaire est retenu, l'agglo lui verse les subventions qu'elle a obtenues et le privé finance le reste de l'opération, assure la réalisation et gère le site pendant 20 ans. L'agglomération devient alors locataire du candidat pendant ces 20 ans aux terme desquels l'agglo devient l'unique propriétaire. Si, au terme de cette étude, il apparaît qu'il faut mettre 400 000 € par an pendant 20 ans pour parvenir à ce développement, les élus auront à se positionner sur la pertinence de l'investissement pour l'avenir de l'agglo au regard de ce qui s'est fait pour le stade aquatique ou d'autres équipement ».
Il est intéressant de signaler que le premier partenaire à avoir donné son accord en matière de subvention est l'État, par la voix de son préfet de l'époque, Patrick Stéphanini, à hauteur de 2 millions d'euros. Devant l'envergure européenne du projet, le conseil régional a suivi à hauteur de 2.5 millions d'euros, et le Conseil général à hauteur de 550 000 €. Le fonds Eperon sollicité pour compléter le montage financier amènerait globalement au plafond légal de subvention sur ce type de projet soit 50%. On peut voir là la reconnaissance par les pouvoir publics de la crédibilité du projet. Cette crédibilité s'accroît quand on sait que le président de VVA a été approché par la police nationale qui songe à y installer une formation permanente de la police montée.
« Les craintes et réflexions dont la presse locale s'est récemment faite le relais sont surtout le fait d'une grande incompréhension. », ajoute le président Guerre, « d'autant plus que VVA a communiqué sur ce projet auprès du grand public au travers d'un document de 4 pages tiré à 40 000 exemplaires et présentant le poids de la filière équine dans l'agglomération et ce que pourrait être la plate-forme du domaine de La Cour ».

Même s'il n'appartient pas à VVA de gérer les états d'âme à l'intérieur de la filière, Jean-Michel Guerre a néanmoins accepté d'associer au projet les représentants de cette association. Quel que soit le domaine d'activité, l'idée même d'une concurrence possible a toujours suscité des inquiétudes.
La réputation de l'agglomération Vichy Val d'Allier en termes sportifs n'est plus à faire et la qualité de ses infrastructures sportives est telle que sa renommée dépasse, et de loin, les frontières nationales. Ce projet, s'il voit le jour, se situera à la croisée des chemins d'un vaste ensemble dédié à la santé, à la nutrition, au sport, et à la remise en forme.
Le conseil communautaire devra se prononcer sur ce dossier au cours du premier semestre 2012. D'ici là, les professionnels devront, pour se l'approprier ou le rejeter, dépasser leurs défiances et analyser les enjeux pour la région.
Sarah Marteau

25/08/2011

Actualités régionales